Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

mercredi 31 juillet 2013

Au soleil

Depuis que j'ai écris un post sur l'histoire du Real Change Guy, je suis devenu super conscient de tous les marginaux dans la rue. Et je me suis rendu compte que malgré mes belles paroles, j'étais comme tout le monde: la plupart du temps, je passe devant eux en les ignorant, et je ne leur donne quasiment jamais d'argent. Bon, soyons réaliste: on ne peut pas prendre toute la misère du monde sur soi et donner de l'argent à chaque clodo, sinon on n'en fini pas... Ce qui n'empêche qu'il faut être cohérent: je ne peux pas essayer de vous faire pleurer avec un article, et ensuite ignorer tous les sans-abris du quartier.

J'ai réalisé que si je ne leur donnait pas d'argent plus souvent, c'était en général parce que je n'avais pas de monnaie facilement accessible. Pour moi, sortir son portefeuille en pleine rue et fouiller dedans à la recherche de billets, c'est chercher des bricoles, et c'est quelque chose que j'évite absolument (et si vous habitez dans une grande ville, c'est quelque chose que vous devriez éviter aussi). Alors depuis quelque temps, je m'arrange toujours pour avoir un peu de monnaie dans la poche avant de mon sac, et quelques dollars dans le vide poche de ma voiture.

Ce week-end, en voiture justement, je m'arrête à un feu, et là il y a un sans-abri en train de faire la manche. Un vieux, qui ressemble à un troll, desséché et rabougri. Rapidement je fouille dans mon vide poche, trouve un dollar qui traine, ouvre la vitre et lui donne.

Il a un sourire triste et me dit "Merci beaucoup, vous savez, c'est dur aujourd'hui, il fait chaud!".

Moi, dans ma voiture (une vieille VW Passat pourrie mais climatisée), bien au frais, j'essaie de lui faire la conversation: "Ben, si vous avez trop chaud, vous n'avez qu'à aller vous mettre au frais dans le supermarché à coté, c'est climatisé, ça vous fera du bien".

Il me regarde, et me dit "C'est ce que j'ai fait Samedi (jour de canicule où il faisait 30C), j'ai fais 6$ dans la journée".

Soudain, le feu passe au vert, alors je démarre. En embrayant, finalement je percute et là je me suis vraiment senti trop con. Ce gars, il se met à cet endroit parce que c'est le croisement le plus fréquenté du quartier. S'il se met à l'ombre... Il ne gagne pas d'argent, puisque la manche c'est sa seule subsistance. Donc pour manger, il est obligé de rester en plein soleil toute la journée à cramer. C'est juste l'enfer. Et puis s'il se met sous un parasol et tout, les gens vont avoir l'impression qu'il farniente, et ne vont rien lui donner, donc il est obligé de ramasser. Et moi, bien au frais dans ma voiture, je lui dis d'aller se mettre au frais dans un magasin. Mais quel imbécile.

Alors on entend parfois les gens dire, "Oui mais les clodos, c'est qu'ils ne veulent pas travailler, c'est des fainéants, etc etc" ou des arguments du genre. Franchement, j'aimerais vous y voir. Je ne crois pas que l'on fasse le choix de gagner sa croute en restant assis toute la journée en plein soleil par 30/35C, par tous les temps en fait, sans que des circonstances dramatiques nous amènent à ça.

EDIT suite à quelques commentaires:

Mon point n'est vraiment pas de dire qu'il faut donner ou pas aux "clodos". C'est un problème complexe qui me dépasse, je ne connais pas bien le sujet. Moi, je donne de temps en temps à ceux qui ont l'air vraiment dans la dèche histoire de leur remonter le moral, mais bon, c'est ma manière de voir le truc et c'est hautement personnel. C'est une occasion de causer avec eux.

Non, mon point, et je vous invite à regarder les commentaires, c'est vraiment d'attirer l'attention sur le fait qu'on a toujours l'impression que ces gens sont des parasites profiteurs etc... Moi, de ce que j'en vois, c'est surtout beaucoup de misère et de souffrance. Et pendant ce temps là, dans nos élites, des parasites nous sucent autrement plus d'argent sans que cela gène personne... En fait on est presque formaté à traquer les profiteurs parmi "nous" gens du bas peuple (alors que si profitage il y a, il est souvent, pas toujours mais souvent, initié par une condition de misère), et pendant ce temps, on ne s'occupe pas de ce qui se passe dans notre dos. C'est assez triste.  Pendant ce temps, les banquiers s'enrichissent, non pas parce qu'ils sont dans la misère, mais juste parce qu'ils peuvent...

lundi 29 juillet 2013

Transplantation, deux ans plus tard

Et voilà, aujourd'hui, nous fêtons mes deux ans de transplantation. (voir le post de l'année dernière)

Enfin, comme Celia est est déplacement pro, je fête tout seul. L'année dernière nous étions allé à l’hôpital et nous avions amené des gâteaux aux infirmières, à l'équipe de nuit, puis à l'équipe du matin le lendemain.

Aujourd'hui, je ne vais pas y aller. Pas sans Celia. Oh, ce n'est pas que je redoute de le faire tout seul, pas du tout. Au contraire, j'ai plutôt hâte de revoir mes infirmières préférées. Mais sans Celia, cela manque d'une partie de son sens. Si j'ai pu vivre aussi bien cette épreuve c'est avant tout grâce à sa présence à mes côtés, et même si je sais qu'elle ne tient pas particulièrement à aller à l'hosto, je ne m'imagine pas fêter cela sans elle. Nous le ferons à son retour.

Tu sais, je t'ai dis une fois que c'était avant tout toi que j'ai en tête comme lecteur (lectrice) quand j'écris quelque chose, donc je vais m'adresser à toi directement. Pour moi fêter ces deux ans, c'est une victoire non seulement sur la maladie, puis sur ses complications, mais aussi une victoire de nous deux qui résistons malgré l'adversité. Je ne t'ai pas fait vivre une vie très drôle ces années passées, et je te force toujours à vivre une vie plus monacale que je souhaiterais, et cela me peine profondément. Les épreuves ne sont pas finies. Mais je te promet que je fais tout mon possible pour qu'on s'amuse autant que possible dans cette galère, et que l'on découvre des trucs géniaux. Malheureusement t'as raté le Pow-Wow! Un jour, on en finira avec ce merdier et on en sera grandis, pas diminués, promis. En tout cas, cette galère, je n'imagine pas la vivre sans toi à mes côtés. Oh, pas parce que j'ai besoin de quelqu'un sur qui me reposer, même si ça aide souvent comme ce soir où j'étais plus mélancolique que la normale, mais simplement parce que tu me fais mourir de rire, que tu es sacrément jolie, et que tu es la personne la plus intelligente que je connaisse. Oh, et la cuisine. N'oublions pas la cuisine.

Et pis en plus, les autres filles, elles se lavent pas les mains avec du SHA en permanence: elles sont sales. Pouac!

A deux ans, le risque de rechute de ma variante qui est un peu plus méchante que la "normale", doit être entre 5 et 10%. Cela vous semble peut-être peu, mais si je met 10 ou 20 cartes devant vous et que je vous dit que si vous prenez la mauvaise vous y passez, je ne pense pas que vous aurez envie de jouer.

Cela ne m'angoisse pas particulièrement au jour le jour. C'est vraiment un truc que j'ai lâché, même quand je fais des prélèvement à la recherche de cellules cancéreuses, je ne stresse pas. Si la maladie repart, je le saurais de toute façon.

Aujourd'hui, je suis toujours dans l’impossibilité de travailler. Des jours, cela va plutôt bien, et puis on essaie de baisser mes médicaments, et la tout fout le camp et je me prend tout dans la tronche (comme au mois de Juin, qui a été particulièrement violent). Cela ne m'empêche pas de travailler, lentement et à mon rythme sur un projet secret (lié à l'écriture) et sur un autre de programmation. J'avance à une vitesse de limace, certaines semaines pas du tout, et parfois pendant quelques jours je suis bien et productif, alors j'en profite.

Je suis en train de me poser sérieusement la question de l'après d'ailleurs. Que vais-je faire, quand je devrais retourner travailler? J'aime bien mon travail, Ingénieur informaticien, mais j'aurais du mal à me refaire à une ambiance "carriériste" je pense. Être simple codeur, dans une startup intéressante, pourquoi pas. Ce n'est pas que je ne veux pas de responsabilités, je ne veux pas faire de choses qui n'ont pas de sens, et souvent la politique d'une entreprise n'a pas de sens.

Justement, en parlant de sens, je suis en train de réfléchir, comment est-ce que je pourrais transformer ce blog en travail. Comment pourrais-je transformer mon expérience, la partager, pour aider des malades, et les gens en général? Je ne sais pas bien. C'est bête, je suis très créatif, mais absolument nul en commerce, cela m'ennuie prodigieusement, je déteste ça. Si je veux faire ça à plein temps, il faudrait évidement que je trouve un "truc à vendre". Pas pour devenir riche, juste pour pouvoir crouter et pouvoir continuer à le faire. Ma mère m'a demandé si je ne voudrais pas plutôt tourner le dos au monde de la maladie, et laisser tout cela derrière moi, revenir à une vie normale. Je ne sais pas. Comment faire pour avoir une vie normale quand tu te regardes dans une glace et que tu vois les marques qu'a laissé la maladie et le traitement et que tes potes enquillent une deuxième transplantation? Et puis il semble que le courant passe bien avec les gens en général, c'est un truc que j'aime faire, ça serait bête de gâcher cela.

