Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mardi 7 mai 2013

Crottes de chiens, clopes et harcèlement de rue III

Après la clope et les crottes de chien, passons au harcèlement de rue:

Qu'y a-t-il de commun entre ces 3 sujets, allez-vous me dire? C'est très simple: d'une part le fait qu'aux US, à Seattle en tout cas, ce sont des phénomènes très rares, alors qu'ils m'ont agressé quasiment immédiatement en France; et le fait qu'il y a une tolérance 0 aux US dans la loi comme dans les faits alors qu'en France on est plutôt coulant d'autre part. Mon point étant que les deux sont peut-être bien liés, le hasard comme par hasard, mais on y reviendra.

Le harcèlement de rue, donc.

Avant de venir en France, j'avais vu sur le web quelques reportages, comme celui de cette belge qui avait filmé son quotidien dans les rues de Bruxelles, ou l'enquête (un peu boiteuse mais néanmoins globalement intéressante) réalisée par "Envoyé Spécial" sur le même sujet.  Forcément, j'étais légèrement effaré, d'autant que je ne me rappelais pas que cela soit si pire à Paris (en même temps, j'ai jamais été une fille, jusqu'à preuve du contraire). A Seattle, je n'ai jamais, mais alors jamais, vu ce genre d'attitude. Bon, c'est une ville plutôt calme (sauf quand un gars pète un plomb et dessoude ses voisins, mais passons), n'empêche que ça reste une grande ville et qu'en plus nous vivons dans un des quartiers les plus ... "vivants", on va dire (U-District). J'étais donc assez curieux de voir comment cela se passe à Paris de mes yeux, sans être influencé par le prisme déformant des médias grand public.

Et, comme pour la clope et les crottes de chien, je n'ai pas été déçu, puisqu'il m'a fallu une seule petite journée à Paris pour assister à un magnifique exemple de harcèlement de rue. La scène se passe près du centre Georges Pompidou, nous sommes en train de faire du lèche vitrine. Passe une jolie fille en vélib', entre nous et un groupe de jeunes d'une vingtaines d'années. L'un d'entre eux se met alors en travers de sa route en criant "Arretez-vous Mademoiselle, contrôle des papiers", la forçant à faire une embardée provoquant presque sa chute, pour éviter de s'encastrer dans l'importun. Au passage, c'est un des trucs qui fait que j'ai confiance dans l'être humain, la caractéristique des cons étant quand même qu'en osant tout, ils finirons bien par s'éteindre d'eux même. J'aurais bien ri si elle avait juste continué en le percutant délibérément, 60 kilos de nana + vélib' lancé a 15km/h, ça doit quand même avoir une vertu pédagogique certaine. Je vois déjà venir qui vont dire, "Mais ce n'est pas méchant, faut pas délirer", je vous arrête tout de suite, quand c'est 10 fois par jour, forcément, ça impacte votre vie et votre comportement et c'est donc juste intolérable.

Cela m'a d'autant plus choqué que comme je vous le disais, il nous a fallu 1 jour à Paris pour voir cette scène alors qu'en 4 ans à Seattle je n'ai jamais vu ce genre de comportement. Vous êtes peut-être habitués et désensibilisés, je ne sais pas, mais quand on sort d'un environnement où ce genre de comportement n'existe tout bonnement pas, forcément, cela fait un peu une douche froide.

Alors j'ai lu plein d'explications au développement de ce phénomène, certaines intéressantes, certaines nauséabondes, et parmi ces discussions virtuelles, un nombre non négligeable de gens considérant que "bon, encore, ça va". Comme par hasard, par des mecs.

Forcément, la comparaison avec les US et particulièrement les lois sur le harcèlement sexuel, pour quelqu'un qui y a vécu, vient immédiatement à l'esprit. Quand j'ai commencé à travailler ici, un des trucs qui m'a le plus choqué c'est le cours de prévention du harcèlement sexuel systématique auquel doit se soumettre chaque nouvel employé. Cours en vidéo de deux heures, avec examen à la fin pour s'assurer que tu as bien compris, où l'on t'explique avec force détails que la moindre blague à connotation sexiste ou religieuse peut te faire virer si une personne qui l'entend s'estime "offended" et se plaint, et ou l'on t'explique les moultes problèmes cornéliens qu'en tant que jeune cadre dynamique tu peux avoir: est-ce que tu donnes une promotion à ta jeune et jolie assistante (avec qui il se trouve que tu couches de temps en temps, parce que bon, on se refait pas), on peut alors t'accuser de promotion canapé, ou pas, auquel cas tu peux potentiellement te faire accuser de discrimination sexuelle? Pas simple, en tout cas on retient bien la règle fondamentale: "No zob in job", sinon, c'est une route pavée d'emmerdes qui t'attend, avec, au bout, la porte. Et c'est pareil pour l'humour, en fait. Il faut faire très très attention, parce que si la mauvaise blague tombe dans les mauvais oreilles, tu DÉGAGES dans la journée. Ici pas de CDI, la sanction est rapide, sans pitié ni appel.

