Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

dimanche 24 novembre 2013

Lettre ouverte à Madame Bertinotti

Il y a quelques jours, la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, a annoncé qu'elle souffrait d'un cancer du sein depuis plusieurs mois, ce qui ne l'avait pas empêché d'assumer ses fonctions tout au long du traitement.

J'ai l'impression que comme beaucoup de malades (et de non malades), j'ai accueilli la nouvelle avec un mélange d'admiration pour son courage et sa force de volonté, de joie à l'idée qu'elle soit en voie de guérison, car c'est toujours une bonne nouvelle lorsque l'un d'entre nous s'en sort... Et en même temps cela m'a mis très mal à l'aise, et ce, je pense, comme nombre de patients. D'ailleurs, un article vient de paraître sur Rue89 ayant pour titre « J'ai un cancer, et je ne suis ni digne, ni courageuse », qui expose un discours très similaire à celui que je m'apprête à tenir.

Cela m'a donné envie d'écrire une lettre à la ministre.

Madame Bertinotti,

Je suis très heureux que votre traitement soit achevé, que vous alliez bien et que vous ayez pu continuer à travailler tout au long de cette épreuve...

Mais.

Vous avez certainement une voiture de chauffeur avec fonction, vous n'avez pas eu comme moi besoin de demander à vos amis d'organiser des roulements pour vous emmener à la clinique, vous n'êtes probablement jamais restée comme moi pendant 2 h en carafe à l’hôpital sans pouvoir rentrer chez vous parce qu’aucun taxi n'est disponible et parce que tous vos amis travaillent.

Je suppute, et vous m'excuserez si c'est inexact, que vous avez une secrétaire et une armée de subordonnés qui vous ont déchargé du poids de votre quotidien. Je ne connais pas votre train de vie, je ne sais pas si vous avez des enfants, mais j'imagine que vous avez du personnel qui vous décharge des tracasseries administratives, du ménage, des courses, etc. En temps normal, je ne vois déjà pas un ministre aller au Prisunic faire ses courses alors, une ministre en cours de chimio, encore moins.

Pendant mon traitement, alors que j'étais à l’hôpital, ma femme dormait sur un lit de camp à côté de moi, pendant que des amis se relayaient pour aller nourrir nos chats. Lorsque que je suis sorti de l'hosto, entre deux allez et retour à la clinique pour me faire une transfusion (car l'aplasie est bien plus sévère dans les chimiothérapies de cancers du sang que de cancer du sein), nous avons du me traîner chez un avocat pour régler un problème administratif concernant mon visa, qui aurait pu m'empêcher de recevoir des soins. J'ai failli vomir tripes et boyaux, dans une salle d'attente cossue au 56e étage d'un gratte-ciel du centre de Seattle, en attendant une signature sur un bout de papier me confirmant que j'avais le droit de recevoir des soins. Un stress dont je me serais bien passé.

Je pourrais continuer longtemps mais je crois, j'espère en tout cas, que vous m'aurez compris et que je n'ai pas besoin d’illustrer plus avant la différence considérable qu'il y a entre le quotidien d'un malade comme vous et celui d'un malade comme moi.

Autant je sais que la souffrance des corps et des esprits ne peut pas se mettre sur une échelle et se comparer, autant je sais que comme tous les malades, comme nous tous, vous avez certainement dû salement en baver, si vous me passez l'expression,  autant, vous, Madame la Ministre, n'avez jamais eu à vous demander si demain vous alliez pouvoir payer votre traitement ou si tout simplement vous pourriez vous rendre à l’hôpital.

Moi, si, comme beaucoup de gens en France.

D'autre part, comme le souligne la personne qui a écrit l'article de Rue89, il y a une variété énorme de cancers et une variété encore plus grande de corps subissant ces cancers. Prenons le cas des leucémies par exemple. Il est complètement impossible de continuer à travailler pendant les cycles de chimio de type HyperCVAD utilisés pour traiter les leucémies aiguës (comme celle qui m'a touché en 2011), d'ailleurs en France, la sanction c'est carrément un mois de chambre stérile. Une greffe de moelle pour une leucémie, c'est un mois minimum d'isolement, souvent plus, puis un an de convalescence, et plus si vous faites, comme dans mon cas, du rejet de greffe. Par contre, pour certaines chimios de consolidation de leucémies chroniques, il est tout à fait possible, voire même conseillé, de continuer à travailler entre les cycles d'entretien. Comme quoi, il n'y a pas de réponse unique.

Dans le cas des cancers du sein, je connais une infirmière qui se portait relativement bien tout au long de son traitement et qui a toujours continué à travailler... D'un autre côté, j'ai des amies qui toléraient extrêmement mal les médicaments, qui étaient au 36e dessous, et qui plusieurs mois après l'arrêt de la chimio ne sont toujours pas en état de travailler. Vous savez comme moi que c'est une loterie et que l'on ne peut pas savoir à l'avance comment on s'en sortira.

C'est l'un des problèmes de votre annonce: elle risque de donner l'impression que l'on peut travailler avec un cancer, ce qui dans le cas général n'est largement pas vrai, c'est plutôt une exception, il me semble... En tout cas cela dépend des cancers, et dans le monde des leucémies, c'est une exception. Cela a aussi un effet culpabilisant pour les femmes qui ne sont pas aussi fortes que vous, alors qu'elles n'y sont pour rien. Vous n'y êtes pour rien, d'ailleurs... Mais il faut que vous en ayez conscience.