Voilà pour les réflexions que cet anniversaire m'inspirent. Je suis un peu mélancolique à vrai dire. Aujourd'hui, j'étais un peu cassé, j'ai pas mal fait la sieste, accompagné par ma Loulou qui sent toujours quand ça ne va pas bien. Une petite photo de chat, ça ne fait jamais de mal.




dimanche 28 juillet 2013

Le blog d'un condamné était un faux II

Je vais en remettre une couche parce que cette histoire m'a profondément touché, probablement parce qu'elle est arrivée à un moment où j'en bavais bien à bloc. Ce coup-ci c'est une réaction à froid, construite, contrairement au post précédent qui était une réaction à chaud dans l'instant (d'où le ton "Allez tous bruler en enfer").

L'ironie, c'est que j'écris ce post le jour de l'anniversaire de mes 2 ans de transplantation. Dommage, j'aurais préféré écrire un truc joyeux qu'un coup de gueule, mais quand ça déborde, ça déborde, c'est comme ça. Ce qui n'empêche, que punaise, 2 ans... Dans un an, on pourra presque considérer que je suis sauvé! Champagne (sans alcool).

Je voulais tout d'abord évacuer un sujet: oui je suis jaloux de l'attention qu'à reçu ce blog, c'est évident. Si je suis honnête, et j'essaie de l'être autant que possible moi, je me dois de l'avouer. Ma passion, c'est l'écriture, j'écris avant tout parce que j'adore écrire, et j'ai par conséquent envie d'être lu par le plus grand nombre. Le truc, c'est que pour avoir une audience, je ne suis pas prêt à faire n'importe quoi. Je ne suis pas prêt à mentir, je ne suis pas prêt à écrire quelque chose qui ne soit pas moi, je ne suis pas prêt à faire du mal aux gens qui m'entourent plus que nécessaire, ni aux autres d'ailleurs, bref j'ai une certaine éthique. Et si vous remontez dans le temps, aux posts entourant le 8 mars 2011, date de mon diagnostic, vous remarquerez que c'est l'une des premières choses qui m'est venue à l'esprit.

Je pourrais faire dans le sensationnel. Je pourrais disserter en long, en large et en travers de la mort, de la souffrance, de la perte. J'ai écrit quelques textes dans ce sens, je sais que je sais le faire et que je le fais bien. Je le fais d'autant mieux que comme c'est vécu, on y croit. Sauf que la première fois que j'ai donné à lire l'un de ces textes à mes parents, et que j'ai vu la réaction de ma mère, qui revivait par mes yeux mon diagnostic, je me suis dit "Mais t'es vraiment trop CON!". Le fait est que je le fais trop bien, et que ça l'a complètement anéantie, et elle n'avait pas besoin de ça.

Ce n'est pas parce que j'ai frôlé la mort et que j'ai toujours un risque de mourir anormalement élevé que je peux tout me permettre. Je ne suis pas un enfant de 12 ans qui peut confier toutes ses peurs à sa maman qui est là pour le consoler et prendre toutes ses souffrances sur elle. Je suis un adulte, et je peux assumer mes propres peines et éviter de les faire subir à ma mère. Cela s’appelle faire preuve de retenue, de respect et de courage. Et si vous regardez attentivement mon blog, il y a assez peu de posts qui racontent ce qui s'est passé pendant les cycles de chimio et la transplantation, ainsi que mon rapport à la mort. C'est intentionnel: ces textes sont écrits, pour la plupart. Ils vont voir le jour, quand le moment sera venu, quand mon entourage aura un peu digéré. Car il faudra bien un jour que je leur inflige cette peine, en connaissance de cause, parce que je pense que du bien peut en ressortir, mais je leur laisse le temps d'évacuer l'expérience avant. Retenue, respect, dignité.

Quand j'ai découvert le blog d'un condamné, ma réaction a été la suivante (et d'ailleurs, vous verrez ainsi que je ne bidonne pas, j'ai vraiment grillé quasiment instantanément que c'était un faux, comme quoi on ne la fait pas à des gens qui ont vraiment ce vécu).


Ce qui m'a le plus frappé c'était cette absence totale de positif, ce côté purement morbide et malsain, à la fois dans le texte et dans les réactions des gens qui se mettaient à suivre massivement, qui se disaient touchés et frappés par cet inconnu qui ne projetait en définitive que du mauvais.

Si vous lisez ma dernière phrase dans cette capture d'écran, je résume assez bien tout ce qui me dérange dans cette démarche: "En fait, pour que l'on t'écoutes maintenant, faut vraiment être condamné, avoir une chance de s'en sortir ce n'est plus suffisant". Et soyons clair, cela n'est pas vraiment de la faute de l'auteur. L'auteur est coupable de bêtise, cela nous arrive à tous. Il est un peu plus coupable que la moyenne parce que c'est une bêtise qu'il a maintenue sur la durée, de la bêtise en récidive en quelque sorte.

Non, au final, ce qui me choque, c'est ses lecteurs. Soyons réalistes: ce gars aurait publié sa nouvelle en disant, voilà, j'ai écrit ça, c'est une fiction qui raconte les derniers jours d'un malade terminal... Personne n'en aurait rien eu à cirer en dehors de son cercle de lecteurs habituel. Un peu comme lorsque JK Rowling publie sous un nom de plume. Mais là, un vrai gars, mourant qui a 30 jours devant lui? Ça, c'est nouveau, ça c'est du jamais vu, ça c'est choquant, ça ça nous sort de notre apathie quotidienne et ça nous donne une petite dose d'adrénaline qui nous fait nous sentir vivant temporairement.

Mais il vous faudra quoi, la prochaine fois? Qu'une gamine de 12 ans ayant une leucémie décrive ses 12 dernières heures quand finalement la chimio ne fera plus effet et que ses cellules se mettront à tellement proliférer qu'elles l’asphyxieront? C'est ça, votre prochain fix? Le prochain truc qui va vous permettre de vous faire un peu peur et de sortir de l'anesthésie dans laquelle vous vivez tous pendant quelques instants avant d'y replonger de plus belle?

Vous trouvez que j'y vais fort? Lisez donc ce commentaire de l'article sur Rue89:

Ce commentaire dit: "Je suivais également son blog, j'amais ses textes [...] et ne pourrais cacher ma déception d'y voir une fiction".

Non mais vous vous rendez compte de la perversion?

Cette personne est déçue que ça soit une fiction! En d'autre termes, elle apprend, qu'ouf, en fait personne ne va mourir, ce qui est quand même plutôt une bonne nouvelle à la base, et elle est déçue. Mais à quel point faut-il être déconnecté de la réalité et de sa propre vie pour arriver à dire une monstruosité pareille? Quelle espèce d'horrible être humain peut tenir ce genre de propos? Mais en fait c'est ça, le drame ordinaire de notre culture du sensationnalisme poubelle, c'est que ce n'est pas quelqu'un de méchant, probablement. Juste quelqu'un de complètement déconnecté de ce qu'est la vie, et de drogué à la sensation forte, qui n'existe qu'au travers des autres et de leur souffrance. C'est triste, c'est navrant. C'est ça en fait qui me met tellement en colère dans tout ceci. De constater la triste existence de tous ces gens.

Alors il y a des réactions qui saluent le travail d'artiste et le droit à la création littéraire. Un argument recevable... Cependant, j'ai deux critiques à apporter, la première étant tout simplement que soit, je veux bien qu'un artiste puisse écrire sur absolument tout... Mais du moment que l'on sait clairement que c'est ou non de la fiction!

Le fait même que j'ai senti en quelques posts que ce n'était pas réel devrait vous donner un indice sur la vacuité du contenu de ce texte. J'ai lu les derniers "jours", sur l'euthanasie et le rapport à la morphine, notamment et c'est d'une pauvreté! C'est absolument ridicule, et ce néant absolu de la réflexion est une insulte faite aux gens qui luttent contre le Dragon (je souffre de douleurs chroniques et je connais malheureusement un peu le problème). Les gens ont l'impression que ce texte les pousse à réfléchir et à se poser des questions, mais je suis désolé de vous dire, et de dire à son auteur, que c'est de la MERDE. Cela part peut-être d'une bonne intention, mais c'est juste raté. Et c'est le plus gros problème, en fait. C'est comme si vous me disiez que vous regardez "C'est mon choix" et que cela vous pousse à réfléchir.. Bon, ben, comment vous dire... C'est votre choix en effet. Si vraiment vous voulez réfléchir sur le rapport à la mort, et sur ce qu'on peut trouver lorsque l'on approche la mort d'aussi près il y a beaucoup plus intéressant à lire, beaucoup plus profond, et surtout plus positif. Indice, vous êtes au bon endroit, et oui, j'ai les chevilles qui enflent, mais c'est dû à la prednisone, pas à mon ego surdimensionné.

