Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mercredi 30 mars 2011

Le diagnostic de la leucémie, partie I

Cela fait un moment que je rumine une série de posts sur le système de santé américain et vous vous doutez peut-être que le ton général allait être gratiné, très gratiné même. Et puis je suis tombé malade et la qualité des soins que j'ai reçu me force à nuancer, à revoir certaines de mes positions. J'ai même maintenant des scrupules à vilipender un système qui m'a globalement "sauvé la vie" (dans le sens, empêché de claquer à court terme, je ne suis pas guéri) en un temps record.

Je vous avoue d'ailleurs que je n'ai pas vraiment envie de me lancer dans un post type dissertation aujourd'hui, donc je vais vous raconter ma journée du mardi 8 mars histoire de vous donner une idée des bons cotés de ce système tant critiqué. On reparlera plus tard du système en temps que tel de façon plus globale une autre fois.

Mardi 8 mars donc.

La journée démarre de façon presque normale: lever, douche, bus, arrivée à 8h45 au boulot, je prépare notre réunion hebdomadaire. Globalement, j'ai la pêche: toujours cette satanée fatigue qui me mine, mais je suis plutôt de bon poil et le cerveau carbure comme d'habitude. Je suis avachi comme une loque sur ma chaise, mais je suis dispo intellectuellement, ce qui est l'essentiel dans mon travail.

Il y a juste un truc qui me tarabuste: j'ai remarqué ce matin des points noirs sur ma langue, des ganglions hypertrophiés à l'aine (je suis maigre comme un coucou du coup ils sont super visibles) et si l'on associe cela à ma fatigue générale, cela commence à faire un peu beaucoup. Ce coup-ci quelque chose cloche, vraiment.

La réunion de l'équipe terminée, je me décide à appeler rapidement mes parents sur Skype pour leur parler de ce nouveau symptôme (ils sont médecins). Le verdict est sans appel: je dois consulter immédiatement. Crap, comme on dit ici.

J'informe mon "dev lead" que je vais essayer d'avoir un rendez-vous chez le médecin dans la soirée ou le lendemain, auquel cas je travaillerai de chez moi. Quand je lui explique pourquoi, il me force quasiment à partir dans l'instant. Il faut dire que ces points noirs sur la langue, c'est vraiment flippant. Coup de bol, j'arrive à avoir un rendez-vous chez le médecin dans la journée, à 16h.

Ça doit être dur, d'être médecin. Celui qui est en train de m'ausculter est un petit jeune, un interne. Je vois qu'il joue un jeu difficile: mes symptômes l’inquiètent manifestement au plus au point et il cherche clairement à faire passer le message. C'est sérieux, il faut faire des examens poussés, très vite.

Cela dit, il ne peut rien conclure et ne doit pas me faire paniquer. Il recule, il hésite, il cherche comment me faire peur, mais pas trop. Je n'aimerai pas être à sa place, mais je n'aime pas trop être à la mienne non plus, pour être honnête. Il lâche finalement le morceau et me dit penser à un ensemble de pathologies, d'une infection qui serait bien cachée, au sida (hautement improbable), à un lymphome.

Sueur froide. Crap. Non, impossible. Pas à mon âge. A tout les coups c'est une saleté d'infection, pas de soucis. Il faut juste vite la trouver et ça va aller.

Il faut savoir, pour la suite de l'histoire, que le médecin avec lequel j'ai rendez-vous officie dans une espèce de clinique tout intégrée (située à environ une dizaine de minutes à pied de chez nous, pratique). Chaque étage a une spécialité et la clinique dispose de ses propres laboratoires, de son propre service de radiologie et d’échographie, de sa propre "pharmacie" (le terme a un usage légèrement différent).

Cinq minutes après cette ébauche de diagnostic peu réjouissante, je suis donc au labo, en train de me faire tirer le sang.

Le doc a commandé tellement d'examens que l'infirmier est obligé de me piquer deux fois, une dans chaque bras. Je ne sais pas encore que ce n'est que le début, mais même pas mal, je plaisante avec lui en l'accusant de chercher à me vider de mon sang.

La clinique ferme ses portes, il est cinq heures. J’appelle Celia pour lui demander de me raccompagner à la maison. Je crois qu'il faut qu'on parle de ce qui m'arrive.

(à suivre)

9 commentaires:

  1. Wow vite que tu nous racontes la suite de cette journée pour nous rassurer!
    C'est bien les centres où il y a tout sur place, ça fait gagner du temps! Les prises de sang à chaque bras je connais, c'est toujours un problème pour moi et mes petites veines qui ne veulent pas se laisser piquer.
    Courage pour la suite!

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  2. Oh bah je te rassures, l'histoire fini mal, à la fin on me diagnostique une leucémie!

    Mais je vais bien, la preuve je peux encore écrire ;)

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  3. Ah oui en effet tu as fait ton post changement de direction le 10 mars... je remets les évènements en place :) Sorry!

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  4. Les greco lyonnais de Toulouse30 mars 2011 à 10:19

    Waouhhhh..... Ce qui est bien, c'est cette réactivité. Ce post est troublant... :)
    Des bisous tout doux de nous 4.

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  5. Par chance je n'ai pas eu besoin de tester la réactivité, mais j'ai toujours eu l'impression que la plupart des medecins sont a la pointe. Je le vois ne serais-ce qu'avec le dentiste qui a tout l'equipement de pointe pour les radios, et qui trouvait que mes dents en ceramiques etaient vraiment un vieux modele (alors qu'elles n'ont que 6 ans).
    Bref oui c'est plus cher pour nous mais en general la qualite est la. Et je pense que tu es en de bonne main.

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  6. C'est "marrant" pass'qu'au debut de ton post, j'allais faire le commentaire que le systeme est bien pourri, sauf pour ce qui est des groupes hospitlaiers directement geres par l'assurance. Comme Kaiser. Il vu comment tu decris la chose, il semble que ce soit quelque chose de similaire.
    Pass'qu'en dehors de ce systeme, c'est la merde. PAr exempel: il me faut 2 semianes minimum pour avoir un RdV avec mon medecin. La seule alternative, c'est les urgences.

    Donc bon.

    Mais pour en revenir au sujet princpal, meme sans avoir la fin de l'histoire, je dirai pas que le system de sante aux US est pourris. je dirais surtout qu'il est bien trop cher.
    C'est bien ca le probleme. Beaucoup ne peuvant pas se l'offrir. mais techniquement, medicalement si vous preferez, il a rien a envier aux autres...
    Subtile nuance...

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  7. C'est tout a fait ca, Le Piou.

    Medicalement, le service ou je suis est probablement le meilleur du monde pour traiter la leucémie. Pour le cancer en général, Seattle est une des meilleures villes des US, voir du monde.

    En revanche, on a vite des problèmes de sous. On en reparlera...

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  8. Tu es en de bonnes mains !
    J'imagine à peine comment un expat qui vit dans un pays genre pas très développé ou à grande distance d'une grande ville, aurait pu gérer l'urgence. Car urgence il y avait, évidemment !

    En revanche, quand tu voyages aux USA (donc quand tu es un touriste lambda, comme nous), et quand tu veux consulter un Dr, c'est un peu plus compliqué selon l'endroit apparemment.
    Nous avons testé en 2007 dans le sud ouest...

    Dire qu'en France, le moindre truc non remboursé par la sécu ou partiellement, tout le monde râle. Oui, on ne mesure pas toujours les bons côtés de notre système de santé quand on a pas testé les autres...

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  9. Spéciale dédicace aussi aux parents, qui ont eu la même chose à gérer que l'interne, en pire.

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