Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

mercredi 26 février 2014

J'ai oublié ma brosse à dents

Je viens aujourd'hui de recevoir un mail de Biquette (qui commente régulièrement sur ce blog et qui a une leucémie depuis quelques mois).

Première réaction: je suis super content d'avoir enfin un moyen de te contacter par email. Je vais dire une connerie mais maintenant tu fais partie de notre communauté, en plus des communautés auxquelles tu appartiens déjà, et on va pouvoir s'entraider. Je suis en contact avec pleins de gens formidables grâce à ce blog, et je suis content que tu ne sois plus une anonyme, de pouvoir te faire rentrer dans mon monde et découvrir les gens géniaux que je connais (ie, vous, lecteurs, en grande partie !)

Ensuite, donc Biquette m'a envoyé un lien vers une nouvelle écrite par sa fille, qui est en compétition sur un site d'écritures de nouvelles et qui parle du moment où elle a appris que sa mère, vivant au Québec, avait une leucémie (alors qu'elle est Toulousaine).

Son texte m'a beaucoup touché, d'ailleurs, je n'ai pas fini de le lire pour en parler ce qui est en général bon signe. Dans ce texte, j'ai lu ce qui a pu être la réaction de ma mère quand elle a appris la maladie qui m'avait touché. C'est quelque chose dont je me doutais, mais le lire aussi bien écrit, cela m'a brutalement mis les points sur les i. Je pense que cela vous aidera peut-être aussi à découvrir cet espèce de cauchemar supplémentaire que nous (nous et nos familles) vivons en affrontant la maladie seuls, à l'autre bout de la terre.

Pour lire la nouvelle c'est ici: J'ai oublié ma brosse à dent et vous pouvez voter en bas de page en vous connectant avec votre compte Facebook.

Quand à moi quelques nouvelles: c'est plutôt calme ici car en fait j'écris sur deux projets de front, un lié à la leucémie, et un livre de science fiction que j'ai démarré comme un jeu et qui finalement me passionne à écrire. Peut-être que je vous en ferais lire un bout un de ces jours... En tout cas, tout ça pour dire que j'écris mes 2000 mots par jour, mais pas sur le blog, malheureusement...

Je compte sur vous pour voter sur la nouvelle, et Biquette, merci de ta confiance et bravo à ta fille.

mardi 18 février 2014

J'ai manifesté contre les taxis!

Plus exactement, j'ai manifesté pour le service de transport de personnes Lyft, vous savez, vous avez la même chose en France, Ubër; qui essaie de se développer à Paris.

Enfin, plus exactement encore, je n'ai pas vraiment manifesté, ce qui serait d'une part dangereux compte tenu de mon immunosuppression et de toute façon difficile étant donné les douleurs musculaires et articulaires qui me pourrissent la vie, j'ai participé à un rassemblement devant la Mairie, où il y avait peut-être une cinquantaine ou une centaine de supporters du service (ce qui est une foule aux US!), 4 caméras de télés et leurs équipes de journalistes, et les représentant de la compagnie. Il faut préciser qu'aux US, 50 personnes avec des pancartes, c'est une manif, c'est pas comme en France ,).

20 péquins, motivés!

Lyft, qu'est ce que c'est?

Et bien c'est un service de transport aux personnes qui marche avec votre iPhone: vous lancez l'application, elle vous localise, contacte les 3 conducteurs les plus près de vous, l'un d'eux vous répond, viens vous chercher, vous emmène où vous le désirez. Vous évaluez ensuite le conducteur, il vous évalue également, et le paiement se fait sur la base du kilométrage calculé par le GPS, comme un vrai taxi. Sauf que tout se fait en ligne, au moyen de la carte de crédit que vous avez enregistré.



Petit détail, les conducteurs sont des gens comme vous et moi qui ont décidé de conduire pour Lyft en utilisant leur propre véhicule. Ceux-ci choisissent combien de temps ils veulent conduire par semaine, que cela soit 5h ou 60.