Je comprends toutefois votre message et quelque part je le salue, vraiment, car je suis profondément d'accord avec vous, ce qui vous surprendra peut-être étant donné le ton du début de cet article. En effet, je pense vraiment qu'il faut changer les mentalités des entreprises afin qu'elles acceptent d'employer des malades à mi-temps, des malades qui peuvent (médicalement) et qui souhaitent travailler. Je regrette aussi le coté tout ou rien des assurances invalidités (en tout cas aux US, j'avoue qu'étant expatrié, je connais moins comment cela se passe en France) : souvent, si un malade reprend le travail et que cela ne fonctionne pas, il perd son invalidité, ce qui n'incite pas à prendre un risque, à se lancer en travaillant un tout petit peu pour voir si cela marche avant de monter en puissance. Il y a beaucoup à faire et à réfléchir, sur l'intégration des malades dans le monde du travail et dans la société en général.

Par contre, une de vos citations dans l'article du Monde m'a choqué :. « Pour que les employeurs comprennent que la mise en congé longue maladie n'est pas forcément la meilleure des solutions. »
Je ne vois pas ce que les employeurs ont à voir là-dedans, c'est avant tout une décision médicale, faite par les médecins, et ce n'est pas à l'employeur de décider si un malade doit continuer à travailler ou non. Je me demande si votre phrase n'aurait pas été sortie de son contexte, car elle n'a tout bonnement pas de sens.

D'ailleurs, il me semble que sont encore plus nombreux les gens qui sont dans une situation dramatique, avec des maladies terribles, qui ne peuvent pas reprendre le travail de quelque manière que ce soit. Nous ne sommes pas tous aussi fort que vous, nous n'avons pas tous autant de support, nous avons aussi parfois des pathologies bien plus lourdes et bien plus longues... Il me semble qu'il y a beaucoup plus de gens qui sont dans des situations dramatiques de fins de droits, de précarité, de perte d'emploi (j'ai moi-même perdu mon emploi et personne ne veut m'employer autrement qu'à temps plein, ce qui est médicalement hors de question) que de gens qui vivent leur cancer suffisamment bien pour travailler. J'espère juste que votre « coming-out » ne fera pas oublier encore un peu plus tout ces oubliés du système, qui ont parfois un peu l'impression qu'il ne leur reste plus qu'à crever, afin de ne plus être une charge pour une société qui ne veut plus d'eux.

Nous sommes encore une fois face à un problème très complexe. Il ne faut pas déresponsabiliser les gens. Il faut éduquer les entreprises pour faire accepter la maladie dans le monde du travail. Il ne faut pas tomber dans l'excès inverse : « et si lui travaille pendant sa maladie, pourquoi pas vous » ? Il ne faut pas oublier tous les malades qui ont des invalidités et des pathologies extrêmement longues, pour lesquels il y a bien trop peu de ressources et de structures en place, et bien garder en mémoire que pour les malades de cancer, souvent, pour peu qu'il y ai le malheur d'avoir une récidive ou quelque complication que ce soit, on parle d'années d'invalidité, pas de mois...

Bref.

Madame la Ministre, je suis très heureux que vous ayez terminé votre traitement, et je vous souhaite de passer toutes les prochaines étapes avec succès. Je suis le premier à savoir que ce n'est pas parce que la chimio est terminée que le combat est fini, croyez-moi. Mais j'espère que vous n'êtes pas victime du biais du survivant, « Si je l'ai fait, pourquoi pas les autres ». Peut-être avez-vous eu de la chance, peut-être êtes-vous plus coriace et courageuse que la moyenne, qui sait. Ne faites pas une règle de votre cas. Encore une fois, je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup, plus de gens qui sont en fin de droits qui se demandent comment survivre à leur maladie, que de gens qui se demandent comment travailler pendant celle-ci.

Je vous souhaite, comme à tous les patients avec qui j'échange, tout le courage du monde.

jeudi 21 novembre 2013

Contre le chalutage en eaux profondes: oui, mais

Depuis quelques jours la bédé de Pénélope Bagieu contre le chalutage en eau profonde se repend sur Facebook  comme un feu de forêt, et c'est très bien. Si vous n'avez pas encore lu sa planche, je vous invite à le faire, et à signer la pétition, sans quoi vous ne comprendrez pas grand chose à cet article.

Comme beaucoup d'entre vous apparemment, j'ai été horrifié en découvrant l'inanité de cette pratique, et je me suis empressé de signer la pétition. Cependant, toute l'histoire me laissait une impression étrange, comme s'il manquait un morceau à toute cette histoire. Et puis hier soir j'ai percuté ce qui me gênait profondément.

Dans l'équation économique de Pénélope, il y a toute une démonstration mettant en lumière le fait que cette pêche opère complètement à perte, qu'elle n'est rentable que grâce aux subventions publiques. Sauf que l'on oublie un peu rapidement quelque chose: peut-être que cette industrie opère à pertes, mais si les supermarchés peuvent justifier de subventions c'est avant tout parce qu'ils arrivent à vendre leurs produits de merde à base de sous produit de poisson dont personne ne veut à quelqu'un.

En d'autre termes, certes, tout ceci ne fonctionne que grâce aux subventions publiques certes, ce qui est proprement scandaleux, mais avant tout, tout ceci ne fonctionne que parce que les gens achètent les barquettes de poisson industrielles, provenant donc du chalutage profond.

