L’un des grands bonheurs de rentrer chez après le premier cycle de chimio (oui, je fais un gros retour dans le passé!), cela a été de retrouver Luna et Lhassa, nos deux chats. Il faut que je vous raconte comment elles sont rentrées dans nos vies, car elles ont pour moi une importance considérable : comme je passe l’essentiel de mon temps seul, elles sont ma principale compagnie, et elles ont un rôle très important dans toute cette histoire.
Cela peut sembler un peu étrange lorsque l’on est expatrié d’adopter deux chats, étant donné la complexité supplémentaire que cela occasionne lors de l’impatriation éventuelle. Et pourtant, pourquoi pas ? Lorsque nous nous sommes mariés, Celia et moi nous étions promis d’essayer d’être le plus heureux possible et de réaliser nos rêves… Et nous nous sommes rendu compte au détour d’une conversation que nous adorions tous les deux les animaux et que nous rêvions d’en avoir un. C'est un rêve simple, j'en conviens, mais c'est un rêve néanmoins, que nous avions toujours tous les deux remis à plus tard en se disant que ce n'était pas le bon moment. Nous aimons autant les chats que les chiens, mais vivants dans un appartement, nous avons décidé d’adopter un chat, ou plutôt deux, l’idée étant qu’ainsi elles pourraient se tenir compagnie en notre absence.
Aussitôt rêvé, aussitôt fait : le samedi suivant nous étions au refuge de Seattle pour adopter deux chats. J’avais repéré sur leur site internet deux jeunes chats noirs qui m’intéressaient particulièrement, car je trouve les chats noirs absolument magnifiques, mais une fois face à eux dans le refuge, j’ai eu un très mauvais ressenti : ils étaient excités et violents, mordent la cage… Pas des chats pour nous. Celia repère alors une petite chatte grise, sa couleur préférée, qui est super éveillée… Elle la sort de sa cage et c’est le déclic immédiat, la petite est intelligente, curieuse, joueuse et commence à jouer avec Celia. Je remarque alors au fond de la cage une petite chatte noire terrifiée : la grise a une sœur ! Je la prends dans mes bras, elle est terrifiée par tout ce bruit et se colle contre moi, dans le creux de mes bras. Quelques minutes plus tard, elle se calme, protégée dans les plis de mes vêtements. Je sais que je viens de rencontrer le deuxième amour de ma vie, et que cet amour est mutuel. Celia me regarde et elle est aussi conquise par son chat de gouttière… Nous sommes ravis, nous avons trouvé deux sœurs comme nous le souhaitions, qui sont des couleurs que nous préférons, et avec lesquelles nous avons un contact privilégié, ce qui n’est pas forcément obligatoire avec des chats, d’autant plus d’adoption.
Deux ans plus tard (nous les avons adopté en 2009, je suis tombé malade en 2011), nos deux petites chattes ont bien grandi, mais nous avons toujours ce contact particulier avec chacune d’entre elles et je suis particulièrement ému de retrouver ma Loulou. Pourtant ces retrouvailles sont teintées d’angoisse : il arrive parfois que nos chats nous griffent, en général par accident parce qu’ils essayent de s’accrocher ou qu’ils sursautent parce qu’un bruit leur a fait peur… or, une griffure de chat, c’est dangereux, à cause des bactéries que cela véhicule, même lorsque ce sont des chats d’appartement. Malgré leur propreté, les chats marchent dans leur litière, où ils font leurs besoins, ce n’est donc pas complètement stérile. Comme une femme enceinte, il est donc hors de question que je continue à nettoyer leurs caisses, ce qui représente une charge de travail supplémentaire échouant à Celia. Cela ne semble peut-être pas grand-chose, mais c’est une accumulation de choses : à ce moment, elle devaut me faire mes piqures de facteur de croissance, tout le ménage, car j'étais trop faible, s’occuper des chats, car je n’avais pas le droit… Cela devait être épuisant.
Nous sommes obligés de changer nos règles : les chats qui dormaient avec nous pendant la nuit sont désormais persona non grata dans notre chambre. Cela nous brise le cœur, car nous avions tous les deux l’habitude de nous endormir avec nos matous sur le ventre, mais j’ai trop peur d’attraper bêtement une infection. Le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle. Bien évidemment, si vous avez des chats, vous vous doutez bien que celles-ci ne l’entendent pas de cette oreille et nous passons plusieurs nuits extrêmement pénibles avec nos deux minettes qui grattent et pleurent devant la porte… Un conseil, si vous vous trouvez dans le même cas : ne réagissez en aucune manière, sous peine de renforcer leur comportement. Nous finirons par trouver la solution quelques semaines plus tard sous la forme d’un dispositif ingénieux combinant un détecteur de mouvement et une canette d’air sous pression. Vous le placez devant la porte de votre chambre ou tout endroit que vous voulez interdire à votre chat, et hop, un coup d’air dans les moustaches, je vous assure que cela fait déguerpir le plus curieux des matous !