Forcément, cela ne plait pas bien aux compagnies de taxi qui se font piquer leurs parts de marché par un service de bien meilleure qualité à tous les niveaux. Celles-ci font donc tout ce qui est en leur pouvoir (ie: du lobbying abject à grand coups de dollars) pour faire bloquer l'activité de Lyft. Notez une chose: ce n'est pas comme à Paris, il n'y a pas de concurrence déloyale à Seattle, car il n'y a pas de licence à payer pour être taxi: ce sont des compagnies comme les autres (enfin à ma connaissance). A Paris la situation est un peu différente et l'on peut comprendre que les gars ayant payé leur licence une petite fortune soient légèrement contre le fait que des petits nouveaux débarquent gratuitement, mais bon, là, c'est la loi qui est mal faite, c'est un autre problème.

Bon et donc pourquoi est-ce que je suis tout à coup un défenseur de Lyft et que je fais de la pub pour eux?

Et bien en fait, c'est pas que j'aime particulièrement Lyft (enfin, si j'adore, mais,) plutôt que je déteste cordialement les Taxis Jaunes de Seattle (c'est le nom de la principale compagnie de taxis de la ville), et que je ferais pratiquement n'importe quoi pour qu'ils perdent des parts de marché. Vous voulez savoir pourquoi?

Il y a en fait tout une variété de raisons, comme par exemple le fait qu'un taxi a arnaqué 10 dollars en refusant de rendre la monnaie à ma belle-sœur qui ne parle pas bien anglais quand elle était en visite. Ou bien la fois où mon taxi s'est mis à traiter une femme à vélo de pute parce qu'elle avait les jambes nues. Ou bien celle où le conducteur s'est mis à insulter les autres conducteurs, ne s’arrêtant que lorsque je lui ai fermement demandé de la mettre en veilleuse, pour ensuite quasiment s'endormir au volant (et je ne fabule pas, Celia peut témoigner)...

Mais le ponpon, le fin du fin, l'histoire qui fait que je hais viscéralement les Taxis Jaunes, elle est pire que toutes ces raisons réunies.

Il y a quasiment trois ans, je passais régulièrement mes journées entre les cycles de chimio à la clinique pour recevoir des transfusions. Je n'étais bien sûr pas en état de conduire, donc le plus souvent un ami m'emmenait. Sauf que parfois, mes amis ayant des boulots, je devais y aller ou revenir tout seul, en taxi donc.

Je ne me souviens plus très bien pourquoi j'étais à la clinique ce jour là, probablement pour une transfusion. En fin d'après-midi, j'ai fini par appeler un taxi pour rentrer. J'ai attendu UNE HEURE avant qu'il n'arrive. Une heure, pour un  cancéreux en plein traitement, je vous assure que c'est long. Mais ce n'est pas tout. Celui-ci m'a demandé si je payais cash ou par carte, et a commencé à maugréer quand je lui ai dit que je payais par carte. Vous pensez bien, on peut pas frauder le fisc avec les cartes bancaires.

Du coup, fort mécontent, il m'a demandé de lui donner ma carte immédiatement. J'ai refusé, lui disant que je lui donnerais ma carte lorsque nous serions à destination, comme l'on fait normalement, sans d'ailleurs bien comprendre le motif de sa requête. Il a continué à insister, prétendant que cela lui permettrait de gagner du temps en préparant la transaction en conduisant. Je lui ai dit que je trouvais que ce n'étais pas une super bonne idée et qu'il ferait mieux de regarder la route, ce qui ne l'a pas démonté : il a continué à insister.

Là, j'en ai eu assez. Après une journée à la clinique à me faire transfuser, autre chose à foutre que me faire emmerder par un taxi: je lui ai donc dit que je le trouvais éminemment désagréable, et que je souhaitais sortir de son véhicule. Au premier feu rouge, c'est à dire à 200m de la clinique à peine, j'ai ouvert la porte et suis descendu sans payer en lui disant que s'il voulait une carte bancaire, il allait falloir qu'il se trouve un autre client, bonne journée, au revoir. Je suis ensuite retourné au SCCA en appelant un autre taxi.

Sauf que.