Ce qui me pose problème donc, ce n'est pas l'initiative de Pénélope, que je trouve tout à fait louable, mais bien vous, chers lecteurs, et je prend le risque de vous prendre à partie volontairement, car moi aussi cela me tient à cœur ce genre de sujet.

C'est bien joli de s'indigner et de faire du bien à sa conscience en signant cette pétition... Mais si c'est pour se précipiter le lendemain dans un Intermarché pour acheter une barquette de poisson surgelé provenant de l'industrie même que cette pétition condamne cela ne peut pas marcher.

De plus en plus, il est important de consommer consciemment. Nous vivons à une époque charnière du développement humain, et tout est encore possible: nous pouvons nous en sortir et créer des économies qui soient durables, ou nous pouvons continuer sur la tendance actuelle où nous dévorons la planète plus vite qu'elle ne se régénère. A nous, chaque jour, de faire les bons choix.

Vous allez me dire, oui, mais c'est compliqué, il faut avoir l'information, ce n'est pas clair... Je suis d'accord. Pour le poisson, c'est dur de savoir quoi consommer. Poissons sauvages? Ils sont menacés d'extinction à cause de pêche intensive. Poissons d'élevage? Dans une recherche de profit, la qualité de ces poissons est de plus en plus mauvaise: contamination aux métaux lourds, aux antibiotiques, aux pesticides...

Vous allez me dire, oui, mais cela coûte cher... Mais qu'est ce qui est le plus important? De mettre dans votre corps des produits de qualité, qui vont être transformé... en vous, je vous rappelle! Ou d'acheter la dernière TV écran plat 3D qui fait le café? A vous de voir... Perso, j'ai choisi.

Cette pétition, c'est vraiment super, mais si personne n'achetait ces produits de merde, le problème n'existerait pas. La balle est avant tout dans votre camp.

mercredi 20 novembre 2013

Un déjeuner à Snoqualmie Falls

Dimanche, pour changer un peu, nous avons décidé de sortir de Seattle pour déjeuner.

Une des choses qui rend cette ville si agréable à vivre c'est qu'en quelques dizaines de minutes vous êtes en pleine nature dans des paysages magnifiques. J'ai eu un jour une discussion avec quelqu'un qui ne trouvait pas que Seattle était une jolie ville, en jugeant uniquement d'après des photos de Downtown Seattle, mais en fait c'est mal comprendre l'écrin de beauté dans laquelle cette ville est enchâssée. De ma fenêtre, aujourd'hui, j'ai la vue sur les Olympics, c'est quand même un pied d'enfer.

Dimanche donc, nous sommes allés déjeuner à Snoqualmie Falls. C'est une cascade, comme son nom l'indique, qui est au premier col de la chaine de montagnes qui s'appelle les "Cascade Mountains" justement. Quelques kilomètres plus loin, il y a une station de ski, à 45 mins de route de Seattle donc. On est veinards, non? (Enfin, si je n'avais pas d'ostéoporose...). 

J'avais repéré depuis longtemps la "Lodge" dans laquelle je souhaitais emmener Celia, et j'avais repéré la table avec la vue que je souhaitais... Malheureusement pas moyen de réserver, donc il s'est agît de faire confiance à la chance... Or, quand nous somme arrivés, les places prêt de la fenêtre étaient prises, mais miracle, quelques minutes plus tard, elles se sont libérées... Je me suis alors jeté sur la table que je convoitais, agaçant un peu la serveuse au passage, car je me suis mis dans son chemin, l'empêchant de faire son travail... Mais cela faisait des mois que je rêvais d'emmener Celia déjeuner précisément à cette table, avec vue sur la Cascade, donc tant pis! Je me suis fendu de mon plus beau sourire pour me faire pardonner :).

Le reste se raconte en image et en vidéo!

Oh, et pour l’adresse sur la carte, ne cherchez pas, ce n'est pas notre adresse :).


Et deux photos depuis l'intérieur du restaurant, imaginez le déjeuner avec cette vue:

Snoqualmie Falls...

Imaginez ce que cela doit donner à la fonte des neiges...


Voilà!

mercredi 13 novembre 2013

Des orques accompagnent un ferry dans la baie de Seattle

Allez, changeons un peu d’air. Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire incroyable.

Il y a quelques semaines, il s’est passé quelque chose d’exceptionnel dans la baie de Seattle. En pleine journée, 3 douzaines d’orques ont entouré un ferry effectuant la traversée de Seattle vers Bainbridge Island, le forçant à ralentir et à presque s’arrêter. À bord de ce ferry, il y avait le chaman d’une tribu indienne qui accompagnait des reliques sacrées de sa tribu qui étaient déplacées pour être ramenées sur leurs terres ancestrales. Chose intéressante, cette tribu est une tribu de pécheurs qui vénère particulièrement l’orque comme animal totem.

Alors vous êtes peut-être amusés par la coïncidence, sans plus. Laissez-moi vous expliquer en quoi cet évènement est vraiment exceptionnel et magique.

Le Seattle Times (voir le lien ci-dessus) justement présente l’évènement comme une coïncidence, en expliquant que les orques étaient là depuis plusieurs jours pour se nourrir des saumons qui sont nombreux à cette période dans la baie (je ne sais plus si c’est les vieux qui remontent pour frayer ou les jeunes qui descendent à cette période). Sauf que ce que ne dit pas l’article c’est que saumons ou pas, il est extrêmement rare de voir des orques si bas dans l’estuaire. Il arrive exceptionnellement d’en voir un dans le port de Seattle, encore plus rarement quelques-uns... Mais pas une dizaine.

en gros les orques ont été vu en vue de ça... Étonnant.

