Plus exactement, j'ai manifesté pour le service de transport de personnes Lyft, vous savez, vous avez la même chose en France, Ubër; qui essaie de se développer à Paris.
Enfin, plus exactement encore, je n'ai pas vraiment manifesté, ce qui serait d'une part dangereux compte tenu de mon immunosuppression et de toute façon difficile étant donné les douleurs musculaires et articulaires qui me pourrissent la vie, j'ai participé à un rassemblement devant la Mairie, où il y avait peut-être une cinquantaine ou une centaine de supporters du service (ce qui est une foule aux US!), 4 caméras de télés et leurs équipes de journalistes, et les représentant de la compagnie. Il faut préciser qu'aux US, 50 personnes avec des pancartes, c'est une manif, c'est pas comme en France ,).
|
20 péquins, motivés! |
Lyft, qu'est ce que c'est?
Et bien c'est un service de transport aux personnes qui marche avec votre iPhone: vous lancez l'application, elle vous localise, contacte les 3 conducteurs les plus près de vous, l'un d'eux vous répond, viens vous chercher, vous emmène où vous le désirez. Vous évaluez ensuite le conducteur, il vous évalue également, et le paiement se fait sur la base du kilométrage calculé par le GPS, comme un vrai taxi. Sauf que tout se fait en ligne, au moyen de la carte de crédit que vous avez enregistré.
Petit détail, les conducteurs sont des gens comme vous et moi qui ont décidé de conduire pour Lyft en utilisant leur propre véhicule. Ceux-ci choisissent combien de temps ils veulent conduire par semaine, que cela soit 5h ou 60.
Forcément, cela ne plait pas bien aux compagnies de taxi qui se font piquer leurs parts de marché par un service de bien meilleure qualité à tous les niveaux. Celles-ci font donc tout ce qui est en leur pouvoir (ie: du lobbying abject à grand coups de dollars) pour faire bloquer l'activité de Lyft. Notez une chose: ce n'est pas comme à Paris, il n'y a pas de concurrence déloyale à Seattle, car il n'y a pas de licence à payer pour être taxi: ce sont des compagnies comme les autres (enfin à ma connaissance). A Paris la situation est un peu différente et l'on peut comprendre que les gars ayant payé leur licence une petite fortune soient légèrement contre le fait que des petits nouveaux débarquent gratuitement, mais bon, là, c'est la loi qui est mal faite, c'est un autre problème.
Bon et donc pourquoi est-ce que je suis tout à coup un défenseur de Lyft et que je fais de la pub pour eux?
Et bien en fait, c'est pas que j'aime particulièrement Lyft (enfin, si j'adore, mais,) plutôt que je déteste cordialement les Taxis Jaunes de Seattle (c'est le nom de la principale compagnie de taxis de la ville), et que je ferais pratiquement n'importe quoi pour qu'ils perdent des parts de marché. Vous voulez savoir pourquoi?
Il y a en fait tout une variété de raisons, comme par exemple le fait qu'un taxi a arnaqué 10 dollars en refusant de rendre la monnaie à ma belle-sœur qui ne parle pas bien anglais quand elle était en visite. Ou bien la fois où mon taxi s'est mis à traiter une femme à vélo de pute parce qu'elle avait les jambes nues. Ou bien celle où le conducteur s'est mis à insulter les autres conducteurs, ne s’arrêtant que lorsque je lui ai fermement demandé de la mettre en veilleuse, pour ensuite quasiment s'endormir au volant (et je ne fabule pas, Celia peut témoigner)...
Mais le ponpon, le fin du fin, l'histoire qui fait que je hais viscéralement les Taxis Jaunes, elle est pire que toutes ces raisons réunies.
Il y a quasiment trois ans, je passais régulièrement mes journées entre les cycles de chimio à la clinique pour recevoir des transfusions. Je n'étais bien sûr pas en état de conduire, donc le plus souvent un ami m'emmenait. Sauf que parfois, mes amis ayant des boulots, je devais y aller ou revenir tout seul, en taxi donc.
Je ne me souviens plus très bien pourquoi j'étais à la clinique ce jour là, probablement pour une transfusion. En fin d'après-midi, j'ai fini par appeler un taxi pour rentrer. J'ai attendu UNE HEURE avant qu'il n'arrive. Une heure, pour un cancéreux en plein traitement, je vous assure que c'est long. Mais ce n'est pas tout. Celui-ci m'a demandé si je payais cash ou par carte, et a commencé à maugréer quand je lui ai dit que je payais par carte. Vous pensez bien, on peut pas frauder le fisc avec les cartes bancaires.