C'est ce qui manque au final dans ce blog: de la substance. L'auteur y développe une vision très primaire de la mort, qui est celle de quelqu'un qui ne l'a pas vu en face tous les jours pendant deux ans. On lit juste les fantasmes morbides d'un jeune homme d'une trentaine d'années, qui comme tout le monde a suffisamment peur de la mort pour se poser des questions, mais qui contrairement aux malades en stade terminal n'a pas le vécu nécessaire pour apporter des embryons de bonnes réponses. Comment pourrait il en être autrement d'ailleurs? C'est cela qui est le plus irritant, et qui me met le plus en colère. Cela envoie des gens sincère sur une fausse piste, vers des "fausses" réponses.

Car on peut transmettre aux gens un message d'espoir, même lorsque l'on parle de ce sujet. Quand on est vraiment confronté au "problème", et que l'on doit vraiment trouver des réponses il se passe des trucs un peu plus profonds dans la caboche que juste "Oh, pensez à vivre chaque jour comme si c'était le dernier". Je vous surprendrais peut-être si je vous disais que je pense que je suis en train d'accepter l'idée de ma propre mort. Que pour vivre, j'ai eu à accepter de mourir, d'ailleurs. Que j'ai découvert, grâce à la maladie, la Joie. Oh, j'étais heureux, avant de tomber malade, mais que j'avais cette nostalgie, liée à la perte, à cette angoisse diffuse qui a sa racine dans la peur de mourir, qui a disparu. Vous serez peut-être surpris si je vous dis que si je survis à cette maladie, je considèrerais que ça a été une chance. Et peut-être même si j'en meurs; en tout cas j'espère en avoir le courage.Et ce n'est qu'un fragment de ce que j'ai tiré de ces deux ans.

Il y a quelques jours, j'ai été interviewé par une étudiante en anthropologie qui suis un cours intitulé "Étude comparative sur la mort" (ce qui est assez drôle puisque personne n'est jamais revenu pour comparer). Je lui ai parlé pendant 5 heures. Elle a produit un papier de 10 pages résumant peut-être un quart de notre discussion. Elle a conclu son papier en écrivant:

"Our talk has made a permanent mark on my life in a good way. I’m still processing all of the things that we spoke about, and I’m sure I will be for a long time. This experience was definitely unique, and I walked away with a new perspective.". "Notre conversation a laissé une trace indélébile positive dans ma vie, je suis toujours en train d'assimiler tout ce dont nous avons parlé et je pense que cela va encore durer un moment. Cette expérience était unique, et j'en suis sortie avec une nouvelle perspective".

Je ne vous raconte pas ça pour me faire mousser (encore que, c'est mon blog, je fais ce que je veux), juste pour vous dire que voilà, c'est ça, l'impact que j'essaie d'avoir. Marquer les gens, positivement, en leur faisant découvrir le fait que c'est important de se poser la question de la mort, que oui, cela fait peur, mais que c'est possible d'arriver à une forme de sérénité, et ce quelle que soit l'adversité. Vous remarquerez aussi la difficulté de résumer à l'écrit en un post, ou même en trente, ce qui me prend 5 heures à développer à l'oral. Enfin bref, ce sont des choses qu'il n'est probablement possible de vraiment comprendre, et donc de transmettre, que lorsqu'on les a touché du doigt, soit via une pratique spirituelle sérieuse, soit via un vécu particulier. C'est cela qui manque cruellement à ce blog. Il avait l'ambition de marcher dans les pas de Victor Hugo, mais c'est en fait une resucée de Confessions Intimes qui en a résulté (avec pour moi un seul texte un tantinet intéressant, celui du mariage).

Voilà pour ce que j'en pense. De mon coté, je publierais peut-être ces articles qui ont trait de mon rapport à la mort, quand le moment sera venu. Pas pour essayer de faire de l'audience, même si c'est toujours bienvenu parce que d'une part j'aime être lu, et parce que d'autre part maintenant c'est ma mission de faire connaitre les dons de moelle, mais surtout parce que je crois que d'autres malades peuvent en profiter, comme j'ai moi-même profité d'un texte quand je suis moi-même tombé malade, qui a changé du jour au lendemain ma vision(*) de la mort... Et donc de la vie.

(PS2: mes commentaires sont là! Soit j'ai été mauvaise langue,  soit le fait de faire crier à la censure, ça fait réagir. Comme je suis plutôt optimiste sur la nature humaine, on va considérer que c'est le premier, désolé Ploum de t'avoir accusé de censure).
(PS, j'ai essayé de laisser des commentaires, négatifs il est vrai mais pas insultants, sur le site de l'auteur, et j'ai été systématiquement censuré. Quand on lit qu'il dit que les réactions négatives sont minoritaires, il est permis d'en douter. Mec, tu as déconné, ton truc ça a merdé et ça t'a pété à la figure, admit it, et voilà!).


(*) Il s'agit du premier volume d'A la recherche du soi d'Arnaud Desjardins.

samedi 27 juillet 2013

Le blog d'un condamné était un faux

(attention, coup de gueule brut de fonderie, sans édition, intentionnellement).

Vous avez peut-être suivi "Le blog d'un condamné", soi-disant blog d'un homme apprenant qui lui reste 30 jours à vivre et qui décide de les documenter sur un blog, comme 8000 autres personnes sur twitter, et probablement beaucoup plus en France.

Moi quand j'ai vu ça, et quand j'ai vu le nombre hallucinant de followers twitters qu'il s'est récolté en quelques heures, le pathos que ça a généré, j'ai eu une envie de gerber incroyable.

Parce que je savais que c'était un faux. Parce que quand on a vécu ce genre de chose comme je l'ai vécu, on sait que c'est un faux dès les premières lignes. Parce que moi la mort je l'ai vu en face, tous les jours pendant plusieurs mois. Parce que la mort je la regarde en face encore tous les jours aujourd'hui, deux ans après. Et que ce n'est pas comme ça que ça se passe.

Cela m'a mis dans une colère incroyable. Toi tu écris ton expérience, en essayant d'en faire quelque chose de positif, en essayant d'apporter un truc positif au monde, en essayant d'aider les malades, en réduisant le pathos autant que possible, tu galères à être lu par plus de 100 ou 200 personnes par jour (ce qui est déjà pas mal, mais c'est rien par rapport à 8000). Et un gars décide de faire une "expérience littéraire" (expérience mes fesses, ce n'était même pas bien écrit), en en rajoutant dans le pathos, en se gourant totalement sur ce que peut ressentir un patient qui apprend qu'il est condamné, en ne mettant que du mauvais dans le monde, rien de positif, et il récolte 8000 followers, il fait la une de Rue89, etc, on parle de lui, il fait la sensation du web. Pendant ce temps, je lutte pour qu'on me lise, en écrivant malgré la fatigue, malgré la souffrance psychologique que cela me cause, souvent. L'asso Laurette Fugain peine à dépasser 1500 followers. L'agence de don de moelle osseuse, pareil.

Je trouve ça à GERBER. JE SUIS DEGOUTÉ

Par l'auteur, mais aussi par ses lecteurs. Parce que si la médiocrité marche, c'est bien parce qu'on la consomme, et si la qualité ne marche pas, c'est parce qu'on ne s'y intéresse pas. Vous voulez jouer à vous faire peur, prendre une soi-disant leçon de vie, prendre "conscience" que la vie est courte, et ensuite retourner à votre vie monotone comme de rien n'était en n'ayant en fait rien compris? C'est bien, continuez à lire ce genre de MERDE.

Les autres, ceux qui veulent apprendre comment on peut découvrir la joie, même quand on apprend que l'on a une leucémie, comment on peut vivre heureux avec une maladie mortelle, comment on peut aider des patients dans une détresse extrême, et pleins d'autres choses positives et intelligentes vous êtes au bon endroit. On sera mieux en petit comité, de toute façon. 

Voir le reportage de Rue89.

mercredi 24 juillet 2013

Un vrai Pow Wow indien

Ce week-end, j'ai appris complètement par hasard qu'il y avait un grand Pow-Wow des tribus indiennes dans Discovery Park, qui est l'un des plus grand parcs de Seattle et l'un des endroits les plus préservés et les plus magnifiques de la ville. Alors du coup, j'y suis allé.

Alors il faut savoir que dans le Pacific Northwest, il y avait des centaines de tribus "indiennes" (j'utiliserais ce mot, même si je le trouve impropre).  Wenatchee, Sammamish, Duwamish... Il suffit de regarder une carte pour s'en rendre compte. D'ailleurs, si vous vous rappelez, Seattle tient son nom du Chef Seattle, qui a vendu la terre aux Blanc pour une bouchée de pain. Normal, les indiens n'arrivaient pas bien à comprendre le concept que l'on puisse être propriétaire de la terre... Et pourquoi pas être propriétaire de l'air, tant qu'on y est? (Ne vous inquiétez pas, on y vient...)