Au quotidien, c'est pas évident à vivre, je vous assure. Dans le cadre professionnel, mais aussi avec mes amis, qui sont de toute façon tous plus ou moins issus du cercle professionnel de l'un ou de l'autre, je suis toujours en train de surveiller ce que je raconte afin de ne pas faire une blague un tant soi peu osée ou limite qui choquerait la sensibilité de quelqu'un. C'est assez épuisant, d'autant que j'aime bien les blagues super limites. Et laissez moi vous dire que c'est dur de tisser des liens avec les gens quand on est en permanence en train de surveiller ce que l'on dit. Même avoir un comportement un peu charmeur, avec élégance et légèreté, ce qui, à mon avis, met un peu de joie dans le quotidien et peut fluidifier un peu les relations guindées et formatées, franchement, j'évite maintenant, de peur que quelqu'un de mal luné ne l'interprète pas bien. Sauf avec les infirmières et mon docteur qui méritent bien qu'on leur fasse tout les sourires du monde.

Mais, parce qu'il y a un mais, cette intolérance totale pour tout sexisme ou discrimination quel qu'il soit dans la vie publique américaine, pour oppressante et aberrante qu'elle soit pour nous autres latins, contribue surement au fait que les harcèlements dont je vous parlais au début de ce post sont tout bonnement impensables ici. Tout le monde se lèverait comme un seul homme contre le harceleur et pour défendre la victime. La question ne se poserait même pas, c'est ancré dans la norme sociale que cela ne se fait pas, et que c'est inacceptable. Du coup, c'est beaucoup plus reposant, il me semble, d'être une jeune femme ici, puisqu'on ne se fait jamais importuner.

Alors je suis conscient que l'on a des réalités en termes de cultures et de population qui sont très différentes et qui influent très fortement sur ce problème et que je compare des choses au final difficilement comparables... Mais mon but justement, c'est d'essayer de proposer une lecture différente, un autre angle d'attaque sur ce thème, en espérant qu'en changeant de point de vue, justement, on y voit plus clair.

7 commentaires:

  1. Malheureusement ce genre de reaction en France en entreprise est tres courante... J'en ai entendu parler bcp autour de moi - surttt des hommes vers les femmes. Vivre aux USA est un bien pour ce genre de comportement car c'est toleration zero.

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  2. Intéressant ! Autre pays, autre éducation. Le respect des lois (parce qu'aux USA elles sont appliquées) mais peut-être aussi le caractère procédurier local y sont sans doute pour beaucoup. Dans les Emirats Arabes Unis par exemple (tolérance zéro aussi) ils ont réglé le problème différemment : il y a dans le métro une voiture réservée aux femmes, ainsi que dans le bus la section avant, et un jour de la semaine pour la plage, la piscine, etc. Libre aux femmes de choisir la mixité ou non, ce n'est pas interdit, à leurs risques sans doute. Cela dit ce sont des pays où je n'ai jamais été importunée.

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  3. Moi ce sont les agressions dans le metro qui m avaient choque...Quant a la tolerance ZERO , y a qu a demander a DSK , il en a fait les frais!!! En France , son droit de cuissage il l exercait en toute impunite.
    Ici l entrprise DOIT eduquer les employes , car en cas de harcelement sexuel, cela coute TRES cher ...Money talks.

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  4. Le commentaire précédent me rappelle mon entretien d'embauche avec le psy de ma compagnie aérienne : "Combien d'amants avez-vous eus ?" ; "Vous savez que le commandant de bord a droit de cuissage sur ses hôtesses, comment réagissez-vous s'il vous demande de coucher avec lui ?"... et j'en passe. J'ai vécu cet interrogatoire comme du harcèlement tout autant que si c'était lui qui m'avait proposé de coucher avec lui pour qu'il valide mon embauche ! Quant à la réalité elle est tout autre. Il ne faut pas fantasmer sur le sujet et croire tout ce qu'on raconte sur la profession de navigant. Il ne s'y passe ni plus ni moins de choses qu'ailleurs !

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  5. Loic, c est le contraste entre la reglementation maniaque a l americaine, les interdictions de toute sorte, les reglements detailles, les pancartes partout etc,tout etant parfaitement respecte par le citoyen US car quand tu vois le flic Us tu te calmes, ils n hesitent pas a sortir le flingue...donc c est ce contraste avec l incivilite du Frenchie , y a un panneau d interdiction de psser, il pisse dessus...Quant aux ramassages des merdes de chiens, appelees dejections canines!!!! j en ai parle, du pourquoi pas les ramasser...Alors que c est la loi...Reponse, On paye des impots...
    Je ne sais pas exactement le budget de la ville de Paris pour les voiturettes equipees pour ramasser les merdes de chiens...mais c est enorme...
    Un espoir, si on fisait la correlation entre epidemies et crottes de chiens...Peut etre le Frenchie se pliera en deux pour les ramasser...
    VI la France c est le Gros merdier...Mais qu est qu on y est bien!!!!

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  6. Loic, y a de l espoir
    La croisade anti crottes!!!!
    http://languedoc-roussillon.france3.fr/2013/03/13/perpignan-haro-sur-les-crottes-de-chien-215631.html

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  7. En tant que femme, je m'étonne de ne même plus être choquée par le harcèlement de rue que tu décris. Ca m'arrive régulièrement, ça m'est toujours arrivé, j'y suis habituée. Quand c'est gentil, j'ai pris l'habitude de répondre par un sourire ou un bonjour, le harceleur est content et ça s'arrête là. Quand je ne réagis pas, ça finit souvent en insulte, c'est vrai. Mais j'ai trouvé une sorte de parade pour les endroits à harcèlement chiant (mots agressifs, plusieurs personnes...) : je téléphone. J'appelle ça mes appels "compagnon de route". Le plus souvent, j'appelle une de mes soeurs, je lui dit que c'est un appel compagnon de route et on papote de tout et de rien pendant que je passe dans un coin pas terrible. C'est assez efficace.

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