Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

lundi 24 septembre 2012

L'arnaque des bracelets aux ions négatif

Hier nous sommes allé à une espèce de kermesse de quartier. Vous savez, ce sont ces espèces de marchés en plein air, où les artisans locaux tiennent des stands avec leurs produits plus où moins innovants et de bon goût, où les organisations locales font leur pub... Et où les arnaqueurs font leur beurre.

Parmi ces arnaqueurs, nous sommes passé devant un stand vendant  des bracelets à ions négatifs. Qu'est ce que c'est, me direz-vous? Et bien, ce sont ces espèces de bracelets en silicone avec un morceau de métal à l'intérieur, supposés décharger des ions négatifs supers bénéfiques pour la santé. Les mérites sont apparemment multiples: réduction du stress oxydatif, meilleur équilibre, plus de force, réduction des douleurs articulaires, voir même perte de poids. La seule chose que ces trucs ne font pas, apparemment, c'est d'avoir un effet sur la croissance des parties génitales de ces messieurs, ce qui est quand même surprenant pour un produit aussi miraculeux.



Bref, nous passons devant le stand, et j'ai la brillante idée d'essayer le produit en question et de laisser le vendeur me faire son baratin. J'avoue que comme j'ai mal en permanence aux dents, aux articulations, à la peau, un peu partout quoi, je suis un peu désespéré et prêt à essayer n'importe quoi, même si ça sent l'arnaque à deux cents yards à la ronde.

Le vendeur est un petit jeune dynamique, qui me vante l'effet incroyable que ce bracelet a sur la force et l'équilibre. Comment s'en convaincre? C'est extrêmement simple. Il me demande de me mettre sur une jambe, les bras tendus en croix (façon Jésus, pour que vous voyez bien). Il m'appuie alors sur le bras gauche, vers le bas. Sans surprise, je perds l'équilibre. Il me donne alors le bracelet, je me remet sur une jambe, et il m'appuie sur le bras super fort: je tiens bon et ne bouge pas d'un pouce.

Stupéfaction, forcément. Il y a une réaction primaire dans le cerveau: "Punaise, ça marche! Incroyable!". La démonstration est tellement flagrante que l'on y croit tout de suite. Sauf que je ne suis quand même pas né de la dernière pluie: je demande à réessayer. Le truc avec ce genre d'arnaque, c'est que c'est comme un tour de magie... Maintenant que je ne suis plus concentré sur le discours du gars, je peux me concentrer sur les sensations et essayer de piger le truc. Et truc il y a, vous vous en doutez.

C'est en fait extrêmement simple: quand je ne porte pas le bracelet, le gars applique la force non pas vers le bas, mais légèrement en diagonale vers l’extérieur. Comme on est sur un pied, la moindre traction, aussi imperceptible soit elle, est suffisante pour nous déséquilibrer. Ensuite, quand on porte le bracelet, il applique la force légèrement vers l'intérieur, ce qui a pour conséquence de nous tasser légèrement sur notre appui et au contraire de nous stabiliser. Comme 90% de la force est exercée vers le bas, le péquin moyen, occupé par le verbiage du bonhomme, ne voit pas la différence.

J'éclate de rire:

"Ça y est, j'ai senti, excellent, c'est très très fort!". Le vendeur est ravi "Alors, vous avez senti comme cela vous rend fort?". Je le détrompe immédiatement: "Non, non, je veux dire, j'ai compris comment vous faites".  Je ne lui laisse pas le temps de se ressaisir: "Regardez: si je vous pousse comme ça, dis-je en lui appuyant sur le sternum, vous reculez. Maintenant, si j'oriente ma main légèrement en biais et que je vous pousse à nouveau, vous ne reculez plus, vous tournez sur vous même: c'est magique!". C'est surtout de la physique niveau seconde.

 Le pauvre bonimenteur est livide. Me voilà en train de le pousser dans tous les sens dans son stand, devant ses clients, en dévoilant bruyamment la supercherie. Il attrape un prospectus, me le fourre dans les mains "Bon et bien tenez, je vous souhaite une bonne journée, au revoir", et nous fais sortir sans ménagement de son stand. Nous sommes hilares.