Il faut bien se rendre compte qu’a cet endroit, nous sommes juste en face de l’entrée de l’un des plus gros ports marchands de la côte ouest des États-Unis, avec des dizaines de ferrys qui font l’aller-retour entre chaque bord de l’estuaire, des bateaux de plaisance, des bateaux de croisière, des cargos... Bref, vraiment pas un endroit propice à la rencontre de cétacés.

une petite carte pour que situer un peu notre histoire et l’échelle

Pour en voir une dizaine, il faut monter à une centaine de kilomètres au nord de l’estuaire, dans l’archipel des San Juans. C’est un amas d’îles qui est un lieu de reproduction privilégié des orques: ces mammifères sont habituellement solitaires, mais se retrouvent ponctuellement pour élever leurs jeunes. Nous avions d’ailleurs participé à une mini croisière pour aller voir des orques durant la période de reproduction, et nous avions eu la chance de voir une famille d’une dizaine d’orques, ce qui est déjà quelque chose de vraiment génial. Je ne dirais pas exceptionnel parce que si vous allez dans les San Juan à cette époque de l’année, vous avez de bonnes chances de voir des orques. Ce n’est toutefois pas garanti!

Une photo d’un orque prise par un ami il y a 3 ans dans les San Juans

Vous vous rendez bien compte donc que de voir un orque au niveau de Seattle c’est déjà rarissime, de voir une famille d’une dizaine carrément exceptionnel, mais d’en voir 3 douzaines, qui en plus entourent justement le ferry où est présent un chaman qui ramène les reliques sacrées d’une tribu vénérant les orques, c’est carrément... magique.

Cela me touche beaucoup, car depuis quelque temps j’ai aussi un lien avec les orques. Depuis que nous sommes arrivés ici, je m’intéresse aux Amérindiens (aux First Nations, comme on dit au Canada, ce qui a beaucoup plus de classe que le Native Americans des États-Unis qui suppose déjà une assimilation), et depuis longtemps je cherchais à me procurer de l’artisanat amérindien authentique, ce qui est plus difficile qu’il n’y parait, même quand on est dans une région aussi riche en tribus amérindiennes. C’est finalement à 500 kilomètres au nord de Seattle, sur l’île de Victoria, que j’ai trouvé une bague gravée de motifs de la tribu Kwakwaka' wakw, que m’a offerte Celia pour mon anniversaire. Parmi tous les motifs, j’ai justement choisi l’orque, qui dans cette tribu est symbole de longévité. Vous imaginez aisément les raisons de mon choix. J’ai par conséquent tous les jours le symbole de l’orque sur la main, et c’est quelque chose qui a une signification pour moi.



Vous savez, quand je vous ai fait mon laïus sur le sens de la vie, j’ai écarté assez fermement tout coté métaphysique et spirituel, car je crois profondément que l’on soit athée, agnostique, croyant ou juste mystique, il y a d’abord cette vérité simple du lâcher-prise et du bonheur dans l’instant, qui doit être décorrelé de toute tradition si l’on veut toucher le plus de gens possibles. Je crois aussi profondément qu'il ne faut pas dire n'importe quoi, surtout lorsque l'on parle de maladie.

Mais la vérité, et si vous me suivez depuis longtemps, vous le savez probablement, c’est que je suis moi-même une école taoïste, qui plonge ses racines dans le chamanisme ancien ... Du coup je m’intéresse aussi beaucoup aux pratiques chamaniques amérindiennes, c’est quelque chose qui me parle et qui me touche. C’est étrange, car je suis un enfant de l’âge du silicium, ingénieur, informaticien, scientifique... Pourtant j’ai envie de croire à la magie, aux esprits, aux totems, au sacré. Non seulement j’ai envie d’y croire, mais j’y crois, en fait, profondément. Alors vous comprendrez que cet évènement, cela me touche énormément, je trouve ça vraiment magnifique.

Bien sur, on peut dire que c’est une coïncidence, mais qu’est ce qu’il vous faut: 3 douzaines d’orques qui entourent un ferry où est présent un chaman d’une tribu qui vénère les orques dans une zone où il n’y a pratiquement jamais d’orques... Faut que le Monde écrive "La magie, ça existe!" en gros dans le New-York Times, pour convaincre les sceptiques? ;).

Au passage, je profite de cet article un peu mystique pour faire un peu de pub pour une amie: vous trouverez dans mes liens un lien vers une amie qui est voyante et qui est complètement surprenante... Je veux dire, elle prêche un convaincu, mais à chaque fois que je lui cause, elle arrive à me sidérer, donc si c’est votre délire, pourquoi pas! Sans garanties, mais dites-lui que vous venez de ma part.

En direct des Golden Blog Awards 2013

Et oui, la cérémonie c'est aujourd'hui!

Comme vous le savez peut-être, grâce à vous, j'ai été shortlisté dans la catégorie Science (qui regroupe aussi les blogs Santé etc...), et donc j'ai reçu deux pass pour la cérémonie qui se déroule en ce moment même à l'hôtel de Ville.

Forcément, 8000 km, ça fait un peu loin, surtout quand on est immunosupprimé, donc j'ai choisi de me faire représenter par un ami. Pas facile d'ailleurs, j'ai plein d'amis que ce genre d’événement ne branche pas du tout, mais finalement j'ai trouvé une bonne âme que cela enchantait, donc banco! Merci Nicolas!