Du coup, fort mécontent, il m'a demandé de lui donner ma carte immédiatement. J'ai refusé, lui disant que je lui donnerais ma carte lorsque nous serions à destination, comme l'on fait normalement, sans d'ailleurs bien comprendre le motif de sa requête. Il a continué à insister, prétendant que cela lui permettrait de gagner du temps en préparant la transaction en conduisant. Je lui ai dit que je trouvais que ce n'étais pas une super bonne idée et qu'il ferait mieux de regarder la route, ce qui ne l'a pas démonté : il a continué à insister.
Là, j'en ai eu assez. Après une journée à la clinique à me faire transfuser, autre chose à foutre que me faire emmerder par un taxi: je lui ai donc dit que je le trouvais éminemment désagréable, et que je souhaitais sortir de son véhicule. Au premier feu rouge, c'est à dire à 200m de la clinique à peine, j'ai ouvert la porte et suis descendu sans payer en lui disant que s'il voulait une carte bancaire, il allait falloir qu'il se trouve un autre client, bonne journée, au revoir. Je suis ensuite retourné au SCCA en appelant un autre taxi.
Sauf que.
Cette espèce d'ordure m'a suivi et est venu se garer devant la clinique. Quand mon autre taxi est arrivé une bonne vingtaine de minutes plus tard, il l'a intercepté, lui a dit quelque chose, probablement que j'étais un mauvais payeur ou je ne sais quoi. Quand je suis arrivé à sa fenêtre, celui-ci a refusé de me prendre et a continué sa route.
J'ai appelé un autre taxi, qui a à nouveau mis environ 20 minutes à arriver, l'autre pourriture attendant toujours sur le parking de la clinique. Quand mon troisième taxi est arrivé, il l'a aussi intercepté de la même manière, je me suis jeté vers le troisième conducteur en le suppliant de me prendre, en lui disant que j'avais eu une mauvaise relation avec le premier conducteur, mais que j'avais de l'argent et que j'étais malade, que j'avais besoin d'aide pour rentrer. Ce dernier a fini, avec réticence, par accepter de me prendre. Je ne vous explique pas mon soulagement.
Je ne sais pas si vous imaginez à quel point il faut être un salopard pour se comporter d'une façon pareille. Déjà, être tellement rancunier et revanchard au point de passer plus d'une heure sur un parking à perdre du temps de travail pour se venger de quelqu'un, faut en avoir un grain. Mais en plus quand cette personne est un malade du cancer, visiblement malade (pas de cheveux ni de sourcils), visiblement épuisée et souffrante, on frise la sociopathie: il faut n'avoir absolument aucune empathie pour ses congénères non?
Bref, depuis ce jour j'ai juré de ne plus jamais reprendre un Taxi Jaune, et depuis que Lyft et d'autres alternatives existent, plus aucun taxi Seattleite tout court.
Car avec Lyft, ce genre de comportement ne peut pas être perpétré, sinon, conducteur et passager se font mal noter et ont ensuite du mal à trouver soit des lyfts, soit des passagers. De toute façon, il n'y a pas de problème de cash ou de carte bleue: comme tout est centralisé par l'application, l'argent est supprimé de l'interaction: c'est plus sécurisé pour les conducteurs qui risquent moins de se faire braquer, pour les passagers qui ne risquent pas de se faire arnaquer, et pour l'état qui ne se fait pas frauder.
En fait, une fois qu'on a testé Lyft (ou équivalent) une fois, il n'y a plus jamais aucune raison de prendre un taxi, tellement le service est supérieur, et les compagnies de taxi le savent bien.
Le gros argument des compagnies de taxi, c'est que les conducteurs Lyft sont moins compétents que les vrais taxis, ce qui est tout à fait faux: Lyft opère une sélection draconienne: il faut avoir un permis complètement clean sans aucune infraction, un casier judiciaire vierge (et la vérification est drastique) et bien sur être assuré correctement.
Malheureusement, il y a quelques semaines, un conducteur d'Uber a eu un accident et écrasé une fillette, forcément, cela a donné du grain à moudre aux taxis qui ont fait un foin de tous les diables dans les médias (comme si les taxis n'avaient jamais d'accidents...). Alors Lyft a organisé un rassemblement devant l'hôtel de ville, pour démentir les allégations mensongères des lobbys de taxi. Je les ai alors contacté, en leur racontant mon histoire, en me disant que cela lors donnerait peut-être des trucs à raconter à la presse... Du coup ils m'ont invité en me conduisant gratuitement, au cas ou la presse serait intéressée par mon histoire (réponse, plus occupés à interviewer les taxis venus foutre le souk :( ), raison de ma présence éclair à cette mini manifestation.
PS: Si vous êtes taxi français, sachez que je n'ai rien contre vous ou votre profession. Je prend très rarement des taxis en France et je n'ai donc pas d'avis, en revanche, par la force des choses j'ai du prendre beaucoup de taxis à Seattle et je les DÉTESTE cordialement, comme vous l'aurez compris.