Hier soir, en rentrant à la maison, nous avons reproduit l'expérience, pour rire. Sauf qu'à la place d'un bracelet à ions négatifs, j'ai fais tenir à Celia un stylo. Miracle, le stylo lui renforce l'équilibre, c'est un stylo magique! Gros fou rire. En fait, plutôt que de pousser le vendeur, on aurais plutôt du se mettre à faire des démonstrations avec des objets débiles du genre un sachet de cacahuètes vide, devant leur stand. Là on aurait vraiment rigolé.

Sauf que ce n'est vraiment pas drôle, si l'on prend deux minutes pour y réfléchir. Pendant que je faisais mon numéro, un autre mec était en train de vendre un bracelet à une dame de 200 kilos dans un fauteuil roulant en lui promettant que cela lui ferais perdre du poids. Ce qu'il faut savoir c'est que ces bracelets, qui sont donc totalement de l'arnaque, sont vendus 35 dollars, alors qu'ils doivent couter environ 1$ à produire, voir moins (c'est juste un bout de silicone et un bout de métal). Vous vous rendez compte? 34$ de bénéfice, fait sur le dos de gens qui sont forcément en détresse quelque part (qui ont des douleurs, qui sont trop gros...). C'est scandaleux.

jeudi 20 septembre 2012

Une balade en montgolfière

Je ne sais pas comment j'ai eu l'idée (ou plutôt si, mais c'est trop la honte), mais dans la lignée des balades en hydravion, j'ai décidé que nous allions fêter mon anniversaire en faisant une balade en montgolfière.

Bizarrement, c'est vraiment une activité que je n'avais jamais imaginé faire de ma vie. Comme si c'était réservé à une certaine élite, comme s'il fallait être initié par quelqu'un... Alors qu'en pratique, il suffit de cinq minutes sur internet pour trouver des compagnies proposant des vols. Comme pour beaucoup de choses, il suffit d'avoir l'idée et de passer à l'action! Sitôt décidé, sitôt fait: nous avons porté notre choix sur "Airial Balloon", une petite compagnie située à Snohomish, à environ 45 minutes au nord de Seattle.

Les vols en ballon étant fortement soumis aux aléas météorologiques, il faut appeler une heure avant le rendez-vous pour vérifier que le vol aura bien lieu. Le samedi venu, la météo est clémente, le rendez-vous est confirmé; nous nous rendons donc sur place, trépignants d'excitation comme des fans de Justin Bieber à une séance de dédicaces chez Auchan... Pour être renvoyés presque immédiatement chez nous: le temps de faire la route, le temps a commencé à changer et voler serait trop dangereux. On ne plaisante pas avec Dame Nature, et l'on ne prévoit pas toujours ses humeurs!

Qu'à cela ne tienne, nous reprogrammons donc notre vol pour le jeudi suivant. La deuxième fois est la bonne: il fait exceptionnellement beau, avec juste une légère brise: c'est parti, nous embarquons dans la fourgonnette qui va nous emmener dans le champ qui va nous servir de piste de décollage!

C'est vraiment une expérience difficile à raconter, vous savez. A la fin du vol, nous étions littéralement sans voix, et quelques semaines plus tard, j'ai encore du mal à trouver comment vous raconter cette histoire pour vous faire comprendre à quel point c'est magique.



Quelque part, toute l'expérience s'approche plus d'une balade sur un vieux bateau que d'un vol en avion. La nacelle est en osier et en rotin, les instruments sont rudimentaires, des cordages pendent de partout, il y a 4 bonbonnes de gaz et un bruleur tout simple. La pièce la plus technologique de l'ensemble est surement le ballon en nylon lui-même, mais l'on pourrait imaginer qu'il est en taffetas et se retrouver transporté cent ans en arrière. Dès que l'on décharge la nacelle de la remorque, on a l'impression d'entrer dans un film d'animation comme "Là-haut" ou "Le château dans le ciel" ou dans un roman de Jules Verne.