Pour la petite anecdote, il y a 5 minutes, il m'envoie un message sur Facebook, "Oui, on est devant, il y a une queue de malade, on va mettre une heure à rentrer"... Puis quelques instants plus tard: "Mais au fait, tu es shortlisté, on peut passer devant tout le monde!" Et oui, traitement VIP ce soir, cher Nicolas... Et je ne suis pas là pour en profiter ,)

Du coup, je suis la cérémonie en live en streaming, et sur Twitter (et aussi ici #GBA13).

D'ailleurs voici une photo que j'ai volé sur Twitter, si cela vous ennuie, n'hésitez pas à me le dire, je l'enlève!


Et une petite photo de Nicolas!





Voilà, bon je suis collé à mon écran, j'ai une chance minime de gagner, mais bon, c'est toujours fun d'y croire!

A tout à l'heure pour les résultats :), et sinon, RDV sur Twitter si vous souhaitez tailler une bavette en live.

EDIT, ma catégorie vient de passer et je n'ai pas gagné, félicitation à Science Infuse qui a un super blog!

lundi 11 novembre 2013

Les infections de Hickman

Les différences entre le traitement des leucémies aux États-Unis et en France

Il y a parfois des différences importantes entre les soins pour les leucémies aux États-Unis et en France. Par exemple, vous savez peut-être qu'en France, toutes les chimiothérapies pour les cancers du sang se font en chambre stérile (à cause de l'aplasie plus profonde et plus longue que pour une chimio de cancer solide), alors qu'aux États-Unis, tout se fait dans des chambres normales. Le règlement sanitaire est draconien, certes, mais l'environnement n'est pas stérile. Ce genre de différence fait bondir les médecins français à qui j'en parle, pourtant, il faut se rendre à l'évidence: cela marche, et pas qu'un peu. Au Seattle Cancer Care Alliance, il y a 50 lits de transplantation, et on fait 500 transplantations par an... Avec un taux de réussite comparable ou meilleur aux meilleurs hôpitaux français. Pour comparer, le plus gros hôpital greffeur français doit faire un maximum de 50 greffes par an...

Une autre de ces différences de vues fondamentale concerne le changement des pansements couvrant le site d'insertion des Hickmans. Rappelez-vous, les Hickmans, ce sont ces voies centrales, des cathéters qui plongent directement dans la veine cave. L'endroit où le cathéter plonge dans le corps est couvert par un large pansement carré, qui empêche le site de se salir et de s'infecter. Bon, et bien en France, ces pansements sont changés par des professionnels, c’est-à-dire des infirmières à l'hôpital, alors qu'à Seattle, ce sont les patients (et leurs soignants) qui changent le pansement à domicile.

Votre serviteur, son Hickman, et le pansement dont il est question dans cet article

"Quoi? Mais vous êtes fous?"

Quand je raconte cela à des médecins (ou des patients élevés dans le moule) français, la réaction est toujours la même: "Quoi? Mais ce n'est pas super dangereux? Comment vous faites pour que cela soit parfaitement stérile, le risque d'infection doit être énorme, non?".

Et bien figurez-vous que non, c'est même l'inverse, et ce que je vais vous raconter m'a longtemps laissé perplexe.

Je suis en contact, via le blog, avec une dizaine de patients français, et je connais l'histoire d'une dizaine d'autre. Via le groupe de support du Seattle Cancer Care Alliance, je connais plus ou moins bien une vingtaine de patients ayant eu divers cancers du sang (leucémies, lymphomes). Bref, des proportions à peu près égales.

Un résultat sans appel

Tous les Français que je connais ont eu une infection de ligne.

Aucun patient de Seattle que je connais n'a eu d'infection de ligne.

Je vous rappelle: France: pansement changé par des pros, US, pansements changés par les malades.

Alors, ok. Ces échantillons ne sont absolument pas statistiques, et l'on ne peut pas établir de vérité à partir d'eux. Je trouve néanmoins étonnant que je n'arrive pas à trouve d'infections dans mon coin alors que je n'ai qu'a me baisser quand je parle à des patients français.

Mais pourquoi est-ce aussi important?

Petite digression: vous ne comprenez peut-être pas pourquoi c'est un sujet important. Il faut bien comprendre que lorsque l'on parle de leucémie et de greffe de moelle osseuse, une proportion importante de la mortalité de la procédure n'est pas due à la maladie en elle-même, mais aux effets secondaires de la thérapie. Parmi eux, le plus important est l'immunosuppression: on risque d’attraper plus facilement des infections et surtout, quand on attrape une infection, on risque d'en mourir. La plupart des morts lors d'une transplantation dans ma tranche d'âge surviennent à cause d'une infection... C'est donc un sujet d'une importance cruciale.

Alors pourquoi cette dichotomie entre la France et les US? Et bien cela m'a longtemps laissé perplexe, mais c'est l'entretien avec Katy, atteinte d'une leucémie en décembre 2012 qui m'a apporté les réponses que je cherchais (je vous invite à aller directement écouter cette partie où elle raconte son infection de ligne).

À mon sens, il y a trois facteurs qui mis ensemble font que l'on s'en sort mieux ici qu'en France.

Moins on en fait, mieux on se porte!