Aujourd'hui, ils sont parqués dans des réserves. Ceux qui s'en sortent bien tiennent des casinos qui sont l'antithèse de ce en quoi croyaient leurs ancêtres, mais bon je ne peux pas leur en vouloir de voler  "l'homme blanc", bien fait pour les gens qui claquent leur argent dans ces endroits qui sucent la vie hors des âmes. Les autres survivent dans des réserves qui sont souvent d'une pauvreté absolument sordide... Il y a quelques semaines nous sommes allés dans les Olympics, j’espérais en nous rendant dans une réserve trouver un endroit traditionnel, empreint d'histoire, et l'on s'est retrouvé dans des baraquements en préfabriqué, c'était d'une tristesse à pleurer...

Comme tous les petits garçons j'ai toujours beaucoup aimé les indiens, et aujourd'hui en temps qu'adulte, et de par ma pratique spirituelle, je me sens proche d'eux et en particulier de l'impact nul qu'ils avaient sur la terre. Le développement durable, ils ne connaissaient pas, c'était simplement leur façon de vivre. Ces gens étaient heureux, ils vivaient dans des conditions de vie idylliques (en tout cas, les tribus de l'eden qu'est l'état de Washington)... Imaginez-vous, au bord de ce lac, avoir votre campement...

Lake Crescent, WA



Attention, je ne vais pas tomber dans de l'angélisme primaire, en portant aux nues le bon sauvage qui vivait en harmonie avec la nature et qui lâchait des caisses qui faisaient des arc en ciels... Certaines tribus indiennes (de mémoire, les Sioux, par exemple, mais je me trompe peut-être) étaient violentes voir barbares... Mais bon, si l'on compare le nombre de mort des guerres entre indiens et celles entre les peuples européens, même en rapportant au nombre d'habitant, il n'y a pas photo, l'homme blanc, du haut de sa civilisation et malgré sa religion dominante prônant l'amour de l'autre, reste le champion toutes catégories du meurtre, de la violence psychopathe et de la destruction de la nature.

Bon et donc le Pow-Wow. Et bien c'était génial figurez vous. Il y avait des marchands de produits indiens en tout genres disposés en cercle tout autour de la clairière, et le centre était transformé en "piste de danse", avec un concours de danse traditionnelle. Du coup tout le monde était en habit traditionnel avec des plumes magnifiques dans tous les sens. C'était éblouissant.

Mais le truc qui m'a le plus tué, c'était les tambours. Je me suis rapproché autant que j'ai pu, comme vous allez le voir sur les deux courtes vidéos que j'ai prises, et j'ai pris une énorme baffe. Cela m'a donné envie de pleurer, de joie et de tristesse mélangée, tellement l'émotion était forte. En les écoutant, on entendait le son des indiens tels qu'ils chantaient il y a deux cents, cinq cent, mille ans peut-être, exactement à cet endroit. C'était un événement organisé par les indiens, pour les indiens avec peu de blancs (10% des visiteurs peut-être), ce n'était donc pas du folklore pourri pour touristes (à part le speaker qui annonçait les chansonsi) mais bien la tradition, venue du fond des ages, inchangée. Et ça, si vous me suivez depuis un moment, vous savez que c'est le genre de truc qui me fait vibrer. Vous savez, j'ai tellement peur que ces cultures si riches et si intéressantes disparaissent... C'est un vaste débat dans lequel je ne vais pas me lancer maintenant, mais  j'adore le cinéma américain, même quand c'est con et grand public, je suis le premier à aimer un Star Trek ou un Iron-Man 3 même si le scénario est complètement débile. Mais le problème de cette culture de masse, c'est que cela étouffe ces joyaux absolus qui ne survivent que dans les âmes de quelque centaines de personnes. J'aimerais tant avoir plusieurs vies, et pouvoir apprendre leurs langues et leurs légendes et les aider à survivre.

Allez, je vous laisse apprécier. Laissez-vous emporter. Vous êtes au bord d'un lac, dans les montagnes. L'eau est claire comme du cristal, vous ne savez d'ailleurs pas ce qu'est du cristal mais cette eau est encore plus pure que cela. Les saumons sont en train de remonter pour frayer, la pêche sera facile et le repas délicieux. Ce soir, vous dormirez, au chaud, le ventre plein, bercé par le crépitement du feu et le rythme du tambour.




Et quelques photos pour finir? (Ah, en fait je n'en ai qu'une pas foirée, donc voilà!)




mardi 23 juillet 2013

Manger au restaurant lorsque l'on est immunosupprimé

Après la greffe, j'ai pendant longtemps complètement refusé d'aller manger au restaurant. Pour les immunosupprimés, le risque d'infection alimentaire est beaucoup plus grand, et surtout les conséquences d'une telle infection sont beaucoup plus graves. Ce n'est pas que l'on en mourrait (encore qu'une bonne infection à E. coli, ça peut tuer même quelqu'un de valide), mais le risque d'une infection c'est de mettre le système immunitaire en alerte maximum et déclencher une crise majeure de GVHD, et ça, cela peut avoir des conséquences dramatiques.

Après la transplantation, on nous conseille d'éviter totalement le restaurant pendant les 3 premiers mois, où notre système immunitaire est le plus fragile. Pendant toute cette période, mieux vaut manger à la maison, où l'on sait que toutes les règles d'hygiène sont respectées. Ensuite, il n'y a pas d'interdiction formelle: il faut juste comme toujours réfléchir un peu et éviter de faire n'importe quoi. Il faut préférer les plats complètement cuits, s'assurer auprès du chef que notre viande est archi-cuite, ou prendre des plats de légumes crus en s'assurant qu'ils ont bien été lavés.

Pendant longtemps, j'ai fait un blocage complet sur le restaurant. Certes, si la viande est bien préparée, il n'y a aucun danger, mais pour moi le problème est ailleurs: si le chef est négligent et coupe son poulet avec un couteau, puis ne se lave pas les mains et manipule de la salade, alors la salade est potentiellement contaminée, et comme elle ne sera pas cuite, elle représente un risque. Et ce n'est qu'un exemple de ce qui peut "mal tourner". Cela n'en a pas l'air, mais la cuisine est quelque chose de très précis avec une attention au détail qui doit être constante... Surtout quand vos clients sont potentiellement immunosupprimés. Dans les grands restaurants, on peut quasiment être sur qu'ils respectent des standards d'hygiène drastiques, mais dans un restaurant de quartier, il est tout à fait permis d'en douter, et ayant eu une ou deux gastros bien carabinées aussi bien à Paris qu'à Seattle, je suis très très méfiant.

Ce n'est pas que je n'aime pas manger, bien au contraire, mais avec un peu d'huile de coude (surtout ceux de Celia, note de l'intéressée), on peut manger très bien à la maison, alors après c'est un calcul bénéfice/risque, et pour moi le bénéfice ne valait clairement pas le risque. Je connais un patient, d'une cinquantaine d'années, qui adorait aller au restaurant plusieurs fois par semaine. Dès que les trois mois sont passés, il s'est précipité au restaurant, quasiment tous les soirs. Il faisait attention à ce qu'il commandait, il allait dans des endroits réputés propres... Et deux semaines plus tard, il a fait une infection alimentaire pas piquée des hannetons, qui l'a envoyé aux urgences. La fièvre a déclenchée une crise majeure de GVHD qui a attaqué ses poumons, il s'est retrouvé en soins intensifs, il y a passé un mois, il a bien failli crever et il a perdu de façon définitive une partie de sa capacité pulmonaire. Tout ça pour un repas au restau. Quand j'ai entendu cette histoire, j'ai décidé que cela ne m'arriverait pas (d'ailleurs je ne suis jamais allé aux urgences post-transplantation, sauf après ma réaction suite aux vaccins, ce qui est assez rare). J'ai eu ma dose de chambre d’hôpital, merci bien, je n'ai pas envie d'y retourner pour un pauvre steak, fut-il mariné dans du saké et servi avec de la grenade et du gingembre (j'invente, mais ça ne me parait pas idiot, comme idée).

Au jour le jour, faire une croix sur les restaurants, cela ne m'a pas vraiment posé de problème. Celia aime beaucoup plus cela que moi, donc pour elle c'était une privation supplémentaire que je lui infligeais, et que j'ai essayé de compenser aux grandes occasions en l'invitant dans de très grands restaurants. Là où c'est devenu une contrainte, c'est quand nous avons recommencé à vouloir partir en week-end prolongé puis en vacances. Il est très rapidement difficile de voyager, même sur des distances courtes, si l'on refuse de manger quelque chose que l'on a pas préparé soi-même dans sa cuisine. Et particulièrement pour notre retour en France en Avril, c'était quasiment impossible de le faire avec cette contrainte, ou alors il aurait fallu rester cloitré en famille ce qui n'est quand même pas le but quand on est pas rentré au pays depuis deux ans. J'ai donc du trouver des moyens pour aller au restaurant l'esprit tranquille, en minimisant les risques au maximum.

La première chose à faire c'est évidement de bien choisir son restaurant. La différence principale de ma vie maintenant par rapport à celle pré-maladie, c'est qu'elle requiert de la préparation. Avant de sortir, il faut faire ses devoir, heureusement, avec Internet, il y a plein de moyens pour pouvoir en temps réel évaluer la qualité d'un établissement... Aux US, nous avons Yelp, par exemple. Regarder la carte avant d'entrer, aussi, histoire de vérifier qu'il y a bien des plats complètement cuits qui vont être commandables, mine de rien, ça m'est arrivé de me retrouver devant une carte où parmi une trentaine de trucs il n'y avait qu'un seul choix acceptable.