La première étape est de déplier le ballon dans le champ et de l'attacher à la nacelle. Ensuite il faut le gonfler à l'aide un gros ventilateur. Je ne peux pas m'exposer aux poussières donc c'est Celia s'est collée à maintenir la soupape ouverte. Une fois le ballon suffisamment rempli d'air, il faut réchauffer cet air pour que le ballon se dresse, et pour cela il faut balancer de gros coups de bruleur.



J'étais juste à coté, en train de filmer, quand elle a allumé le bruleur la première fois. J'aime mieux vous dire que j'ai fait un bond (voir à 0:34, la caméra remue violemment, c'est moi qui sursaute)! Le bruit  et la chaleur sont impressionnants, on dirait un souffle de dragon. La flamme doit faire entre 2 et 3 mètres de long et la température est infernale. Et puis stupeur, en quelques dizaines de secondes, le ballon se dresse et soulève la nacelle. On a beau comprendre pourquoi et comment, cela défie notre expérience normale et nous sommes tous fascinés par le spectacle.

Pas le temps de rêvasser: il faut vite monter dans la nacelle, et les plus stressés d'entre nous (moi, quoi), n'ont même pas le temps d'imaginer le pire: notre pilote commence à "bruler" comme une malade mentale. En quelques secondes nous sommes au-dessus de la cime des arbres. C'est complètement surréaliste: nous n'avons quasiment rien senti. C'est encore plus doux qu'un ascenseur, il n'y a aucune sensation de prise d'altitude, aucune sensation de vitesse. Il n'y a absolument aucun vent, puisque nous évoluons dans le vent. Nous ressentons juste une légère brise quand le ballon change d'altitude et que le haut et le bas du ballon sont dans des courants différents.

Nous sommes complètement médusés. Nous sommes au minimum à 300 ou 400 mètres au dessus du sol, et nous n'avons rien senti. Nous n'avons même pas l'impression de bouger, en fait nous avons l'impression d'être immobile et que c'est le monde qui bouge autour de nous. Il n'y a à ma connaissance aucun autre véhicule qui produise cette sensation. Et le plus marquant dans tout cela, c'est le silence. Il n'y a aucun bruit. A un moment nous redescendons dans la vallée pour profiter des courants près du sol, nous passons au dessus d'un pécheur et nous avons une conversation avec lui comme si l'on était côte à côte... La seule chose qui trouble cette paix absolue, c'est le vacarme ponctuel produit par le bruleur.



Pas question d’atterrir n'importe où et de s'inviter dans n'importe quel champ: les pilotes ont décidé à l'avance de l'endroit où nous allons nous poser. C'est aussi quelque chose de très impressionnant: il n'y a pas de volant sur ces engins, cela va où le vent va, et c'est tout! Et pourtant les pilotes se posent exactement où ils ont prévu. C'est bluffant.


D'ailleurs, parlons de l’atterrissage. S'il y a le moindre vent, le ballon a un mouvement horizontal... Or, comme vous l'aurez surement remarqué, il n'y a pas de roues sur les nacelles. Il y a donc moyen de se faire trainer, que la nacelle se renverse et qu'elle se transforme en machine à laver. Mais pas de problème pour notre pilote. Elle fait un virage autour d'un arbre (je me demande encore comment c'est possible) et soudain le vent s'abat. Le ballon s'immobilise, elle le laisse refroidir, et poc, on se pose tout doucement. Surréaliste je vous dis.

La journée est pourtant loin d'être finie. Tout d'abord il faut remettre la main à la pâte, le ballon ne va pas se ranger tout seul! Ensuite, il faut que l'on reçoive le toast des nouveaux aéronautes.  Et la surprise: on se rend compte que "Hot Air Balloon" en français, ça se dit Montgolfière! Et que nos pilotes adorent les français, car leur passion, les montgolfières, sont une invention française. Ils ont même acheté un vieux sabre de cavalerie pour sabrer le champagne, et nous délivrent des "diplômes" tout en français, et sans fautes s'il vous plait! Nous leur corrigeons juste deux accents manquants, ils sont tous fiers d'avoir leur document validé par des vrai français de France. Coïncidence, le premier vol avec des êtres vivants à eu lieu le 19 septembre 1782... Nous fêtons donc en quelque sorte cet anniversaire très spécial pour nos pilotes.