Cette espèce d'ordure m'a suivi et est venu se garer devant la clinique. Quand mon autre taxi est arrivé une bonne vingtaine de minutes plus tard, il l'a intercepté, lui a dit quelque chose, probablement que j'étais un mauvais payeur ou je ne sais quoi. Quand je suis arrivé à sa fenêtre, celui-ci a refusé de me prendre et a continué sa route.

J'ai appelé un autre taxi, qui a à nouveau mis environ 20 minutes à arriver, l'autre pourriture attendant toujours sur le parking de la clinique. Quand mon troisième taxi est arrivé, il l'a aussi intercepté de la même manière, je me suis jeté vers le troisième conducteur en le suppliant de me prendre, en lui disant que j'avais eu une mauvaise relation avec le premier conducteur, mais que j'avais de l'argent et que j'étais malade, que j'avais besoin d'aide pour rentrer. Ce dernier a fini, avec réticence, par accepter de me prendre. Je ne vous explique pas mon soulagement.

Je ne sais pas si vous imaginez à quel point il faut être un salopard pour se comporter d'une façon pareille. Déjà, être tellement rancunier et revanchard au point de passer plus d'une heure sur un parking à perdre du temps de travail pour se venger de quelqu'un, faut en avoir un grain. Mais en plus quand cette personne est un malade du cancer, visiblement malade (pas de cheveux ni de sourcils), visiblement épuisée et souffrante, on frise la sociopathie: il faut n'avoir absolument aucune empathie pour ses congénères non?

Bref, depuis ce jour j'ai juré de ne plus jamais reprendre un Taxi Jaune, et depuis que Lyft et d'autres alternatives existent, plus aucun taxi Seattleite tout court.

Car avec Lyft, ce genre de comportement ne peut pas être perpétré, sinon, conducteur et passager se font mal noter et ont ensuite du mal à trouver soit des lyfts, soit des passagers. De toute façon, il n'y a pas de problème de cash ou de carte bleue: comme tout est centralisé par l'application, l'argent est supprimé de l'interaction: c'est plus sécurisé pour les conducteurs qui risquent moins de se faire braquer, pour les passagers qui ne risquent pas de se faire arnaquer, et pour l'état qui ne se fait pas frauder.


En fait, une fois qu'on a testé Lyft (ou équivalent) une fois, il n'y a plus jamais aucune raison de prendre un taxi, tellement le service est supérieur, et les compagnies de taxi le savent bien.

Le gros argument des compagnies de taxi, c'est que les conducteurs Lyft sont moins compétents que les vrais taxis, ce qui est tout à fait faux: Lyft opère une sélection draconienne: il faut avoir un permis complètement clean sans aucune infraction, un casier judiciaire vierge (et la vérification est drastique) et bien sur être assuré correctement.

Malheureusement, il y a quelques semaines, un conducteur d'Uber a eu un accident et écrasé une fillette, forcément, cela a donné du grain à moudre aux taxis qui ont fait un foin de tous les diables dans les médias (comme si les taxis n'avaient jamais d'accidents...). Alors Lyft a organisé un rassemblement devant l'hôtel de ville, pour démentir les allégations mensongères des lobbys de taxi. Je les ai alors contacté, en leur racontant mon histoire, en me disant que cela lors donnerait peut-être des trucs à raconter à la presse... Du coup ils m'ont invité en me conduisant gratuitement, au cas ou la presse serait intéressée par mon histoire (réponse, plus occupés à interviewer les taxis venus foutre le souk :( ), raison de ma présence éclair à cette mini manifestation.

PS: Si vous êtes taxi français, sachez que je n'ai rien contre vous ou votre profession. Je prend très rarement des taxis en France et je n'ai donc pas d'avis, en revanche, par la force des choses j'ai du prendre beaucoup de taxis à Seattle et je les DÉTESTE cordialement, comme vous l'aurez compris.

vendredi 7 février 2014

Les Seahawks ont gagné le Superbowl!

Bon je suis carrément à la bourre et vous êtes surement au courant, mais les Seahawks ont gagné le Superbowl!

