Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mercredi 31 juillet 2013

Au soleil

Depuis que j'ai écris un post sur l'histoire du Real Change Guy, je suis devenu super conscient de tous les marginaux dans la rue. Et je me suis rendu compte que malgré mes belles paroles, j'étais comme tout le monde: la plupart du temps, je passe devant eux en les ignorant, et je ne leur donne quasiment jamais d'argent. Bon, soyons réaliste: on ne peut pas prendre toute la misère du monde sur soi et donner de l'argent à chaque clodo, sinon on n'en fini pas... Ce qui n'empêche qu'il faut être cohérent: je ne peux pas essayer de vous faire pleurer avec un article, et ensuite ignorer tous les sans-abris du quartier.

J'ai réalisé que si je ne leur donnait pas d'argent plus souvent, c'était en général parce que je n'avais pas de monnaie facilement accessible. Pour moi, sortir son portefeuille en pleine rue et fouiller dedans à la recherche de billets, c'est chercher des bricoles, et c'est quelque chose que j'évite absolument (et si vous habitez dans une grande ville, c'est quelque chose que vous devriez éviter aussi). Alors depuis quelque temps, je m'arrange toujours pour avoir un peu de monnaie dans la poche avant de mon sac, et quelques dollars dans le vide poche de ma voiture.

Ce week-end, en voiture justement, je m'arrête à un feu, et là il y a un sans-abri en train de faire la manche. Un vieux, qui ressemble à un troll, desséché et rabougri. Rapidement je fouille dans mon vide poche, trouve un dollar qui traine, ouvre la vitre et lui donne.

Il a un sourire triste et me dit "Merci beaucoup, vous savez, c'est dur aujourd'hui, il fait chaud!".

Moi, dans ma voiture (une vieille VW Passat pourrie mais climatisée), bien au frais, j'essaie de lui faire la conversation: "Ben, si vous avez trop chaud, vous n'avez qu'à aller vous mettre au frais dans le supermarché à coté, c'est climatisé, ça vous fera du bien".

Il me regarde, et me dit "C'est ce que j'ai fait Samedi (jour de canicule où il faisait 30C), j'ai fais 6$ dans la journée".

Soudain, le feu passe au vert, alors je démarre. En embrayant, finalement je percute et là je me suis vraiment senti trop con. Ce gars, il se met à cet endroit parce que c'est le croisement le plus fréquenté du quartier. S'il se met à l'ombre... Il ne gagne pas d'argent, puisque la manche c'est sa seule subsistance. Donc pour manger, il est obligé de rester en plein soleil toute la journée à cramer. C'est juste l'enfer. Et puis s'il se met sous un parasol et tout, les gens vont avoir l'impression qu'il farniente, et ne vont rien lui donner, donc il est obligé de ramasser. Et moi, bien au frais dans ma voiture, je lui dis d'aller se mettre au frais dans un magasin. Mais quel imbécile.

Alors on entend parfois les gens dire, "Oui mais les clodos, c'est qu'ils ne veulent pas travailler, c'est des fainéants, etc etc" ou des arguments du genre. Franchement, j'aimerais vous y voir. Je ne crois pas que l'on fasse le choix de gagner sa croute en restant assis toute la journée en plein soleil par 30/35C, par tous les temps en fait, sans que des circonstances dramatiques nous amènent à ça.

EDIT suite à quelques commentaires:

Mon point n'est vraiment pas de dire qu'il faut donner ou pas aux "clodos". C'est un problème complexe qui me dépasse, je ne connais pas bien le sujet. Moi, je donne de temps en temps à ceux qui ont l'air vraiment dans la dèche histoire de leur remonter le moral, mais bon, c'est ma manière de voir le truc et c'est hautement personnel. C'est une occasion de causer avec eux.

Non, mon point, et je vous invite à regarder les commentaires, c'est vraiment d'attirer l'attention sur le fait qu'on a toujours l'impression que ces gens sont des parasites profiteurs etc... Moi, de ce que j'en vois, c'est surtout beaucoup de misère et de souffrance. Et pendant ce temps là, dans nos élites, des parasites nous sucent autrement plus d'argent sans que cela gène personne... En fait on est presque formaté à traquer les profiteurs parmi "nous" gens du bas peuple (alors que si profitage il y a, il est souvent, pas toujours mais souvent, initié par une condition de misère), et pendant ce temps, on ne s'occupe pas de ce qui se passe dans notre dos. C'est assez triste.  Pendant ce temps, les banquiers s'enrichissent, non pas parce qu'ils sont dans la misère, mais juste parce qu'ils peuvent...

10 commentaires:

  1. C'est un sujet délicat parce que tous ceux qui font la manche ne sont pas non plus SDF.
    Je suis toujours un peu partagée lorsque je croise quelqu'un qui fait la manche parce qu'il m'est arrivée de donner de l'argent à un soit-disant père qui demandais de l'argent pour nourrir son enfant et qu'après je l'ai revu dans le restau de mes parents à payer le repas de ses invités et repartir dans une belle voiture et parce qu'après avoir discuté avec quelques "marginaux" certains profitaient ouvertement de la générosité des gens.
    Du coup j'ai tendance à donner au coup de cœur plus qu'à la culpabilité. Quand des chanteurs de rue me donne de la joie ou bien quand quelqu'un me parait sincère et que ça me fait plaisir de l'aider. Mais jamais par pitié.

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    1. Flo, justement c'est un peu ca qui m'inquiete, la tendance a toujours prendr les exceptions, les profiteurs, pour des cas generaux. J'ai quand meme l'impression qu'il y a plus de gens veritablement dans une deche pas permise que de gens qui profitent. Le gars au soleil toute la journée, il fait pas ca pour profiter.