Apparemment, en France, le pansement est changé une fois par jour lorsque le patient est à l'hôpital. À mon sens c'est une hérésie que rien ne justifie. Ces pansements sont prévus pour pouvoir rester en place une semaine, cela ne sert à rien de les changer tous les jours. Rappelez-vous ma vidéo sur la préparation des médicaments: quand vous faites une tache où il y a un risque d'erreur incompressible, vous ferez forcément des erreurs... Alors réduire le nombre de fois où vous faites la manœuvre permet de réduire le nombre d'erreurs total sur une période de temps. Si vous changez le pansement 50 fois par an au lieu de 365 fois, vous prenez 7 fois moins de risques... Car à chaque fois que l'on expose le site d'insertion à l'air libre on prend un risque non négligeable.

L'hôpital, un faux sens de sécurité

L'hôpital, cela donne un faux sens de sécurité. Il faut bien comprendre quelque chose de fondamental: toutes les bactéries résistantes aux antibiotiques, elles se trouvent à l'hôpital, pas chez vous. Chez vous, si vous nettoyez votre plan de travail avec soin et que vous mettez des gants et un masque, il n'y a pas de raison qu'il y ai des tas de bactéries mutantes, résistantes à toutes les saloperies chimiques diverses et variées que l'on trouve dans les hôpitaux. À l'hosto, si. Il y a une étude qui a été faite sur les blouses des médecins: ce sont de véritables boites de Petri ambulantes, avec des bactéries toutes plus dangereuses les unes que les autres. C'est du bon sens: si vous êtes un être humain normalement constitué qui ne vit pas dans un dépotoir, votre maison est moins contaminée de saloperies en tout genre que l'hôpital, et vous y êtes plus en sécurité. Réfléchissez voyons! À l'hôpital on amène les gens malades. Vous croyez que les gens malades ils trimballent quoi avec eux en cadeau hein? Et les infirmières, toute la journée, elles sont en contact avec quoi? Avec des malades. Votre femme, ou votre conjoint, s'il se lave les mains, est bien moins à même d'être porteur de toute une panoplie de batéries et de virus. C'est du bon sens.

Une question de responsabilité

Le dernier point, et à mon sens le plus important, c'est la responsabilisation personnelle. En apprenant au malade à s'occuper de son pansement et de sa ligne, on le responsabilise, au lieu de l'infantiliser et c'est à mon avis suprêmement important. Pour vous donner une idée, quand j'avais mon Hickman, tous les soirs, j'avais mon rituel où je prenais un tampon d'alcool et je nettoyais avec soin chaque ligne, du site d'insertion aux lumens, puis je nettoyais chaque lumen, je les emballais dans du film plastique, et enfin je pouvais aller me coucher, une fois ma ligne complètement propre. Quel que soit mon état de fatigue, c'est un rituel auquel je n'ai jamais dérogé. Quand on m'a enlevé ma ligne, mon médecin était surpris d'ailleurs: elle était comme neuve, apparemment ce n'est pas toujours le cas, certaines sont sales. Mais comment peut-on laisser s'encrasser un truc qui vous plonge dans le corps? Je ne comprends pas. À un moment, si l'on tient à la vie, il faut se prendre en main, m*rde!

Pour moi, ce point est le plus important: apprendre au patient à  se prendre en main, à effectuer les bons gestes, à être autonome. Il y aura toujours des cas où une infirmière n'est pas disponible: dans ces cas, comment faites-vous? Il est indispensable, pour moi, d'avoir un peu de verni, d'être un peu formé, d'être capable de se prendre en main. C'est excessivement important, et vous avez moins tendance à avoir des comportements à risque quand vous vous sentez responsable de quelque chose, à mon avis.

EDIT

Suite à quelques commentaires (n'hésitez pas à y jeter un œil d'ailleurs), je voudrais préciser que mon but n'est pas de taper sur le système Français, loin de là. Je suis bien conscient des faiblesses du système Américain, croyez moi, mais il a aussi des forces, et c'est intéressant justement d'analyser ces différences afin de faire évoluer ces deux systèmes de manière positive.

mercredi 6 novembre 2013

Revue de presse leucémie et cancer, semaine du 6 novembre

Après un long silence (comme d’habitude, silence = Loïc cassé en deux par un truc, en l’occurrence ici le vaccin de la grippe qui m’a méchamment amoché), revoici la revue de presse leucémie et cancer!

Leucémie

— Une femme de l’Indiana enceinte se bat contre une forme extrêmement rare de leucémie

Bon, cet article a peu d’intérêt scientifique, mais il résume très bien en quelques lignes le diagnostic, les dilemmes terribles auxquels on a à faire face, etc. De plus, cette femme est dans une situation particulièrement rare et compliquée: elle est enceinte de 5 mois... Imaginez le problème! Comment la soigner sans mettre en danger le bébé? C’est un vrai cauchemar, j’en ai froid dans le dos. 

— Des recherches sur les interactions entre plusieurs médicaments anti-leucémie progressent

Rappelez-vous, je vous parle souvent des TKI... Le problème c’est qu’environ 5 % des leucémies sont résistantes à toutes TKI existantes. Des chercheurs commencent à étudier la possibilité de combiner plusieurs TKI pour « briser » cette résistance. Une piste prometteuse, apparemment. 

