Je ne vous ai peut-être jamais dis: dès le premier jour de mon hospitalisation, le 9 mars 2011 donc, on m'a posé un Hickman. Pour ceux qui ont la flemme de suivre le lien vers Wikipedia, un Hickman, qu'est ce que c'est?
Tout simplement, c'est un cathéter, qui est inséré au niveau de la poitrine, qui passe sous la peau au dessus de la clavicule, et qui plonge dans la veine cave. En photo, voici ce que cela donne sur votre serviteur. Notez que l'on voit le Hickman sous ma peau tellement je suis maigre, au dessus du site d'insertion.
me, myself, and my hickman line |
Petite anecdote au passage, pourquoi est-ce que cela s'apelle un Hickman? Et bien tout simplement parce que cela a été inventé par un certain monsieur Robert Hickman, qui travaille, je vous le donne en mille, au Seattle's Children's Hospital. Comme quoi, je pouvais difficilement tomber à un meilleur endroit pour me faire guérir de cette cochonnerie de leucémie.
A quoi cela sert? Et bien à plein de choses, ma bonne dame. La première necessité du Hickman, c'est afin d'administrer la chimiothérapie: les produits sont trop toxiques pour être insérés directement dans les veines fines des bras par une perfusion standard, cela risquerait de les endommager. La veine cave est bien plus résistante.
C'est aussi un outil inestimable pour les prises de sang et les transfusions: sachant que j'ai reçu environ 50 transfusions, que l'on m'a fait un minimum de 2 prises de sang par semaine depuis 8 mois (et environ 2 par jour à l'hosto...), que l'on m'a administré de la nourriture par intraveineuse pendant deux semaines... Je ne vous fais pas de dessin.
Quand on m'a informé que l'on allait me poser cet engin, le lendemain de mon diagnostic, je vous avoue que j'ai été un peu horrifié. Tout à coup, on ne peut plus se mentir: on est malade, il va falloir passer sur le billard, et se faire implanter un truc que l'on ne voit que dans les films. Tout à coup, la maladie qui est encore relativement abstraite à ce point (quelques points noirs sur la langue, une fatigue anormale, et des ganglions gonflés) devient une réalité dure et violente: pour la prochaine année, au minimum, on va avoir ces espèces de veines artificielles implantées dans la poitrine.
Tout à coup, on passe dans un autre monde, celui des malades. Et pas des malades de la grippe: des malades d'une maladie grave, d'une maladie potentiellement mortelle, qui va nécessiter un traitement long, désagréable et dangereux. Le choc psychologique est violent. Non seulement on vient d'apprendre que l'on a une leucémie, mais en plus il faut assimiler que l'on va avoir ce truc, cet espèce de parasite à la "Alien" qui vous sort à moitié du corps.
Et puis en deux semaines, ce corps étranger est devenu mon meilleur ami. Pas difficile de comprendre pourquoi, quand on regarde l'état de mon bras lors de mon admission. Le Hickman rend tout facile: un CT scan avec produit de contraste? Pas de problème, pas de piqure. Une transfusion en urgence? Il suffit de se brancher sur le port. Un bilan sanguin à 4 heures du mat' à l’hôpital? L'infirmière n'a même pas besoin de vous réveiller.
ma perf en arrivant à l'hosto |
Cependant, c'est un ami exigeant et envahissant. Il faut le nettoyer tous les jours en injectant de la saline et de l'héparine dans les deux lignes. Il faut couvrir l'ensemble du dispositif d'un pansement imperméable avant de prendre une douche. Les bains sont évidement exclus. Dormir devient parfois pénible, car quand on se retourne sur le ventre, les embouts en plastique dur viennent s'encastrer dans le sternum, surtout quand on est maigre comme un coucou comme moi. Il faut aussi changer le pansement toutes les semaines, ce qui est long, chiant et stressant car il faut évidement éviter toute contamination du site d'entrée.
Un meilleur ami, dont on se passerait bien donc. Cela tombe bien, on va me l'enlever d'ici deux semaines...
(à suivre)