Finalement, c'est l'heure de rentrer. Dans la voiture, nous avons du mal à parler de l'expérience, tellement c'était fabuleux.

(photos à venir sur Facebook demain, quand je serais moins décalqué).

mardi 18 septembre 2012

Golden Blog Awards 2012

Pour la deuxième troisième année consécutive, je participe aux Golden Blogs Awards.

L'année dernière, grâce à vos votes, j'avais eu le plaisir d'arriver en finale ce qui m'avait fait très plaisir, d'autant que j'avais pu assister à la cérémonie via le web.

Soyons clair, en pratique cela a peu d'influence à moins que je ne gagne, ce qui n'arrivera à priori pas (en plus il n'y a pas de catégorie pour les blogs bi-classés expatriation-lutte conte le cancer). Mais bon, je trouve ça rigolo de participer, et puis entendre le nom du blog prononcé devant 1500 personnes, c'était un bon moment, du coup je me relance cette année.

Comme les années précédentes, je vous serais très reconnaissant si vous pouviez aller voter pour mon blog (il y a un petit widget en haut à droite, ou sur le site des Golden Blog Awards), c'est pas grand chose mais si par chance j'étais sélectionné pour la finale, cela me ferait plaisir.

Je vous ferai grâce du speech de l'année dernière où je vous disais que plus l'on fera de pub pour ce blog, plus on sensibilisera de monde aux problèmes de don de sang, de don de plaquette, et de don de moelle osseuse, qui sont si essentiels pour traiter et guérir des maladies comme la leucémie et sauver la vie d'enfants malades. Je ne suis pas si faux-derche. Mais bon, quand même.

En vous remerciant, mesdames, messieurs!

lundi 17 septembre 2012

Bilan médical à un an post transplantation II

(Ce post est la suite du bilan médical post-transplantation à 1 an).

Resumé de l'épisode précédent: nous sommes le mardi 4 Septembre. Pour l'instant, nous avons eu droit à:
- 7h30: une monumentale prise de sang
- 8h: un test de capacité respiratoire

Il est maintenant 9h: c'est l'heure de la préparation au prélèvement de moelle osseuse. Je ne vous ai jamais trop expliqué en quoi cela consiste, je crois. Vous n'êtes pas en train de déjeuner? C'est parti.

Le principe est super simple: on vous plante une longue aiguille dans la crête dorsale de la hanche, suffisamment profond pour atteindre la moelle, et hop; il n'y a plus qu'a aspirer. Facile! Sauf qu'en pratique, c'est légèrement compliqué par le fait que la plupart d'entre nous avons tendance à gigoter violemment en hurlant quand on nous plante un long truc pointu dans la bidoche.

Il y a en gros 3 façons de procéder pour gérer cet épineux problème. Le plus simple, c'est l'anesthésie générale. Personnellement, je ne suis pas pour, je trouve que l'on est trop cassé, trop longtemps, et puis on rate tout le fun. De l'autre coté du spectre, il y a les gens qui n'optent que pour une anesthésie locale, c'est à dire une piqure de lidocaïne à l'endroit du prélèvement. Faut vraiment aimer se faire mal, si vous voulez mon avis.

La dernière option, celle que je choisis, c'est la "sédation consciente". En plus de la lidocaïne, on a droit à une sucette de fentanyl, un analgésique ultra puissant similaire à la morphine. C'est un peu le meilleur des deux mondes: on reste à peu près fonctionnel de bout en bout, mais on est quand même bien anesthésié. C'est une espèce de langueur, un peu comme de digérer un bon repas devant un feu de cheminée, si vous voyez ce que je veux dire.

