Vous connaissez surement l'histoire de la grenouille dans une casserole d'eau: si on augmente progressivement la température, elle s'habitue et se laisse cuire toute vive, alors que si la température augmente d'un coup elle saute hors de la marmite. Nous fonctionnons un peu de la même façon, et nous avons beaucoup de mal à percevoir des petits changements cumulatifs alors que nous percevons très bien des grosses différences. J'en profite d'ailleurs pour vous recommander "Persepolis" de Marjane Satrapi, qui montre très bien cette érosion progressive et imperceptible des libertés en Iran, où le peuple a accepté des lois liberticides les unes après les autres car les changements étaient minimes, jusqu'au jour où ils se sont retrouvés tout cuits dans une dictature.
Quand on rentre dans son pays après une longue absence c'est un peu la même chose. Ce qui a changé nous pète à la figure, et les différence avec notre pays de résidence nous sautent aux yeux.
L'un des trucs qui m'a le plus choqué, c'est les crottes de chien. Amis parisiens, je vous voie venir, mais vous n'êtes pas les pires... C'est dans le sud de la France que j'ai été le plus choqué, probablement parce que dans une petite ville rurale il y a plus de chiens par habitant qu'à Paris. Mais alors je vous garanti que j'ai vraiment été écœuré par le nombre de merdes sur les trottoirs, c'est vraiment immonde de chez immonde, et pour un pays dont le tourisme est une des ressources les plus importantes et qui se félicite de son sens de l'élégance, du style et du savoir-vivre, c'est vraiment répugnant et affligeant. Vraiment.
Vous savez, on a cette image de l'américain de base, obèse, son coca à la main, le bide qui dépasse du t-shirt, les doigts gras parce qu'il vient de manger des frites à la mayo et on se félicite d'être bien au dessus de ça. Mais punaise, il suffit de regarder nos trottoirs pour se dire qu'on est vraiment des gros dégoutants! En deux ans à Seattle, je ne me rappelle pas une fois où j'ai vu une crotte sur un trottoir. Les gens ramassent derrière eux, et si votre chien chie sur la chaussée et que vous ne ramassez pas, je suis presque certain qu'un passant va vous rappeler à l'ordre. Et si un flic passe par là, vous prendrez une prune, systématiquement. Il y a une espèce de tolérance 0, dans l'inconscient populaire, c'est impensable de faire cela.
Pour rester dans les images.... imagées, cela ne sert à rien d'être bien habillé, propre sur soi, si l'on n'a pas changé de slip depuis 15 jours. Et c'est comme ça que je vois la France: nous avons ces magnifiques villes chargées d'histoire, qui sont des joyaux que le monde nous envie, aux trottoirs couverts de merde. C'est triste. Et vous ne me croirez peut-être pas, mais je pense qu'il est plus gratifiant, au jour le jour de vivre dans un endroit propre. Il y a une espèce d'exigence envers soi même, qui dépasse le simple fait de se maquiller pour être beau/belle, d'être bien tenu même si cela ne se voit pas qui impacte à mon avis fortement la manière dont on se perçoit, l'estime que l'on a pour soi-même, et je pense que c'est valable au niveau de l'individu comme au niveau de la nation.
Je ne voulais d'ailleurs pas parler de maladie, mais c'est un peu pareil pour un malade: même quand on est coincé chez soi ou à l'hosto, il y a quelque chose de très puissant dans le fait de ne pas se laisser couler, d'être toujours propre, bien habillé (c'est à dire proprement, je ne parle pas d'avoir les derniers vêtements à la mode), bien soigné. C'est une manière de rester digne, fier, la tête haute. On peut d'ailleurs souvent reconnaitre les gens dépressifs au fait qu'ils se négligent, et je pense qu'au niveau d'une nation, cela doit fonctionner un peu pareil. On sent que l'on est dans un espèce de marasme quand on perd cette espèce d'exigence envers nous-mêmes, en temps que société, de faire quelque chose d'aussi simple que de maintenir nos rues propres. Honnêtement, j'aimerais que les flics alignent systématique les gens qui ne ramassent pas derrière leur clébard. Peut-être que cela aurait des conséquences inattendues sur ce dont on se plaint beaucoup en ce moment, comme les incivilités, en devennant plus exigeant envers nous même et en nous inculquant que non, ce n'est pas un comportement normal et tolérable. Si vous voulez, comment peut-on enseigner à des jeunes que c'est mal d'insulter son prochain à tout bout de champs quand soi même on laisse son chien chier partout? Il faut être un peu cohérent.
(à suivre).