Ensuite le plus important c'est la communication avec le serveur. Malheureusement, c'est aussi le plus compliqué. Il faut arriver à expliquer rapidement que l'on a besoin que notre nourriture soit vraiment très bien cuite. Un steak, par exemple, ne doit pas avoir une trace de rose. Si vous demandez juste au serveur un steak bien cuit, déjà vous n'avez aucune garanties qu'il se rappelle de votre cuisson et la  transmette à la cuisine, ni que la cuisine la respecte, ni que leur conception de "bien cuit", corresponde à la votre (qui est un peu extrême, il faut bien l'avouer).  Pire, dans les grands restaurants, j'ai eu le cas d'un chef qui considérait que trop cuit, cela dénaturait le plat, et qui a donc servi son plat comme d'habitude en ignorant totalement ma requête.

Après quelques tentatives, j'ai donc commencé à ajouter à mon laïus que c'était pour des raisons médicales, que j'étais immunosupprimé. A ma grande surprise, cela n'a pas changé grand chose, j'ai même eu parfois des regards condescendants, incrédules, voir méprisants. Avec Celia, nous avons commencé à nous demander, si les gens ne pensaient pas que j'avais le sida. Auquel cas, la réaction des gens face à un malade du sida, c'est un peu triste, on sent un espèce de mépris, de rejet, de distance, c'est assez désagréable. Cela gênait beaucoup plus Celia que moi, d'ailleurs, moi je commence à avoir l'habitude que l'on me regarde comme un animal de foire parce que je suis différent, lorsque j'étais sans cheveux ni sourcils, ou lorsque je suis blafard, recouvert de crème solaire.

Récemment, après un n-ième plat demandé "cramé" qui arrive à peine cuit, nous avons fini par nous rendre à l'évidence. La seule solution pour capturer l'attention du serveur, c'est de sortir le mot magique: "cancer". Alors nous avons mis au point une phrase courte, qui explique complètement mon besoin en essayant de marquer l'esprit du serveur sans non plus tomber dans le mélo. Entendons-nous bien: je ne suis plus malade d'un cancer: je souffre de complications dues au traitement. Cependant, expliquer cela en une phrase simple, c'est quasiment impossible... Alors nous allons faire un raccourci pour la bonne cause. Voici la phrase. Bon, ça fait deux phrases, ok.

"Je suis actuellement en traitement pour un cancer, une leucémie, mon système immunitaire ne fonctionne pas bien. Du coup, il faut que tous mes plats soient parfaitement cuits, voir cramés, c'est très important".

C'est marrant, tu peux dire que tu es immunosupprimé, que c'est important, que tu prend des médicaments, pleins de trucs, on t'écoute à peine. Tu prononces le mot "cancer", et hop, magie, les gens t'accordent 100% de leur attention, tu sens qu'ils se mettent à dégouliner d'une espèce de compassion qui est en fait presque gerbante quand on sait qu'ils n'en ont rien à battre si tu leur expliques juste que tu es immunosupprimé. Je vous parait peut-être dur, mais c'est assez difficile de se rendre compte qu'il y a des maladies socialement acceptables, reconnues, qui déclenchent de la compassion et de la commisération de la part de nos semblables, et d'autres dont les gens n'ont absolument rien à carrer, voir qui génèrent du rejet ou... de l'amusement, de l'ironie déplacée (cela m'est arrivé). Cela rejoint ce que je disais sur les biais culturels dans les posts sur "Squaring the Circle", quelque part. Bref,  vous savez, après deux ans, je suis habitué, et je suis très pragmatique. L'important, c'est que cela marche et que mon plat arrive cuit à point, le reste c'est tout à fait secondaire.

Une petite anecdote amusante pour finir. Le week-end dernier, nous sommes allé au Bastille Day, une espèce de kermesse organisée par l'alliance française de Seattle je crois, avec pleins de magasins et de restaurants d'un quartier offrant des dégustations de vin etc. C'était d'ailleurs vraiment super classe et sympa, rien à voir avec les Bastille Day de 2009 et 2010 qui étaient vraiment nuls à chier, désolé de le dire si vous me lisez. Nous allons donc dans un restaurant français en fin de journée... Et là il apparait clairement que le serveur est marocain: nous commençons donc à parler en français. Je lui fais donc mon laïus, il me dit "Pas de problème, je vais en parler au chef, on s'occupe de tout". Et il part en cuisine. Parfait, me dis-je.

Quelques minutes plus tard, le serveur reviens, s'approche de notre table, et me demande: "Mais, vous jouez de quel instrument?
- Euh... Alors, il se trouve que je joue de la guitare, mais comment est-ce que  vous savez que je joue de la musique, c'est pas écrit sur ma figure quand même!
- Ben, pour le concert que vous allez faire, vous jouez d'un instrument, non?
- Mais quel concert?
- Ben, le concert dont vous m'avez parlé!"

Alors là, on a explosé de rire.

"Le CANCER, pas le CONCERT!"

Je vous jure, la tête du pauvre serveur, ça valait son pesant de pochettes de plaquettes (Sean, this one is for you man). Il était décomposé. Et moi, écroulé de rire. J'en ris encore, je me demande ce qui a bien pu se passer dans sa tête "Mais pourquoi il veut qu'on cuise bien ses trucs, peut-être qu'il veut pas avoir la courante pendant son concert...", hé hé hé! C'est d'autant plus drôle que la synchronicité est parfaite: cette méprise ne pouvait arriver que dans ce restaurant, ce jour là, vu qu'en anglais le mot concert a un T final qui n'est pas silencieux et que la méprise n'est donc pas possible. Ah, au moins on ri bien!

mercredi 17 juillet 2013

Un article publié dans Rue89

Juste un petit mot pour vous dire que j'ai un article publié sur Rue89, alors forcément je suis assez content!

L'article se trouve ici et est une version raccourcie d'un post du blog.

Voilà, c'est tout!

lundi 15 juillet 2013

Une soirée avec Ursula K. Le Guin III

Lorsque j'ai écrit le deuxième post sur ma soirée à une conférence d'Ursula K. Le Guin organisée à l'occasion de la sortie de sa traduction du magnifique livre "Squaring the Circle" de  Gheorghe Săsărman (que je vous recommande chaudement, soi dit en passant, et que vous pouvez trouver sur Amazon, oui je fais de la pub et je n'ai pas honte!) je pensais que cela serait le dernier post de la série, mais je me trompais. Il s'est depuis passé pas mal de choses vraiment super classes que je vais m'empresser de vous raconter.



La première, c'est un échange avec un ami qui m'a dit, en gros, que j'étais beaucoup plus "tranchant" dans ce post que d'habitude. J'ai l'habitude de dire clairement ce que je pense, mais avec toujours de " l'affection " pour ce dont je parle. Apparemment, ce n'était pas le cas dans ce post et c'est très probablement du au fait que je l'ai écrit à un moment où je n'allais pas très bien et où je souffrais de pas mal de douleurs chroniques. Mon ton s'en ressent clairement. Donc, je voulais préciser à toutes fins utiles que je n'ai absolument rien contre Ursula Le Guin, bien au contraire je suis carrément un fan, et que mon idée n'était absolument pas de faire son procès. J'ai juste été très marqué par le fait que nous sommes tous, y compris des intellectuels brillants, victimes de schémas de pensée qui tiennent du conditionnement culturel, du préjugé, voir parfois du lavage de cerveau, et que plus c'est énorme, moins nous nous en rendons compte.

Sinon, un truc absolument énorme s'est passé quelques jours après que j'ai publié le post en question: j'ai reçu un email de Mariano, le traducteur de la version espagnole qui a collaboré avec Le Guin sur cette traduction, qui est tombé dessus via Google. Et celui-ci a beaucoup aimé mon article, et s'est empressé de me faire parvenir un exemplaire de "Squaring the Circle", en PDF et en espagnol... Et donc avec le texte "censuré en question! J'en profite pour le remercier encore au passage de sa confiance.

Mieux que cela, il a en plus contacté Gheorghe Săsărman et lui a signalé mon post. Quelque jour plus tard, j'ai donc reçu une lettre de l'auteur! Je ne vous explique pas, j'étais comme une fan de Justin Bieber pendant un concert, j'ai cru défaillir et il a fallu m'apporter les sels... Ah, il m'en faut peu, parfois! Du coup, j'ai pu avoir une conversation avec lui, et ça c'est quand même carrément la classe. Il en a profité pour rectifier certaines imprécisions de mon post (je vais vous expliquer quoi après)... Et il m'a dit qu'il allait m'envoyer un exemplaire du livre, en français, oh, joie. Derechef, j'ai failli défaillir. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte: s'il m'envoie une copie du livre cela veut dire que c'est l'édition de 1992, une très petite édition par une maison qui a depuis fait faillite (feu les éditions Noël Blandin qui renaissent en 2012, la traduction est de Hélène Lenz)... Un livre super rare, donc! Outre l’intérêt littéraire, il y a donc aussi un intérêt pour le collectionneur que je suis. C'est NOËL. Et chose promise, chose due, peu après, j'ai reçu un joli paquet avec un magnifique exemplaire dédicacé, qui doit donc provenir de la collection personnelle de Mr. Săsărman, ce dont je suis infiniment reconnaissant. Je peux vous assurer qu'il est dans de bonne mains!