Honnêtement, je ne suis pas fan de sport télévisuel, encore moins de foot américain, c'est pas ma culture, mais alors là, quel match! C'était absolument grandiose, les Seahawks ont dominé de façon incroyable, on a même crû à un moment que les Broncos ne marqueraient pas... Je crois que le score, et l'écart, est historique, ou peu s'en faut. Il faut noter aussi à quel point le jeu des Seahawks a reflété l'esprit de la ville: poli et civil, pratiquement sans fautes... Bref, une performance incroyable.

J'en profite aussi pour faire de la pub pour un copain, mon ami Gyraf est passé dans une pub du Superbowl, et ça c'est pas rien! Vous pouvez le découvrir dans la vidéo suivante à 52s, ce qui est marrant c'est que Gyraf, c'est un peu l'antithèse du Mac Do en terme d'idéologie, mais bon, je trouve ça super de noyauter le système, quelque part! D'ailleurs, note, n'allez pas manger chez Mac Do, punaise, c'est vraiment de la daube, faites vous à manger chez vous!


Bon, ensuite ce qui a été très drôle à regarder c'est comment les Seattleites ont fêté la victoire.

Ces gens sont tellement respectueux des lois que même au plus haut de leur joie, ils refusent de "jaywalk", de marcher sur la chaussée plutôt que sur les trottoirs, ce qui est interdit; ce qui déclenche l'hilarité de l’Amérique sur les réseaux sociaux:


On est loin des débordements français sur les Champs Elysées hein! C'est vraiment une spécificité d'ici d'ailleurs je crois, ce côté vraiment respectueux, c'est pas que Seattle est pas rebelle, parce qu'il y a aussi ici un vrai esprit de contestation, mais les gens sont avant tout bon enfants. Contester, célébrer, travailler, tout doit se faire avant tout dans la bonne humeur, on est pas là pour se prendre la tête. C'est vraiment un côté sympa de vivre ici.

Ensuite, avant hier, il y a eu une parade monstre pour célébrer les gagnants dans le centre ville. Je crois que l'on n'avait jamais vu ça, dans un pays où les manifs sont quasiment non-existantes et où l'on considère que 1000 gars qui défilent c'est une foule, c'est vraiment exceptionnel d'avoir vu un tel rassemblement, cela exprime bien à la fois l'amour des américains pour le football, et le culte qui est voué aux Seahawks dont je vous parlais dans mon post précédent.

Des "collègues" bloggueurs à Seattle ont d'ailleurs écrit un post avec des photos très impressionantes.

De mon côté, je n'en mettrais qu'une pour illustrer le nombre ahurissant de personnes présentes (près de 700.000, quand on sait que Seattle compte 550.000 habitants et l'agglo 3M.

Eurosport - Seattle Seahawks' players celebrate their Super Bowl success with fans (Reuters)



lundi 3 février 2014

Aux amoureux du verbe "Faire"

Je reprends volontairement le titre d'un excellent article que j'ai lu ce matin (via Facebook), une chronique d'un certain Alexandre Jardin titrée donc, "Aux amoureux
 du verbe « faire »", où il soutient en gros qu'en France nous, et plus particulièrement les médias, sommes plus attachés au "dire" qu'au "faire". Il reprend pour cela l'exemple de la visite de Valérie Rottweiler en Inde, où les médias ont passé plus de temps à parler de l'ex-première dame et la couleur de sa jupe que de l'association humanitaire à laquelle elle venait rendre visite, "Action contre la faim". Il rappelle ainsi que les gens qui bossent comme des acharnés pour "faire" quelque chose contre ce problème fondamental qu'est la faim dans le monde devaient l'avoir sacrément mauvaise que l'on ne parle pratiquement pas de leur action.

Cet article m'a frappé pour deux raisons, la première étant bien sur que je me mets totalement à la place des membres d'ACF: si je recevais la visite de quelqu'un de célèbre et que les médias passaient plus de temps à parler d'elle que de notre action contre la leucémie et des dons de moelle osseuse et des dons du sang, je l'aurais sacrément mauvaise.