J'ai l' "habitude" de dire que cela ne fait pas spécialement mal et que de toutes les procédures, c'est celle que je redoute le moins. C'est impressionnant à regarder, surtout la première fois, il y a d'ailleurs un nombre certain de spectateurs qui tombent dans les pommes ou qui sortent précipitamment de la chambre d'hôpital, mais ce n'est pas vraiment douloureux. C'est juste désagréable, il y a une espèce de sensation de succion, d'aspiration à l'intérieur de l'os, qui est étrange, qui n'est pas du domaine de notre expérience normale.

ma moelle osseuse, toute apprêtée

Vétéran de l'opération, j'étais vraiment détendu, absolument pas stressé. Pour moi c'est à peine plus qu'une prise de sang, j'ai mes habitudes, je fais tourner en bourrique les infirmières et Celia, je leur demande l'accès à l'ordinateur de la salle de procédure pour pouvoir mettre ma musique (d'ailleurs depuis elles utilisent mes chansons par défaut), on a pris le petit déjeuner tranquillement pendant que je travaillais ma sucette de fentanyl... Bref, un jour comme un autre.

Et puis je ne sais pas ce qui s'est passé, mais j'ai eu extrêmement mal. Dès que l'infirmière a commencé a aspirer, la douleur a été intolérable. Cela me fait penser au test d'humanité de Dune. Pas question de bouger, malgré la douleur insupportable, parce que tu sais que tu as une aiguille plantée dans l'os et que si tu bouges, ça va être encore pire. Une seule solution, serrer les dents jusqu'à ce que les trois ponctions soient finies. Même la première aspiration de moelle osseuse ne m'avais pas fait aussi mal, malgré le prélèvement ponctuel d'os qui m'avait bien arraché. En fait, je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie, même pas quand le médecin a touché un nerf pendant une ponction lombaire.

Attention, je vous rassure tout de suite: si vous décidez d'être donneur de moelle osseuse, que vous êtes compatible avec quelqu'un et que l'on vous fait un prélèvement dans la crête iliaque au lieu d'un prélèvement de sang périphérique, vous serez obligatoirement sous anesthésie générale, car on prélève dans ce cas beaucoup plus de moelle que dans une aspiration de contrôle. Vous ne sentirez donc rien. D'autre part, dès que l'on arrête d'aspirer, la douleur s'arrête aussi. J'en ai donc bavé comme jamais, mais heureusement pendant quelque courtes minutes.

Fin de la procédure: il est presque midi. Je suis complètement arraché par le fentanyl; une fois, je me suis endormi plus tard dans l'après-midi, et quand Celia a voulu me réveiller je l'ai rembarré avec véhémence, prétextant un coup de fil important avec les tortues Ninja, pour vous donner une idée de l'état du gars. Nous avons à peine le temps de rentrer manger une bricole qu'il faut que nous retournions à la clinique, car à 14h nous avons le dernier rendez-vous de la journée: un examen complet par un médecin avec revue totale de mon historique.

Lors de cet examen, je vais être confronté à un problème inédit: le médecin ne me prend pas complètement au sérieux, me prend un peu pour un simplet et doute de tout ce que je lui raconte. Démonté par le fentanyl que je suis, j'ai un peu de mal à m'affirmer suffisamment pour remettre les pendules à l'heure et lui expliquer que quand je lui assure que je prend bien un médicament 4 fois par jour, c'est que je le prend 4 fois par jour, et que ce n'est pas parce que ses patients habituels sont des enfants qui ont du mal à suivre une discipline stricte que c'est mon cas.

C'est la première fois que cela m'arrive et c'est assez problématique. Autant une mesure de doute de la part du médecin est forcément salutaire, autant il y a forcément une relation de confiance qui doit s'établir de part et d'autre. Pour la première fois depuis que l'on m'a diagnostiqué cette foutue maladie, je doute franchement du médecin, et cela me pose un gros problème puisque nous allons avoir à prendre des décisions relativement importantes sur mon traitement. Néanmoins, je temporise, trop assommé par le fentanyl. Nous verrons à notre réunion de revue des résultats.