Je me met à hésiter à les toucher, ou plutôt, je développe très rapidement un comportement pratiquement compulsif : je me désinfecte les mains juste après avoir caressé mon chat, ce qui me conduit à des situations délirantes où je me passe de la solution hydroalcoolique sur les mains une dizaine de fois par heure. Un jour, je me précipite tellement pour me désinfecter les mains que le chat est toujours entre mes pieds, et une goutte de solution tombe de mes mains sur sa tête, près de son œil… La pauvre, elle détale en hurlant à la mort et pendant plusieurs semaines va fuir à chaque fois qu’elle me voit toucher du désinfectant, c’est-à-dire toutes les heures… J’en suis encore mortifié.
Malgré les contraintes, malgré le risque (maitrisé) que cela représente, je reste persuadé que ces deux chats ont été et sont toujours un formidable outil thérapeutique. Pendant mes deux années de convalescence, j’ai passé d’innombrables journées, seul dans mon appartement, avec pour seule compagnie mes deux chats, et elles ont été un soutien psychologique formidable. Elles m’accueillent le matin lorsque je me lève et que Celia est déjà partie, elles structurent ma journée en m’obligeant à m’occuper de leur nourriture, à les brosser, à leur couper les griffes, à jouer avec elles… Elles me tiennent compagnie quand j’écris, par exemple, alors que j’écris ces lignes, Loulou est assise sur mes genoux, en train de faire un bon gros roupillon… Quand je ne vais pas bien et que je suis cassé, recroquevillé dans mon fauteuil, elles viennent dormir à côté de moi, je fais partie de leur nid. Cela va peut-être vous sembler idiot, mais quand vous vous sentez plus bas que terre, que votre femme et tous vos amis sont au boulot, vous vous sentez seul au monde... Avoir un chat qui vous grimpe dessus, en ronronnant, en vous disant, "Moi, je t’aime, viens me faire un câlin", c’est incroyablement bénéfique pour le moral. En tout cas, moi cela me fait un bien fou.
J'ai tellement passé de temps avec elles que je me suis intéressé de près aux chats dans leur ensemble. J'ai par exemple appris à les dresser, ce qui, contrairement à une idée reçue, est totalement faisable, même si c'est plus compliqué que pour un chien. Je vous expliquerais comment bientôt. J'ai finalement arrêté ce passe temps qu'elles adoraient, parce que lorsque j'ai commencé à prendre de la prednisone, cela me rendait irritable et j'avais peur que cela transparaisse dans le dressage et que cela les bloque. Maintenant que je suis plus stable émotionnellement, je vais m'y remettre, enfin quand mon dos ira mieux. J'ai tellement appris sur les chats que j'ai envisagé de me reconvertir en psy pour chat, mais pour ce faire, il faudrait que je fasse mon expérience dans un refuge, or je ne peux pas étant immunosupprimé. C'est dommage.
J'adore mes deux chats. On a vraiment un lien, et le dressage nous a permis d'établir un langage commun. On peut réellement communiquer. Elles ont des personnalités très distinctes, et nous sommes très proches. Loulou me suis à la trace dans l'appartement, connait mes habitudes, sait que à 14h je médite et viens donc viens se mettre en rond à coté de moi sur le canapé... Vous savez, les experts disent que sur le plan cognitif, les chats sont plus proches des humains que les chiens, dans la manière dont ils réfléchissent et ressentent les émotions (à leur niveau de chat, bien entendu), et c'est quelque chose que je veux bien croire. Nous avons une relation très particulière et complexe, qu'il est difficile de décrire en mots à quelqu'un qui ne les connait pas. Ce sont à la fois mes petites soeurs, mes filles, mes amies, et nous avons un rapport particulier, différent de celui que peuvent avoir deux chats entre eux ou deux humains entre eux. C'est notre langage à nous.
Par contre ne pensez pas que je suis complètement gâteux et que je les humanise trop: c'est une erreur que font beaucoup de propriétaires d'animaux de toute sorte, que de les considérer comme leurs enfants et leur attribuer des comportements humains. Ce n'est pas mon cas: je suis bien conscient que ce sont des chats, et que leur psychologie est avant tout celle d'un prédateur à peine domestiqué. Je suis d'ailleurs très fier de nous: nous avons deux chattes épanouies, bien éduquées, qui connaissent bien les limites que nous avont fixé, et qui sont vraiment stables psychiquement. Ce n'est pas forcément gagné, avec deux chats dans 50m2. Mais croyez moi, il y a un truc en plus que nous avons développé au contact l'un de l'autre. *
Bref, voilà, je voulais vous parler de mes chéries, en utilisant le prétexte de l'outil thérapeutique... Mais en fait c'est juste que je les adore ahahah :)