Les parents d’une petite fille atteinte de leucémie transforment ses trajets à l’hôpital en aventure

J’adore ce genre d’histoire. Je me demande toujours comment les enfants, sans une fondation psychologique solide, peuvent encaisser ce genre d’épreuve (peut-être justement que leur malléabilité leur permet d’être plus adaptable, qui sait), et ce genre d’histoire me fait toujours vraiment chaud au cœur. Voilà des gens qui mettent de l’énergie dans quelque chose qui à un sens, plutôt que de la gaspiller dans de la haine ou quoi que ce soit d’autre. 

— La LLS lance un partenariat avec Evotec AG

Rappelez-vous, la LLS, pour laquelle nous récoltons des fonds, est une association très active aux US contre la leucémie. Voilà par exemple le genre de projet que finance la LLS, des collaborations de projets de recherche très intéressantes. 

— Ponatinib déclaré efficace dans certaines formes résistantes de leucémies

La saga des TKI continue: une étude vient de confirmer que ponatinib est efficace contre certaines formes de leucémies résistantes aux autres TKI... Parallèlement, on a appris récemment que ponatinib allait être retiré du marché sauf utilisation dans les cas extrêmes (de résistance à d’autres médicaments justement) car les effets secondaires sont trop importants... Ah, rien n’est simple dans notre petit monde!

Cancer

— Une petite fille chinoise de 8 ans devient la plus jeune malade d’un cancer du poumon de l’humanité

La pollution est mise en avant comme coupable. Il va bien falloir qu’un jour on se rende compte que notre mode de vie est toxique, non?

— Les effets de l’acuponcture en adjuvant des traitements contre le cancer: résumé des recherches

J’ai trouvé cette page qui résume un peu toutes les recherches faites dans le domaine. En gros, les applications sont multiples, principalement dans le domaine de la réduction de la douleur, dans la réduction des mucites (fréquentes aussi dans les traitements des leucémies), dans le traitement des nausées (avec moins d’effets secondaires que les médicaments... Rappelez-vous mon article sur les médecines complémentaires! L’acuponcture est un outil formidable qui devrait être utilisé en complément autant que possible... 

— Merck va commercialiser un vaccin protégeant des effets cancérigènes du papillomavirus

Alors Celia me dit que ce n’est pas nouveau que le premier vaccin date de 2006, donc je ne comprends pas bien. Apparemment, ce nouveau vaccin serait plus efficace. Sinon, c'est plutôt cool, non?

— Une fiche récapitulative sur les cancers métastatiques

Cela ne m’intéresse pas spécialement comme les leucémies sont des cancers sans tumeurs solides, donc sans métastases, mais vous trouverez peut-être cette fiche résumant tout ce qu’il y a à savoir sur les métastases intéressantes.

Le mécanisme de la fonte musculaire chez les malades de cancer commence à être élucidé

Ce qui va permettre de trouver des traitements... Pour info cette fonte musculaire est responsable d’environ 20 à 30 % des décès de cancer; donc ce n’est pas rien!

Santé

— Une équipe roumaine est en bonne voie pour arriver à fabriquer du sang artificiel

Alors là, ça serait vraiment une avancée absolument géniale.. Vous savez que le sang, c’est vraiment le nerf de la guerre dans notre combat contre la leucémie... Moi j’ai eu une trentaine de transfusions, certains patients en ont beaucoup plus, le sang est une ressource rare et précieuse... Ça serait vraiment formidable que l’on ait du sang artificiel! 

Un robot chirurgical de l’Université de Washington est mis en scène dans le film « Ender's Game »

Forcément, on est un peu fiers :).

La santé aux US

Actuellement, nous sommes en pleine mise en place d’Obamacare, la réforme du système de santé US. Si la réforme est vraiment nécessaire et plutôt positive (et très loin du cauchemar socialiste que font miroiter les républicains), l’accouchement ne se fait pas sans douleur (normal, créer un site web qui fait fonctionner ensemble les dizaines de compagnies d’assurances et de législations toutes différentes par état, c’est juste un cauchemar. 

Donc, il y a des histoires qui sortent de gens qui perdent leur assurance santé « à cause d’Obamacare », genre, on vous l’avait dit, c’est la fin des haricots. Le truc qui m’irrite c’est qu’on se sert de nous, les malades de cancer, pour toucher les émotions du public. 

— Le problème, c’est que comme souvent, il se trouve que c’est surtout beaucoup d’intox.



lundi 4 novembre 2013

De la cupidité

Celia et moi regardons de temps en temps une émission de TV réalité qui s'appelle "Shark Tank". Si vous ne connaissez pas, je vous explique rapidement le concept.

En gros, des entrepreneurs viennent présenter un produit, une invention, où une entreprise, devant un panel d'investisseur composé de millionnaires et de milliardaires, qui vont décider d'investir ou non dans le produit en question. D'où le titre de l'émission, les Sharks (requins) étant les investisseurs, et le "Tank", l'aquarium, l'émission.

Cette émission a un succès fou aux US pour tout un tas de raisons. Elle est passionnante à énormément de niveaux: il y a un côté concours Lépine, ou chaque semaine on découvre de nouveaux produits innovants (avec parfois de vraies bonnes idées, et parfois des produits complètements débiles), il y a tout l'aspect négociation qui est intéressant, pour les Américains c'est fascinant, car c'est souvent l'American Dream en marche, avec des gens qui arrivent avec une super bonne idée qui repartent avec une montagne de billets (c'est un peu plus compliqué que cela, mais vous voyez où je veux en venir), et pour nous expatriés, c'est une fenêtre très intéressante sur comment les Américains voient entrepreneuriat et le business.