La journée est enfin finie. Je suis démonté. Celia m'a suivi et surveillé toute la journée et elle est éreintée également. Et puis maintenant, nous sommes dans l'attente des résultats de l'aspiration, ajoutant au stress de la journée.

(à suivre: examen des os et revue des résultats). 

mercredi 12 septembre 2012

Bilan médical à un an post transplantation I

La première année post-transplantation est une étape importante psychologiquement parlant, mais c'est aussi et surtout une étape importante sur le plan de la santé. On passe d'une vision à court-terme où l'on cherche essentiellement à éviter que le patient casse sa pipe à une vision long-terme, où l'on cherche à lui faire retrouver (et à le rendre à) une vie normale.

Cette étape est marquée concrètement par une évaluation médicale complète. Le but premier est évidement de vérifier qu'il n'y a pas de signes de rechute ou de nouveau cancer qui pointe son nez; les transplantés étant ironiquement des personnes à risque pour les cancers dit "secondaires". Un cancer de la peau dans les dix ans, par exemple, c'est un cancer secondaire, probablement dû aux radiations. Il faut aussi évaluer où en est la greffe, le GVHD (maladie du rejet de l'hôte par le greffon), et l'état immunitaire global du patient. Enfin, il faut faire un "état des lieux" général car la plupart des médicaments sont toxiques et ont des effets secondaires parfois légèrement gênants (en euphémisant un chouia).

La semaine dernière c'était donc à mon tour de m'y coller. Beaucoup de patients viennent d'en dehors de l'état, voir d'en dehors du pays, pour se faire soigner au SCCA et sont en général rentrés chez eux depuis bien longtemps. On leur demande donc de venir passer quelques jours à Seattle le temps de faire le bilan. Il faut dire qu'un centre de transplantation de cette qualité, ça ne court pas les rues, coup de bol il est à 15 minutes de chez nous! Conséquence, les examens sont compressés sur 3 jours pour minimiser au maximum (oui, min/max en 3 mots, j'assure) la durée du déplacement, ce qui donne une semaine de folie avec au menu:

- Bilan sanguin total
- Aspiration de moelle osseuse
- Examen médical complet (mmm des papouilles)
- Radio du thorax
- DEXA scan (scanner de la densité des os)
- Dentiste
- Ophtalmo
- Revue des médocs
- Vaccination
- Revue des résultats

Dès la prise de sang, le ton est donné, on fait un bilan complet de chez complet. Quand l'infirmière a sorti 19 tubes au lieu des trois habituels, forcément, j'ai sorti mon appareil photo.


Pour la petite histoire, les tubes verts et 5 des tubes violet sur 7 sont des prélèvements qui sont fait parce que je participe à tout un ensemble de protocoles de recherche. On en reparle bientôt.

Numération détaillée, cholestérol, panel métabolique, taux de toutes les vitamines et minéraux que vous pouvez imaginer... C'est assez intéressant je dois avouer! Quelqu'un m'avait conseillé il y a bien des années de faire un bilan sanguin à un moment ou j'étais en pleine santé, pour avoir un point de comparaison en cas de problème et je trouve que c'est une bonne idée. J'aurais bien aimé faire cette comparaison... Même si dans l'absolu la seule information importante ici c'est que mon bilan sanguin est bon.

Entendons-nous bien: il est loin d'être normal. Mon hémoglobine et mes plaquettes sont toujours nettement plus basses que ce qui est considéré comme étant la limite inférieure, le rapport entre deux types de lymphocytes est de 1:1 au lieu de 2:1, j'ai trois fois la quantité de fer "maximum" dans le sang... Mais rien de tout cela n'est vraiment inquiétant à ce stade. Mon cholestérol est excellent (et probablement meilleur que celui de pas mal de gens, je prend les paris), mes reins et mon foie fonctionnent correctement, je n'ai pas de carence en vitamines et minéraux... Et surtout, j'ai enfin complètement changé de groupe sanguin! En novembre dernier, j'étais à 70% A+ (et 30% 0+, mon groupe d'origine), et je suis finalement à 100%. Je trouve ça délirant. "T'as fait quoi l'année dernière? Oh j'ai changé de groupe sanguin, 0+, c'est d'un commun!"