Alors, que ressort-il de mon échange avec Mr. Săsărman et de ma lecture de la nouvelle incriminée, "Virginia".

Premièrement, comme je le soupçonnais, même s'il est chagriné par cette polémique autour de cette nouvelle et de sa supposée misogynie, globalement, Mr Săsărman est ravi d'avoir pu travailler avec Mme Le Guin et de voir son travail traduit en anglais. Comme je le disais dans mon autre post, Mariano m'a encore confirmé que ce livre n'est vraiment pas évident à traduire, Mme Le Guin n'est pas toute jeune (d'ailleurs, je dis ça, c'est très malpoli de parler de l'âge d'une dame, et j'aimerai avoir sa vitalité à son âge!) et c'était un travail considérable, on peut donc la comprendre de ne pas avoir souhaité traduire une nouvelle qu'elle n'a pas aimé.

Ensuite, je parlais de l'ego de Mr.  Săsărman qui se serait moins fait censuré s'il avait décidé de se faire éditer sous l'étiquette moins surveillée de la science-fiction. Et bien j'ai été mauvaise langue, puisqu'il m'a confié qu'il s'agissait purement d'un choix de l'éditeur, sur lequel il n'avait eu aucune prise. Autant pour moi, et j'ai été un peu stupide, j'aurais du m'en douter.

Venons en à la nouvelle au cœur du débat. "Virginia" donc, est la ville des amazones (rappelez-vous, chaque nouvelle de "Squaring the Circle" décrit une ville). Si vous vous rappelez la mythologie grecque, cette tribu composée uniquement de femmes tuait ses enfants mâles quand elle en avait, volait des enfants aux autres tribus, et soi-disant ses guerrières se coupaient le sein droit pour pouvoir tirer à l'arc (ce dont on peut douter étant donné les risques majeurs de septicémie à l'époque, immunosupprimé que je suis frémis rien que d'y songer). Dans cette nouvelle, Antiope, reine des Amazones, frappée par Éros, tombe amoureuse et lors d'une nuit tragique (pour le père, qui se fait trucider par les amazones), conçoit un enfant. Elle essaie alors de réformer les traditions de Virginia, ville des vierges guerrières... Je ne sais pas si je dois vous raconter la fin, étant donné le peu de chances que vous tombiez dessus (je la mettrais dans les commentaires si vous le souhaitez)...

Rien de misogyne dans cette nouvelle à mon sens. La chute est drôle, toute la nouvelle est une variation sur le mythe des amazones donc j'ai un peu envie de dire que Mr Săsărman n'y est pour rien si c'est un mythe misogyne à la base (et encore, je ne vois pas ce qu'il y a de misogyne, les amazones c'est quand même le pinacle du "girl power"), il fait partie de la culture européenne et on peut difficilement taxer un auteur qui l'utiliserait à des fins littéraires de misogynie. Bref, encore une fois, je suis très surpris, vous savez je parle souvent des différences imperceptibles mais très précises et tranchées entre la culture européenne et américaine, et je pense que l'on est parfaitement dans un de ces exemples. Parler d'infanticide (les amazones tuaient les enfants mâles), de vierges qui se coupent les seins, de femmes, qui connaissent une fin tragique, ce sont des choses qui sont mal vues je pense dans la société US, il y a un espèce de tabou assez insensé sur ces thèmes quand on y pense. Je veux dire, bien sur, l'infanticide c'est mal, mais cela ne devrait pas impacter une nouvelle qui parle d'infanticide dans un contexte mythologique, sinon, où s'arrête le politiquement correct et où commence la censure?

En tout cas, je ne m'attendais pas à ce que mon post ait de telles conséquences et j'en suis très heureux. Ce mois de Juin a été difficile pour moi, mais je me faisais la réflexion que j'ai quand même une chance incroyable dans la maladie: ce qui m'intéresse le plus dans la vie, ce sont les livres et apprendre des choses. Tant que j'ai internet et de quoi lire, je ne serais jamais vraiment malheureux, et c'est une grande chance. Je connais des gens qui passaient leur temps dehors, des gens très actifs mais qui n'avaient que peu de loisirs culturels (je ne dis pas que c'est mal, c'est comme ça, c'est tout) et c'est surement beaucoup plus dur pour eux que pour moi quand ils se retrouvent plus ou moins assignés à résidence par la maladie.

Merci encore à Mariano Martin, Gheorghe Săsărman d'avoir pris le temps de me contacter, de répondre à mes questions et de m'envoyer ces cadeaux fabuleux, et surtout Mme Ursula K. Le Guin d'avoir traduit ce livre. C'est quand même, en ce qui me concerne, grâce à elle que tout à commencé.

jeudi 11 juillet 2013

Débat autour de la PMA et la recherche sur les cellules souches embryonnaires

Hier, j'étais tranquillement en train d'écrire un texte sur le fait que la transplantation m'a rendu stérile quand j'ai été aspiré dans un débat sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Forcément, on trouve tous les moyens d'échapper à quelque chose de pénible, et comme c'est un sujet connexe... J'ai été interpellé par quelques tweets des "anti", qui de part leur contenu m'ont assez vite fait soupçonner que j'allais être pour. Vous avez remarqué, comme parfois il suffit de regarder ce que défendent certaines personnes pour savoir ce que l'on a à défendre? Et bien ce n'est pas une très bonne chose, alors pour me sortir de ce cliché, j'ai commencé par aller faire mes devoirs et par me renseigner sur ce que c'est que la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Est-ce qu'on arrache des fœtus hurlants à la matrice palpitante de mamans éplorées? Ou est-ce que l'on prélève quelques cellules sur un embryon prêt à être implanté? Ni l'un ni l'autre ma bonne dame.

Pour bien comprendre ce que c'est, je vous recommande la lecture du texte suivant qui explique tout très bien et que je vais vous résumer: "la recherche sur les cellules souches et l’embryon : de quoi s’agit-il ?".

Très rapidement, lorsqu'un couple a recours à la PMA, plusieurs ovocytes sont fertilisés en même temps. Un seul d'entre eux est implanté, et les autres sont congelés en vu d'implantations ultérieures, soit en cas d'échec de l'implantation, ce qui est assez fréquent, soit pour faire d'autres enfants plus tard. Entendons nous bien: ce que l'on appelle embryon, c'est cet ovocyte qui vient juste d'être fertilisé. C'est un amas de quelques dizaines de cellules pluripotentes et pas encore un organisme vivant. Ce n'est pas un fœtus. Lorsque le couple décide qu'il ne veut plus d'enfants, ces embryons surnuméraires sont détruits.

Entre donc la recherche. Ces cellules pluripotentes sont capables de se différencier en un organisme complet, et je n'ai pas besoin de vous faire un dessin pour vous expliquer les applications que cela peut avoir. Puisque sur ce blog on parle de leucémie, et bien on peut tout à fait imaginer arriver à produire des cellules souches de moelle osseuse à partir de ces cellules pluripotentes, et ainsi pouvoir faire des transplantation sans avoir besoin de donneur et avec une compatibilité parfaite. Les applications sont gigantesques, le nombre de vies que l'on pourrait sauver est énorme et comme vous l'imaginez de par mon vécu cela me touche directement et je suis plutôt pour à la base, sans avoir pousser la réflexion très loin.

Alors forcément, cela soulève des tas de questions éthiques. "Mais ces embryons sont des êtres vivants", "Mais on ne peut pas faire de la recherche sur le vivant", "Mais on ne peut pas sacrifier des bébés pour en sauver d'autres", etc, etc....

Mais je voudrais souligner une chose: ces embryons sur lesquels on veut faire de la recherche vont être détruits. Ce sont peut-être, selon vos croyances, des êtres vivants, mais en l'état actuelle des choses ils vont être incinérés... Autant que dans leur mort, ils servent à quelque chose, à sauver des vies, vous ne croyez pas? Je ne sais pas, cela me parait une évidence presque mathématique. De plus, on demande l'avis des parents avant de donner ces embryons à la recherche. Si vous n'êtes pas d'accord, si cela heurte votre conception spirituelle du monde, ce n'est pas obligé... On est très loin du génocide organisé, c'est une possibilité qui est offerte aux parents de donner un sens à la destruction de ces embryons, pas une obligation... Enfin moi, c'est comme cela que je le vois.

Ceci étant, je comprend tout à fait que des gens puissent être contre le fait que l'on détruise des embryons, et donc contre la PMA: si vous croyez que l'âme s'incarne au moment de la rencontre entre le spermatozoïde et l'ovule, alors ces amas de cellules contiennent une âme et les mettre au frigo et détruire ceux qui ne sont pas utilisé, c'est détruire un être vivant. C'est la conception chrétienne, c'est aussi la conception taoïste. Et je vais reboucler sur mon vécu personnel pour illustrer.