Cela m'a aussi beaucoup frappé, car c'est une différence profonde que l'on a constaté entre la culture américaine et la culture française. Ici, il y a justement une emphase particulière sur les "doers", les faiseurs. C'est un argument très utilisé en entretien, le fait de dire que l'on est un "doer" quelqu'un qui fait, qui mène au bout les choses. On pourrait argumenter que c'est une des caractéristiques premières de l'esprit américain et une de ces principales qualités, que de "faire" et de ne jamais s'arrêter quelque soit les obstacles, et même si l'on dit souvent que si les USA sont le premier pays du monde c'est grâce à l'immensité et la richesse naturelle de leur pays, je prétends au contraire que c'est à cause de leur extraordinaire esprit d'entreprise, leur focalisation incroyable sur le fait de faire et de ne s'arrêter que quand un objectif a été accompli.

D'ailleurs, il faut souligner combien les US ont récupéré vite de la crise financière et même si je suis conscient que c'est un colosse aux pieds d'argile, et que beaucoup critiquent la fragilité de cette reprise à cause des problèmes endémiques qui minent le pays, comme leurs infrastructures vieillissantes, le creusement des inégalités, la santé déclinante de ses habitants, j'ai personnellement plutôt confiance dans la capacité des US à se relever rapidement de n'importe quelle crise, contrairement à beaucoup de pays d'Europe justement, France en premier.

Je voudrais d'ailleurs illustrer cet esprit focalisé sur le "faire" typiquement américain par une anecdote tirée de mon expérience professionnelle.

Quelques mois après que j'ai été embauché dans une grosse boite d'informatique de Seattle (pas Microsoft, une boite qui fait du B2B dont vous n'avez probablement jamais entendu parlé malgré le fait qu'elle ai 50% de part de marché US), j'ai été convié, ainsi que toute mon équipe, à une réunion nommée "Team Oil Change". Littéralement, "La vidange".

En gros, c'était une grosse réunion qui a pris plusieurs vendredis d'affilée, où étaient convié tous les membres de l'équipe technique. Et par tous, je dis bien tous: du technicien de test ayant la position la plus basse dans la hiérarchie de l'équipe, en passant par les ingénieurs, les managers, les commerciaux et les directeurs de BU. Déjà, notez l'investissement énorme pour la boite! 4 jours de réunion (réparti sur un mois) ou l'on convie 60 personnes, c'est énorme!

Lors de cette réunion, nous avons fait un énorme brainstorming de tout ce qui ne fonctionnait pas bien l'année précédente, mais aussi de tout ce qui avait super bien marché. Le but: définir 10 points d'amélioration pour l'année à venir. Pour ce faire, nous avons défini collégialement une centaine d'actions à entreprendre puis nous avons voté pour déterminer les 10 plus importantes. Il faut préciser que tout le monde avait une voix d'importance égale, avec juste une pondération pour minimiser le déséquilibre de population des différents postes, ce qui est normal: comme il y a en gros 5 fois plus de techniciens que de managers, par exemple, nous étions regroupés par niveau hiérarchique et chaque niveau hiérarchique avait le même nombre de voix.

Fraichement débarqué aux US et fraichement embauché, j'ai assisté à cette réunion avec énormément d'attention et d'intérêt, et une attitude un peu narquoise typiquement française. Dans mon parcours professionnel, j'avais déjà assisté à beaucoup de réunions de ce genre, où l'on prend des tas de bonnes résolutions, un peu comme les résolutions de nouvelle année, pour les abandonner au premier coup de pression, au premier incident de parcours, à la moindre volonté d'un commercial désireux de faire avancer son produit au détriment des autres (non, je ne suis pas rancunier, hin hin). Bref, je m'attendais à un peu la même chose, beaucoup de parlote, des belles paroles de la part du management, du genre "vous allez voir, on va tout faire pour améliorer vos conditions de travail", suivies par peu d'effets, le marché et la demande commerciale étant toujours le principal décideur, "comme d'habitude" (à lire en fredonnant un air connu).