Bref, c'est un "guilty pleasure", comme on dit.

Samedi dernier, pourtant, il s'est passé un truc dans un épisode qui m'a donné envie d'écrire cet article pour parler de quelque chose qui me travaille depuis longtemps. Je suis très mal à l'aise depuis un certain temps de voir le rapport malsain que notre société a vis-à-vis de l'argent, et je suis très mal à l'aise de constater que partout, que cela soit aux US ou en France, on parle de crise et on fait payer les pots cassés aux gens du commun (c'est à dire, vous et moi) alors que les super-riches s'enrichissent et s'enrichissent toujours plus vite. Alors je ne veux surtout pas rentrer dans un débat politique, surtout pas, car cela ne va jamais nulle part sur internet, mais je veux juste vous raconter ce qui s'est passé dans cet épisode pour vous expliquer via un cas pratique la nature de mon malaise.

Donc, dans cet épisode, un gars, un ex-fermier, arrive avec une invention géniale permettant de diminuer la quantité d'eau nécessaire pour arroser les arbres fruitiers. Il s'agit du Tree T Pee:

C'est un système super simple, mais super ingénieux qui empêche l'eau des sprinklers de gicler trop loin, de s'évaporer, et qui agit aussi comme protection contre le gel. En gros, cela permet d'économiser 80% de l'eau d'arrosage, c'est juste ÉNORME.

Donc, au moment de la négociation, on lui demande combien il vend son produit  et combien il fait de marge. Réponse: 1$.

Et la Kevin O'Leary, qui est l'un des investisseurs, et qui au passage est tristement célèbre pour avoir conclu la pire vente de la bulle internet en vendant sa compagnie 4 milliards à Mattel, compagnie qui coulera 6 mois plus tard, pour vous donner une idée du niveau d'éthique du gars, entame la négociation en disant:

"Ok, moi je veux bien faire un deal, mais il me faut une marge de 2$".

Le fermier, (je ne suis pas croyant, mais que Dieu le bénisse), ne se démonte pas, le regarde et lui dit: "Mais je vends ce produit à des fermiers, la marge honnête c'est 1$, je ne peux pas faire 2$ de marge, ce n'est pas honnête!".

Et la O'Leary se lance dans une diatribe comme quoi il faut bien qu'il rentre dans ses frais, qu'il fasse de l'argent, que maintenant ils sont deux, donc c'est normal de monter la marge... Un discours à vomir.

Le fermier ne s'est pas laissé démonter, et là un autre investisseur s'est avancé en disant "Ok, moi ça me plait, on va faire de l'argent en en vendant plein, je vous suis avec 1$ de marge".

Comme quoi c'est POSSIBLE.

Cela me rappelle l'histoire de Master Lock. Master Lock, c'est une compagnie américaine qui fabrique des cadenas. Récemment, ils étaient vraiment mal financièrement, alors les investisseurs leur ont demandé de délocaliser la production en Chine pour gagner sur les marges. La direction de Master Lock a refusé, car ils font en gros vivre une petite ville des US avec leur usine.

À la place, ils se sont mis à se positionner sur le créneau de la qualité. Ils se sont concentrés sur le fait de produire les meilleurs cadenas du marché. Ok, les Master Lock sont plus chers que la moyenne, mais ils sont aussi nettement plus résistants. Et ça a marché, Master Lock va à présent extrêmement bien!

Comprenez moi bien, je n'ai rien contre le fait de faire de l'argent, voir même beaucoup d'argent, quand vend un produit ou un service de qualité. Mais cette espèce de cupidité généralisée, de toujours plus, de vouloir toujours plus de marge, toujours plus d'argent, toujours plus de croissance, plus de succès, plus de tout, je ne comprend pas, cela me dépasse. Ce sont ces gens, comme Kevin O'Leary, qui sont tout à fait honnêtes (encore que... mais bon laissons leur le bénéfice du doute) mais qui part leur comportement, par leur avidité, par leur cupidité, impriment au monde cette espèce de course effrénée au résultat, au profit, au succès qui perverti le monde et qui le ronge comme un cancer...  Je trouve cela extrêmement triste.

Et encore une fois, ne vous méprenez pas, si vous relisez tous mes posts de nouvel an, vous verrez que j'ai peu de considérations pour les gens qui ne se bougent pas les fesses... Mais d'un autre coté je ne comprend pas cette avidité qui anime certaines personnes, surtout ceux qui ont déjà tout, en fait. Moi, je veux gagner de l'argent juste pour avoir une vie correcte, voyager un peu, mettre ma famille à l'abri du besoin et surtout continuer à faire ce qui me passionne... Ce n'est pas un but en soi. J'ai l'impression que pour beaucoup de gens, c'est un but en soi, et cela me met extrêmement mal à l'aise.

Cela m'a extrêmement ému, de voir cet homme, avec ce produit génial, refuser de le vendre à des conditions qu'il estimait malhonnête, refuser de devenir riche sur le dos d'autres personnes. C'est un peu comme ce gars qui à inventé je ne sais plus quel vaccin et qui a refusé de le breveter: s'il l'avait fait, il serait riche à milliards... Il a choisi de donner son vaccin à l'humanité à la place.

On a besoin de plus de gens comme eux, en ce moment.

Search Results


Free Blogger Templates by Isnaini Dot Com and Architecture. Heavily modified beyond all recognition by Lo�c. Social icons by plugolabs.com .Powered by Blogger