Je suis donc maintenant stérile, à cause du traitement. Ma seule chance, pour avoir un enfant, c'est la PMA, car j'ai du sperme stocké, heureusement. J'ai reçu une éducation athée, pour moi, 20 cellules dans une boite de pétri, fussent-elle pluripotentes, ne sont pas un être humain et n'ont pas d'âme. D'ailleurs, personne n'a d'âme. En revanche, j'ai découvert le taoïsme sur le tard, j'ai fais des expériences spirituelles un peu déroutantes, et les taoïstes disent: au moment de la conception, un morceau d'âme s'incarne. Si je suis cohérent avec ma pratique, et j'essaie de l'être, cela veut dire que si j'ai recours à la PMA, je forcerai l'incarnation d'une dizaine de bouts d'âmes, pour les renvoyer tous d'où ils viennent quasiment aussi sec. Mouais. Dis comme ça, ça vous fait peut-être marrer, mais moi pas du tout, et c'est un réel cas de conscience que je me pose. Et au final je suspecte que je laisserai le dernier mot à ma femme, mais que je préférerai adopter. Par cohérence. J'ai pas encore bien décidé.

Ce que j'essaie de vous faire comprendre au travers de mon histoire c'est que la conception de ce qu'est une vie est largement personnelle et dictée par nos croyances. Je conçois que les pro-life soient contre l'avortement. Je le comprend tout à fait. Ce que je ne comprend pas, c'est qu'ils cherchent à l'imposer aux autres. Si vous ne voulez pas faire de la recherche sur vos embryons, ne les donnez pas à la recherche. Si vous ne voulez pas avorter, n'avortez pas. Si vous ne voulez pas avoir recours à la PMA... N'ayez pas recours à la PMA. Mais n’empêchez pas des gens, qui ont des valeurs et des croyances différentes des vôtres, de le faire. 

Au final, c'est cela qui m’énerve le plus dans l'attitude des anti. On a l'impression que les gens qui ont recours à la PMA sont des monstres qui tuent des bébés. Mais vous croyez que ça me fait marrer d'être stérile et de n'avoir que cela comme choix pour avoir un gamin? Vous croyez que je ne préférerai pas dire à ma femme "Viens cocotte, on va s'envoyer en l'air et faire un petit!" plutôt que "Bon, pour la journée à la clinique, tu préfères le 20, ou le 21?". Vous croyez que ça m'a fait marrer, de donner mon sperme, à moitié mourant,  avec une transfusion de sang dans le bras et 2 perfusions dans l'autre? Vous croyez que les gens ont recours à la PMA par choix, pour rigoler, par intérêt personnel? Vous n'arrivez pas à vous rendre compte de la souffrance colossale qu'il y a derrière ces choix? Pour des gens qui prétendent défendre les enfants, un tel manque d'empathie, c'est étonnant.

Alors, si grâce à la recherche, on peut donner un sens à toute cette souffrance, moi je suis POUR. C'est un choix que tout un chacun fera, en son âme et conscience.

mardi 9 juillet 2013

Médecine à l'ouest

Aujourd'hui, j'ai passé une bonne partie de la journée à la clinique pour une consultation avec le service de "suivi à long terme" (LTFU). Normalement ces consultations sont prévues pour les patients à 1, 2 puis 5 ans post transplantation et sont conçues de façon à assurer un suivi par une équipe spécialisée dans les conséquence des greffes de moelle pour les gens qui n'habitent pas Seattle et qui rentrent chez eux une fois la procédure terminée. Dans mon cas, c'est un peu différent, tout d'abord parce qu'avec mes symptômes de GVHD je suis suivi tous les 3 mois par cette équipe (en plus du suivi mensuel par mon hématologue), et un peu bancal puisque habitant à Seattle, je suis suivi au jour par une hématologue plus que compétente. Les consultations avec le LTFU font donc un peu double emploi, mais c'est en général un bon moyen d'avoir un bilan général et de couvrir des choses que l'on ne couvre pas d'habitude, comme la fonction pulmonaire et l'état des os. Cela ouvre aussi potentiellement à de nouvelles idées de thérapie.

Pourtant, aujourd'hui, je suis sorti dans une colère noire de mon rendez-vous.

Pour vous résumer un peu la situation, nous sommes actuellement en train de tester si un médicament, dasatinib, ne serait pas à l'origine d'une partie de mes symptômes, en particuliers des douleurs chroniques que j'ai dans les articulations et de la fatigue qui est revenue de façon importante au cours de ces derniers mois.

Lors de la consultation, je fais donc d'abord un résumé à un interne. Celui-ci m'explique avec conviction qu'il ne croit  pas que mes douleurs soient dues à dasatinib (malgré le fait que j'ai tous les autres effets secondaire de ce médicament à des niveaux variés), et que pour lui c'est du à un autre médicament que je prend, sirolimus, médicament qu'il "déteste". Alors bon, pour parler très clair, déjà, ça commence à salement me gaver quand un médecin débarque comme ça, sort une idée d'on ne sait où que personne d'autre n'a eu alors qu'il y a plein d'explications qui ont bien plus de sens, sans que l'on sache trop d'où ça lui vient.

Néanmoins, j'essaie de garder l'esprit ouvert: c'est vrai que mes douleurs articulaires, qui étaient déjà très pénibles avant de passer à sirolimus ont complètement crevé le plafond depuis Avril, et l'on peut suspecter une influence de ce médicament. Mais on sait aussi que dasatinib et sirolimus interagissent entre eux, et qu'il est plus que probable que le sirolimus ai en fait fait empirer les effets secondaires de dasatinib. Bref, j'essaie de lui accorder le bénéfice du doute, mais je suis très sceptique. Un argument en sa faveur: cela fait 14 jours que je n'ai pas pris dasatinib et mes douleurs n'ont pas vraiment diminué, alors que cela devrait normalement avoir pris moins d'une semaine pour évoluer. Mais bon, chaque personne ayant un métabolisme différent, c'est un peu tôt pour tirer des conclusions.

Je mentionne au passage que depuis deux jours, il me semble que j'ai un peu moins mal aux genoux et aux chevilles. Chose qui pourrait être du à l'arrêt de dasatinib, ou purement circonstanciel, cela arrive qu'à force d'attention sur ma posture, j'arrive à ne pas me déglinguer. Bref, pour moi, deux jours, ce n'est rien. Sur ce, l'interne prend congé et va chercher sa supérieure qui va statuer sur mon cas.

20 minutes plus tard, celle-ci entre dans la pièce avec sa suite (dont l'interne), et après les formalités d'usage, me lance de but en blanc: "Bon, alors ça à l'air d'aller plutôt bien non?".

J'ai cru que j'allais la bouffer. Je l'ai regardé complètement effaré:
"Pardon?
- Et bien, d'après ce que vous nous dites, cela s'améliore non?"

La j'ai pété un plomb. Je lui ai répondu comme si elle était complètement stupide: "Vraiment, de tout ce que je viens de vous raconter, c'est ça que vous avez compris et retenu? Le morceau ou je vous disais que samedi encore je me suis levé avec une migraine tellement douloureuse qu'elle me donnait envie de vomir, que je n'ai réussi à faire passer qu'avec une combinaison sympathique de paracétamol et de narcotiques, ça vous a donné l'impression que cela allait mieux?"

J'étais, et je suis encore, complètement furax.  J'ai passé quasiment un jour par semaine à la clinique en Juin à cause de ces problèmes. Je suis crevé physiquement pour une raison que l'on ignore (probablement dasatinib et la réduction de la prednisone), et nerveusement, à cause de la douleur permanente qui me bouffe mon énergie mentale. Cela fait un mois que je n'ai pas fait de taichi à cause de ces symptômes, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Et là, je dis que j'ai deux jours de mieux, et le doc débarque comme une fleur, "Bon, ben ça à l'air de s'améliorer, non?". Peut-être, je n'en sais rien, c'est trop tôt pour le dire, et même si c'est le cas, il reste encore tous les immunosuppresseurs à retirer sans que l'on ai la moindre idée de ce que cela va donner (et aux dernières nouvelles, c'est à dire la réduction de la prednisone de juin, je ne suis pas forcément sorti de l'auberge), et sans compter les innombrables renversements de situations imprévisibles auxquels nous commençons à nous habituer.

Plusieurs choses me viennent à l'esprit. Premièrement je ne suis pas bien sûr d'avoir envie de me faire soigner par un médecin qui au travers de ce qui je lui raconte n'arrive pas à reconnaitre la "détresse" mentale dans laquelle je suis. Et je ne m'attend pas à ce qu'on me tienne la main en pleurant, mais simplement que l'on reconnaisse ma souffrance pour ce qu'elle est et qu'on la prenne en compte, même si je suis bien conscient d'être plutôt bien loti par rapport à certains. Si elle arrive à être autant à coté de la plaque sur où j'en suis dans ma tête et dans mon quotidien, comment puis-je lui faire confiance dans les décisions qu'elle va prendre sur mon traitement? D'ailleurs, elle a fait des changements, et bingo, je n'ai aucune confiance, et je vais attendre la confirmation de mon hématologue.