Après la prise de sang, pas le temps de souffler, on file à l'examen de capacité respiratoire. C'est un ensemble de tests qui permettent d'évaluer si les poumons fonctionnent bien. Les résultats bruts ne sont pas foncièrement intéressants: une vielle dame d'un mètre quarante n'aura pas le même volume respiratoire que moi, et ce n'est pas très grave. Ce que l'on cherche à voir, c'est si il y a une modification de la capacité d'un individu, ce qui pourrait indiquer que les poumons sont attaqués soit par des médicaments, soit par le GVHD.

Moi j'appelle cet examen "les marines". En gros, tu es assis dans une cabine, il y a un espèce d'embout de tuba dans lequel tu es sensé souffler de différentes manières, et à coté de toi il y a une infirmière toute gentille qui te hurle dans les oreilles "EXPIRE EXPIRE EXPIRE SOUFFLE SOUFFLE SOUFFLE ENCORE ENCORE ENCORE ALLEZ TOP INSPIRE A FOND INSPIRE PLUS FORT ALLEZ ENCORE PLUS FORT INSPIRE TOP RELAX DÉTENDEZ VOUS". Forcément, au réveil, c'est un peu l’agression, mais dans l'ensemble c'est plutôt "amusant".

Les résultats sont plutôt bons: il parait que j'ai une capacité respiratoire excellente, à 120% de la moyenne. En revanche, j'absorbe moins bien l'oxygène que la plupart des gens ce qui est probablement dû à deux facteur: 6-8 ans d'historique de tabagisme et un taux d'hémoglobine misérable, ça n'aide pas! Mais la valeur absolue de ces tests importe peu: ce qui est rassurant c'est que c'est stable depuis la transplantation. Mes scores sont en revanche beaucoup moins bons qu'avant la greffe, mais bon personne ne se faisait d'illusion à ce niveau.

Voilà pour aujourd'hui. A suivre, on parlera de mes vieux os et de ce qu'il y a dedans.

vendredi 7 septembre 2012

Le chat du vendredi

Comme je vous disais dans le post précédent, cette semaine nous avons passé une bonne partie de notre temps à la clinique pour faire mon bilan annuel. Résultat des courses, pas vraiment le temps d'écrire, et là on est bien vannés.

Du coup je vais juste faire un petit post rapide avec quelques photos autour desquelles je ne pourrais pas vraiment faire un vrai post autrement. Et je vais mettre une photo de chat, parce que les chats, c'est quand même sacrément chouette. Au passage, c'est marrant, j'ai du mal à ne pas écrire un vrai post, construit et tout. Vous voyez, là tout de suite, plutôt que de vous mettre des photos, je taille une bavette. En général quand j'écrit un post, j'essaie de ne pas dépasser une certaine taille et je coupe souvent violemment dans le tas, sinon ils feraient souvent deux fois la taille et ça serait vite chiant. 

Bref, bref, bref. 

Tout d'abord, je ne sais pas si vous vous rappelez, mais quand nous sommes arrivé, nous avons eu toutes les difficultés du monde à trouver un cabas comme celui que nous avions à Paris, et finalement nous l'avions commandé sur Internet. Et bien depuis la mise au ban des sacs plastiques dans Seattle, on en trouve de plus en plus dans les magasins, et c'est vraiment plutôt cool. 


Ensuite, cette photo prise dans un magasin de jouet. Cocorico! 


Les deux photos suivantes sont prises au centre de restauration des bateaux anciens de Seattle. Chouette non? 



Et pour finir, les chats qui dorment encore dans une position improbable. 



Voilà, bon week-end!


mercredi 5 septembre 2012

Encore un anniversaire

Lundi c'était mon premier réel anniversaire post-transplantation, dans le sens où je suis suffisamment vaillant et en bonne santé pour pouvoir en profiter.