      Apres, on donne, on donne pas, on s'engage pour ce qu'on choisit, c'est pas mon point, en fait. C'est juste que cela m'interpelle que l'on ai tendance à toujours voir le coté negatif d'une minorité profiteuse, alors qu'il y a plus de gens qui vivent un martyr. Et pendant ce temps... Les banquiers s'enrichissent.

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  2. Personnellement, je ne pense pas que ce soit une bonne chose de donner de l'argent comme ça gratuitement aux gens, ce n'est pas les aider.
    Dans notre tour du monde de 15 mois, nous avons croisé beaucoup de misère et j'ai l'intime conviction que donner de l'argent, ça soulage sa conscience et ça ne rend pas service au mendiant.

    Si l'on veut vraiment aider, il faut se tourner vers des ONG locales et faire des dons d'argent ou de temps à celles-ci qui utiliseront l'argent à bon escient pour aider au mieux les gens dans le besoin.

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    1. Je suis complètement d'accord, en meme temps, un dollar de temps en temps à un mec qui galere, ca lui fait aussi du bien dans sa journée je pense. Encore une fois, voir mon commentaire pour Flo, mon point n'est vraiment pas de dire, faut donner aux clodos, c'est bien plus compliqué que ca.... J'ai juste envie d'attirer l'attention sur le fait que les gens dans la deche, ben ils en chient grave.

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  3. Je rejoins les deux précédents commentaires. J'ai vu trop d'exemples autour de moi de gens qui vivent sur le dos des autres, qui te feraient pleurer de pitié ou qui t'insultes si tu ne leur donnes rien (ou pas assez). Pendant un temps, quand je voyais un mendiant devant un supermarché, je lui donnais quelque chose que j'achetais spécialement pour lui (de la nourriture qui ne se cuit pas). Certains me remerciaient, d'autres râlaient : ils voulaient de l'argent pour boire ou fumer probablement. Sous forme d'argent, jamais je ne donne.
    Et comme tu le dis très justement au début de ton post, on ne peut pas porter toute la misère du monde...

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    1. Tout à faot d'accord, voir mes commentaires précédents.

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  4. Quand mes enfants étaient petits, j'ai du répondre à leurs questions sur les SDF et notamment, il a fallu à un moment ou à un autre que je leur explique pourquoi je ne donnais pas d'argent alors que je leur apprenait qu'il ne fallait pas vivre que pour soi ou replié sur son confort perso. Je leur ai expliqué que je donnais à des associations comme le secours catholique ou les restos du coeur et que les sdf, non seulment y trouveraient un repas, mais aussi un médecin, ou quelques vêtements. Comme ils ne semblaient complètement d'accord avec ça, (mon fils a toujours des arguments redoutables!) nous sommes convenus d'un marché : quand vraiment la personne a l'air en difficulté, on lui achète un sandwich, une boisson, on lui demande de quoi elle a le + besoin (un jour, l'un d'eux nous a dit qu'il revait d'une douche parfumée ! on est allés au super U du coin lui acheter un truc à la vanille !)
    Depuis que je bosse sur les Champs Elysées, il y a Mariam, un Slovène, à la station Champs Elysées Clémenceau. Parfois je lui offre un café, un pain au chocolat, pas systématiquement mais de temps en temps, car mes moyens ne me permettent pas de faire plus.
    On échange qques mots, il me parle de sa fille qui fait des études en Slovénie, ce qui le rend très fier. Et je vous le donne en mille, ce qui lui fait le + plaisir, c'est quand je lui ramène un morceau de gateau que l'on a fait à la maison, alors que je n'osais pas car je ne voulais pas qu'il pense que je lui donnais mes restes...
    Donner de l'argent, oui, non, vaste débat... Mais quand on peut, donner un peu d'humanité, ça oui !
    (je dois cependant admettre que parfois, les gens qui font la manche sont tellement agressifs, sales, ou saoul, que je ne peux pas faire un pas vers eux... )

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  5. C'est compliqué comme question. La plupart du temps, on ne peut juste pas donner à ces personnes ce dont elles ont réellement besoin, à savoir un travail, un logement, une cure de désintox, une thérapie.

    Certaines sont déjà tellement loin de nous, en termes de désocialisation et d'exclusion qu'il est à peine possible de parler.

    Il y a un type qui mendie souvent près de ma rue. C'est une épave. Il n'arrive plus à faire de phrases construites tellement il est détruit par l'alcool. Il est moins agressif qu'il a pu l'être par le passé lorsqu'il il avait encore assez de force pour être en colère.

    Je me souviens bien de se gars quand j'étais petit, je le voyais souvent se balader dans la rue lorsque je revenais de l'école. Il était toujours en train de rigoler et il avait l'air heureux. Heureux et normal.

    Maintenant, quelques 30 ans plus tard, il gît parfois inconscient en travers d'un trottoir et les gens le contournent pour pouvoir passer. Lorsque je le vois dans cet état, je vérifie qu'il est vivant et je passe mon chemin, comme les autres finalement.

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  6. Je tendrais à être pour le don « d’humanité » avant tout, comme évoqué plus haut : d’attention, d’écoute, de discussion, mais aussi de services ou de bien non pécuniers comme de la nourriture des vêtements, ou des outils utiles : parasol, tente, ordinateur (avec du logiciel libre et du matos un peu DIY c’est incroyable ce qu’on peut faire avec peu ou pas d’argent : réseaux WiFi maillés avec une simple antenne (bouts de métal cylindriques), antennes directionnelles à longue portée avec des boites de conserve et des couvers…), mais de l’argent en dernier recours seulement si on dit pour quoi (mais indépendamment de la réponse, sinon on inciterait à mentir, avec au pire un conseil ou une mise en garde si c’est pas bon).

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