Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mercredi 9 mai 2012

Quelques notes sur l'emploi aux US

Au vu des réactions concernant mon licenciement et le post que j'ai écrit à ce sujet, je pense qu'il y a plusieurs choses à éclaircir quant à l'emploi aux US, avant de vous parler plus avant de comment je m'en sors moi.

Une petite mise en garde pour commencer: mon expérience du travail aux US est forcément particulière. Je suis très qualifié, dans une région avec énormément de travail pour des ingénieurs informaticiens... Ce que je vais vous raconter ne s'applique donc peut-être pas pour une femme ayant quatre enfants vendeuse dans un supermarché du fin fond de l'Alabama... Je ne peux vous parler que de ce que je connais.

Tout d'abord, il faut rappeler que la notion de contrat à durée indéterminée n'existe à ma connaissance pas, sauf peut-être pour les emplois fédéraux (nos fonctionnaires) mais je n'en suis pas sûr.

Ici, un emploi à temps plein, l'équivalent social du CDI français, est un emploi où l'on peut se faire virer du jour au lendemain, voir d'une minute à l'autre. Contrepartie, on peut aussi quitter un job sans aucun préavis, même si en pratique il est courant de donner deux semaines par politesse et ce d'un coté comme de l'autre.

Ce qui ne veut pas dire qu'on se fait virer dès que l'on dit un mot de travers à son supérieur, bien au contraire!

Il faut bien comprendre qu'un employé, c'est 3 mois de formation avant qu'il ne soit efficace. Un recrutement, dans mon secteur, cela a un coût total qui doit aller chercher dans les 50k$: annonces, entretiens, salaire d'une nouvelle recrue qui apprend, temps des membres de l'équipe qui se chargent de la formation, erreurs diverses inévitables chez quelqu'un sans expérience. Bref, cela n'a aucun intérêt de recruter quelqu'un, de le former et de le virer au bout de 6 mois sur un coup de tête.

En pratique, dans mon entreprise, je n'ai vu qu'un licenciement "guillotine", où un gars est sorti de réunion, et a fait ses valises. Je vais schématiser un peu parce que je ne connais pas tous les détails, mais en gros le gars en question était connu pour son tempérament, que l'on tolérait car il était compétent. Un jour il a pété un plomb en réunion et a insulté un collègue. La sanction a été immédiate et justifiée.

Pour tout vous dire, l'immense majorité des employés de mon (ex) entreprise ont plus de 5 ans de boite: on ne vire pas un employé formé et efficace, et l'on ne quitte pas facilement un boulot ou l'ancienneté procure des avantages (plus de vacances notamment, un jour de plus par an en général), et ou l'on a une couverture santé. Car la couverture santé, aux US, est essentiellement dépendante du travail et hors de prix pour les professions libérales et les chomeurs (environ 150$ par mois pour un employé, 700$ pour un particulier, l'entreprise paye la différence).

C'est un paradoxe d'ailleurs: aux US, l'entrepreneuriat est roi et il n'y a pas un seul américain qui ne rêve de monter LE nouveau facebook, mais se lancer en solo cela veut dire une grosse pression financière si l'on veut avoir son assurance santé, ou alors une prise de risque que je trouve déraisonnable (faire sans). D’où aussi l'attachement des américains au mariage, qui permet entre autre de bénéficier de l'assurance santé de son conjoint. D’où aussi pourquoi le chômage, pourtant moins élevé qu'en France, a des conséquences dramatiques.

Au final, l'absence du concept de CDI a des avantages comme des inconvénients: aux US, il est ainsi en général plus facile de trouver un travail car le risque est moindre pour l'employeur. Les petites entreprises en particulier peuvent prendre des risques impossibles à prendre pour une boite française, ce qui explique d'ailleurs peut-être en partie pourquoi il y a tant de start-ups aux U.S par rapport à la France. On peut embaucher un ingénieur et le virer si les commandes ne sont pas au rendez-vous, ce qui peut être un bonne chose, pour l'employé comme pour l'employeur. En revanche, si votre boite décide de délocaliser en Inde, et ce malgré des profits honteux, vous n'avez aucun recours... Il n'y a pas que du bon, c'est évident!

 Il faut quand même noter que le chômage aux US est traditionnellement bas: 4 à 5% en temps normal, 10% au moment de la crise, 8% actuellement... Il y a donc surement des leçons à en tirer. Comme toujours il y a du positif, et du négatif (comme le risque de se trouver sans couverture santé décente si l'on se retrouve au chomage). C'est très complexe et je ne fais qu’effleurer le sujet...

8 commentaires:

  1. Tu oublies aussi de dire que le chômage est bas entre autres « grâce » à un salaire minimum très bas lui aussi... :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. intéressant!

      Quelques chiffres: salaire minimum fédéral: 7.25$/h. Cailfornie: 9.79. Washington 8.55$/h.

      En france, c'est 9.22euros/h (mais pour 35h, donc en fin de mois la différence diminue.

      Si l'on suit le taux de change, 9.22euros ca fait environ 12$ de l'heure, mais dans la vie de tous les jours, on peut globalement dire 1$ = 1e donc la différence n'est pas si énorme... D'autre part, si j'en crois wikipedia: "Le nombre de personnes payées au salaire minimum (essentiellement des femmes) est en baisse ; entre 1997 et 2004, il a chuté de 2,8 millions aux États-Unis pour ne représenter que 1,4 % de la population salariée aujourd'hui."

      Bref, c'est plus compliqué que ca je pense :)

      Supprimer
    2. Tout a fait d'accord. La notion de "salaire minimum" n'a pas beaucoup de sens aux Etats-Unis (1,5% de la population). En général, les salaires sont (beaucoup) plus élevés qu'en France dans les secteur "d'avenir"... plus faible dans les secteurs en perte de vitesse. Cela rend la main d'oeuvre plus fluide, et l'économie américaine beaucoup plus réactive : il n'est pas rare de changer de branche au gré des offres d'emploi (et de salaire !), les recruteurs sont beaucoup moins regardants sur "l'expérience dans le seccteur" qu'en France, et les entreprises investissent beaucoup plus en formation.
      Au prix bien sûr, d'une bien moindre "sécurité de l'emploi" (dans une même entreprise).

      J'aime bien cet article ! Très informatif et dénué de jugement idéologique. Si seulement on pouvait aborder le débat de l'emploi en France dans le même esprit !

      Supprimer
    3. Tout à fait d'accord et merci!

      Supprimer
  2. Concernant les emplois federaux, d'apres mon experience beaucoup sont egalement des CDDs renouvelables... Souvent renouveles, mais pas toujours, l'opacite entretenue des procedures permettant opportunement de deguiser "on ne veut pas" en "on ne peut pas". Ca fait quand meme drole de voir quelqu'un emballer le contenu du bureau d'un collegue dans des cartons parce qu'on a "besoin de la place" apres un depart un peu precipite.

    RépondreSupprimer
  3. Tres informatif ! Tres bien ecrit, tres simplement et sans jugement ideologique/politique comme l'a dit une precedente personne. Je te suis depuis qq temps et j'avoue que tu es une personne qui doit valoir la peine d'etre connue!!
    Yas

    RépondreSupprimer

Un petit mot fait toujours plaisir!
Si vous ne savez pas quoi choisir dans la liste déroulante, choisissez "Nom/Url". L'url est optionnelle.

Search Results


Free Blogger Templates by Isnaini Dot Com and Architecture. Heavily modified beyond all recognition by Lo�c. Social icons by plugolabs.com .Powered by Blogger