Je ne sais pas si vous vous rappelez de mes deux post successifs sur le jour de l'an. Dans le premier, je m'agaçais de cette espèce de manie de feindre la joie de voir venir une nouvelle année en espérant secrètement qu'elle soit moins pourrie que la précédente sans pour autant se bouger les fesses pour que cela soit le cas, et l'année suivante j'avais un peu tempéré mon propos suite à une année un peu difficile admettant que l'on pouvait aussi être heureux de voir un nouveau cycle démarrer et de laisser derrière soi des évènements parfois pénibles.

Bon et bien pour les anniversaires j'avais un peu la même opinion. Autant je comprenais que l'on soit heureux pour certains d'entre eux, quand on est jeune et que l'on fête avec excitation ses 7 ans ou ses 18 ans par exemple, autant passé un certain point (28 ans?) je trouvais cela plus déprimant qu'autre chose. Pourquoi donc célébrer le fait que l'on vieillit? Chouette, j'ai 45 ans, ma calvitie progresse moins vite que prévu, je n'ai pas encore perdu de dents, je vois encore mes doigts de pieds!  Il y avait un truc qui m'échappait.

Ce qui ne m’empêchait d'ailleurs pas de fêter mon anniversaire comme tout le monde, après tout j'aime bien qu'on s'occupe de moi et qu'on m'offre des cadeaux, soyons très clair... Mais j'avais parfois un peu de mal à comprendre l'"hystérie" des gens lors de leur fête, avec soit un coté un peu narcissique qui m'agace (dis-je avec aplomb en écrivant un post sur mon propre anniversaire), soit un coté oubli de soi, joie forcée qui est presque pire. Rien ne m’énerve plus que les gens qui font semblant d'être heureux une fois par an parce que c'est leur anniversaire ou la nouvelle année et qui vivent leur vie par procuration le reste du temps.

Cette espèce de conception, un peu déprimante il faut bien l'avouer, que j'avais de l'anniversaire tient surement au fait que dans notre société actuelle on a plus de chances de mourir de vieillesse qu'autre chose. Notre vie n'est pas une survie, et dans le monde occidental, il est plus normal d'atteindre les 65 ans que l'inverse. Du coup, prendre un an, c'est vieillir, et non avoir survécu un an de plus. Mais à la base, historiquement si je puis dire, c'est l'inverse!

Cette année j'ai enfin compris (je comprend vite, il faut juste m'expliquer longtemps) qu'on pouvait aussi être juste heureux d'être en vie, et que même si idéalement, c'est au jour le jour, instant après instant qu'il faut avoir cette joie, on avait aussi le droit d'avoir envie de célébrer une fois par an ce fait prodigieux d'être toujours en vie.

D'habitude, je suis content que cela soit mon anniversaire, principalement parce que je peux faire l'enfant gâté sans me faire envoyer paître, mais j'ai toujours globalement considéré que c'était un jour comme un autre et jamais forcément ressenti le besoin de le célébrer comme quelque chose d'exceptionnel.

Pas cette fois ci. Oh, nous n'avons pas organisé de fête hallucinante avec trente strip-teaseuses et cinq cent invités (quoique c'est une idée, maintenant que j'y pense). Nous avons juste fait un petit road trip dans l'est de l'état de Washington, qu'il faudra que je vous raconte ailleurs. Une sortie simple, où nous avons essentiellement fait de la voiture... Mais pas n'importe où. Le centre de notre état est un espèce de mélange étrange de canyons, de déserts, de steppes et de vergers d'une beauté à couper le souffle. C'est une mosaïque de paysages absolument incroyables, d'autant plus que l'on est à quelques heures de Seattle qui est un océan de verdure.  Un cadre parfait pour célébrer simplement le bonheur d'être en vie.

33 ans, toutes mes dents, et prend ça dans ta face, saleté de leucémie!

Ironiquement, le lendemain, hier donc, a commencé ma semaine d'évaluation des un an post-transplantation. Et elle a commencé en beauté par une aspiration de moelle osseuse qui s'est, une fois n'est pas coutume, super mal passée. Mais c'est une autre histoire.

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