Et bien figurez-vous que j'avais tout faux: dans les jours suivant la conclusion de nos réunions, nous avons commencé à mettre en place nos résolutions et à les appliquer à la lettre... Et ceci jusqu'à l'année suivante où nous avons répété le même processus et réévalué chacun de ces points. Ces résolutions ont tenu malgré tout les coups de pression que nous avons pu subir et malgré toutes les pressions commerciales. Nous avons toujours respecté nos procédures, même si cela signifiait refuser du travail ou refuser des délais impossibles, ce qui a permis à notre "Business Unit" de figurer parmi les meilleures du groupe, et à mon équipe en particulier de figurer parmi les meilleurs de la BU. Dans le doute, les points mis en place en réunion faisaient foi.

Je suis ressorti de cette année et demi de travail aux US (malheureusement interrompue par la leucémie) très impressionné par la capacité des américains à "faire", à analyser leurs problèmes et à les compenser presque immédiatement en ajustant la marche. C'est quelque chose de très agréable: on essaye des choses et les erreurs sont vues comme des sources d'enseignement permettant d'améliorer le processus. La réactivité est énorme et cela permet aux équipes de s'améliorer rapidement et continuellement. Il y a assez peu d'attachement à des processus "historiques": tout est continuellement réévalué, ce qui marche est gardé, ce qui ne fonctionne plus abandonné. Si je compare au domaine médical, par exemple, ce n'est pas pour rien que les US ont abandonné les chambres stériles pour les transplantations il y a 10 ans, alors qu'en France l'idée peine à faire son chemin (on y arrive doucement)... Ils ont testé, ils se sont rendu compte que cela marchait mieux sans qu'avec, et ils ont abandonné les chambres stériles dès que les données ont montré qu'elles étaient contre productives (ou en tout cas moins "productives" que des chambres normales très encadrées, ou le patient pouvait se déplacer plus librement et avoir plus de contacts avec les siens.

Bien sur, c'est comme tout, il y a des conséquences néfastes, faut pas se mentir... Je vous avoue que le rythme était assez exténuant: pour rester l'un des meilleurs d'une équipe étant déjà l'une des meilleures, fallait sacrément s'arracher et se renouveler en permanence, ce qui est épuisant... Mais c'était aussi vraiment gratifiant. Il faut aussi remarquer que cette tendance dérive bien sûr et a ses extrêmes peu reluisants: on a tous en tête la célèbre expression: "Why did you do this? Because we can!", "Pourquoi-vous fait cela? Parce qu'on peut!" qui mène à toutes sortes d'excès difficilement justifiables, les films de Michael Bay en tête.

Mais dans l'ensemble, je trouve que c'est quand même principalement positif. Depuis que j'habite ici, j'ai acquis la conviction intime que si les américains seront probablement les responsables principaux du désastre écologique qui s'annonce (suivi de près par les Chinois qui font tout pareil), ils seront aussi les principaux acteurs de la reconstruction (j'ai une vision un peu pessimiste de notre avenir à grande échelle, au cas ou vous n'auriez pas remarqué). Leurs excès ont beau être une force incroyablement néfaste sur le monde d'aujourd'hui, ils sont en pratique compensé par le nombre incroyables d'initatives absolument géniales qui naissent dans ce pays. Et encore une fois, ne me dites pas que cela n'a qu'une raison conjoncturelle: c'est avant tout un état d'esprit (d'ailleurs, Mc Gyver, ok, héros canadien, mais série Américaine!).

Pour en revenir à l'article que j'ai cité, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit: les médias US souffrent aussi de ce problème où le sensationnel est maintenant plus couvert que ce qui est porteur de sens. Mais pour résumer tout ce que je viens de vous dire, il y a quand même une tendance globale de la société US à être dans le "faire" et à avant tout s'intéresser à cela que dans la société française, qui est plus une société de penseurs, qui s'enlise parfois, à mon avis, dans la réflexion.

PS: alors que j'étais en train d'écrire ce post, passait à la TV une pub pour la banque Wells Fargo dont l'élément de langage principale est "Done", "Fait". Ce mot est au moins prononcé 10 ou 20 fois dans la pub. Ce n'est pas un hasard, et si l'on regarde les pubs Américaines, il y a deux thèmes récurrent: "You deserve it", "Vous le méritez", et "Helps you get things done", "Vous aide à accomplire/faire des choses".

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