Deuxièmement, c'est vraiment un truc qui commence à profondément m'irriter dans l'approche occidentale de la médecine. Cet espèce de manque de recul sur la vie quotidienne du patient, cette réduction permanente à des chiffres... Manque de pot pour moi, enfin non, j'ai du bol d'ailleurs, je ne vais pas me plaindre d'avoir un bon bilan sanguin... Mais la douleur et la fatigue ne se mesurent pas dans une prise de sang. Elles se voient, quand je commence à boiter après une heure de shopping avec Celia, quand j'évite des escaliers parce que j'ai trop mal aux genoux ou quand je m'endors au volant et que je suis réveillé parce que j'ai roulé sur le trottoir, heureusement désert.

J'ai presque parfois l'impression que je serais mieux pris en charge, et que j'aurais moins de problèmes avec les assurances, si je pissais le sang en permanence comme au début. Alors, non, je ne le souhaite évidement pas. Mais je suis tellement en colère vous ne pouvez pas savoir. J'en suis réduit à demander à Celia de venir avec moi chez le médecin pour qu'elle puisse aussi parler de l'état dans lequel la douleur me met parfois, afin d'appuyer ce que je raconte, afin de bien démontrer que je ne suis pas en train d'affabuler et de donner de la perspective à mes propos et c'est vraiment dommage d'avoir à en arriver là.

Voilà, j'arrête la pour aujourd'hui. C'était ma gueulante, et je voudrais d'ailleurs souligner que c'est excessivement rare que j'ai quoi que ce soit à redire sur les soins que je reçois à Seattle. Et sinon, je voulais aussi souligner qu'effectivement, je vais plutôt bien et je suis heureux d'être en vie, et de la vie que je vis, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Je veux juste que l'on se rende compte de mes limitations et que l'on n'attende pas plus de moi que ce que je peux fournir, c'est tout.

Ah non, petite perle bonus, où je me suis un peu énervé encore une fois. Je dis en blaguant au médecin que j'ai parfois un peu mal à la gorge quand j'avale 15 pilules à la fois. Et là elle me regarde comme si j'étais débile en me demandant pourquoi je fais ça. Tout simplement parce que quand tu prends 15 pilules tous les jours, deux fois par jour, depuis deux ans, et bien tu trouves un moyen de le faire rapidement. Je ne le fais pas pour me marrer, figurez-vous. Je vous invite à essayer, avant de poser des questions idiotes. Et je vous souhaite bienvenue dans mon monde.

Oh, et pour finir, au cas ou vous vous demanderiez: très souvent, quand j'arrive chez le médecin, je ne souffre pas beaucoup, car d'une part je viens de prendre des antalgiques, et d'autre part en général, c'est le matin après le réveil. Or mon état empire graduellement au cours de la journée, en général en fonction de mon activité. D'où aussi la difficulté à faire constater l'état de décomposition qui peut-être le mien après une journée un peu chargée, puisque cela progresse au cours de la journée.

lundi 1 juillet 2013

Deep Fried Peanut Butter and Jelly Sandwich

Vous savez peut-être que le PB&J, c'est à dire le sandwich au beurre de cacahuète et à la confiture, est l'une des bases de l'alimentation de beaucoup de gamins américains (et, d'ailleurs, de beaucoup d'adultes). En France, on connait assez peu le beurre de cacahuète, notre paysage en terme de pâte à tartiner étant dominé par le sacro-saint Nutella.

Personnellement j'adore le beurre de cacahuètes, ayant découvert assez jeune lors de voyages en Angleterre, et cela a toujours fait partie de mon alimentation, de façon assez marginale ceci étant. Pour ceux que cela révulse, et je sais qu'ils sont nombreux, je vous invite à regarder ce qu'il y a dans le Nutella: je peux vous assurer que du beurre de cacahuète (c'est à dire essentiellement des cacahuètes broyées), c'est bien plus naturel et bien meilleur pour la santé, et c'est une excellente source de protéines végétales, de bonnes graisses, de glucides... D'ailleurs c'est une bonne source de protéines pour les végétariens, que l'on peut rajouter dans des légumes cuisinés au wok, par exemple.

En revanche, c'est comme  tout: il ne faut pas faire n'importe quoi. Une tartine de beurre de cacahuètes c'est meilleur pour la santé qu'une tartine de Nutella certes, mais donner, et ce de façon régulière, à son gamin, un sandwich constitué de deux tranches de pains, d'une couche de confiture de fraises et d'une couche de beurre de cacahuètes, c'est de l'hérésie pure et simple. Certes, c'est rapide à faire, certes sur le papier, cela couvre les besoins d'un repas en terme d'apport en graisses, protéines et glucides (et ce de façon assez équilibrée, d'ailleurs) mais il faut bien avoir conscience que c'est complètement déficient en vitamines et nutriments de toutes sortes, en fibres, et que cela contient bien trop de sucre. Cela dépanne, c'est parfait pour une randonnée, mais manger cela régulièrement, c'est commettre un crime contre soi-même ou contre ses enfants, et je pèse mes mots. Sans parler de l'effet éducatif que cela a sur les moutards, en les habituant à des saveurs simples alors qu'il faut les habituer à des saveurs les plus complexes possibles si l'on veut les habituer à manger sainement.

Bref, dans l'absolu, je n'ai rien contre un bon PB&J, j'aime même plutôt ça, du moment que cela reste exceptionnel. Mais la semaine dernière, lors de Fremont Fair, sorte de grosse kermesse de quartier, nous sommes à nouveau tombé devant le vendeur de Deep Fried PB&J. Le principe est simple: comme le fait de frire rend tout meilleur, si un PB&J c'est bon, alors un PB&J frit, cela doit être succulent. Chaque année, c'est la même blague: nous passons devant le stand de ce vendeur, en se disant que c'est n'importe quoi, que c'est immonde, que les américains sont vraiment complètement cinglés, et qu'un jour, avant de rentrer au pays, il va quand même falloir que l'on teste, histoire de ne pas mourir idiots. Alors ce coup-ci j'ai décidé que nous allions tester, en plus l'avantage du truc frit, c'est que je suis sûr que boui-boui ou pas, je peux manger!

Nous passons donc commande d'un unique sandwich pour nous deux, et pendant que nous attendons notre commande, je surprend la conversation d'un employé du stand, qui s'avère en fait être le propriétaire, qui raconte à un quidam la genèse de son business. En gros, il y a 6 ans, un de ses amis lui a fait gouter un PB&J frit, et là, ça a été la révélation, l'amour fou, il ne pouvait plus s'arrêter d'en manger. Il a trouvé cela tellement bon qu'il a décidé d'en faire son business: il a investi tout son argent dans la fabrication d'un stand (il suffit d'une friteuse, et de matière première), et il a commencé à écumer toutes les "Fair" de la région, qui pullulent pendant l'été. Son stand proposant la nourriture la plus décadente qui soit, il est comme de juste très rapidement devenu une attraction locale, avec une file d'attente de malade: cela attire à la fois les gens qui comme nous veulent "juste tester", et les pires amateurs de junk food, donc cela gagne sur tout les tableaux... Le gars a globalement "fait fortune". Enfin son business marche extremement bien quoi. 

Maintenant, relisez cette histoire en vous disant que le gars en question fait à peu près ma taille (1m90), mais qu'il devait peser au bas mot 200 kilos. Sans mentir, il avait les yeux cyanosés, à moitié fermés par la fatigue de juste se tenir debout. Quand il s'est éloigné, c'était en suant et soufflant, avec la plus grande difficulté. Il était l'exemple même de ce qu'est l'expression "obésité morbide", au sens obésité avec conséquence fatale à court terme. Et ce mec, avec fierté, expliquait à qui voulait l'entendre que ses sandwich étaient les meilleurs du monde, apparemment sans se rendre compte que son gagne pain est littéralement en train de le tuer, et même pas à petit feu mais à vitesse grand V. The American Dream: dollars and heart attacks. Please have a second serving.

Et ce sandwich donc, cela valait quoi? Et bien admirez:



Franchement, je n'ai pas trouvé cela terrible. Ok, on est programmé génétiquement pour tout aimer la dedans, la graisse, le sucre... Mais là, c'est juste trop, il y a un espèce de dégout qui s'installe, je ne sais pas c'est peut-être parce que je suis un bouffeur de céleri, mais là c'est vraiment trop de chez trop de tout... Et d'ailleurs, pour vous montrer que l'on est cohérents, après avoir tout les deux testé et décidé que franchement, c'était pas terrible, nous l'avons juste jeté. A tester, une fois comme cela pour rigoler, ça c'est sur! Mais je crois que rien n'a jamais autant mérité le sobriquet de "Crise Cardiaque dans une Assiette".


Ah oui, un dernier truc amusant: ici, le beurre de cacahuète est connu pour être une friandise dont raffolent les...chiens! Donc on trouve pleins de jouets dans lesquels on peut mettre un peu de beurre de cacahuète, que le chien doit ensuite mordre pour exprimer. C'est aussi très utilisé comme récompense par les dresseurs!

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