Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

samedi 14 décembre 2013

A propos de la douleur et où l'on reparle de la sur-médication

Rappelez-vous, j'avais déjà parlé du fait qu'en ce moment, une majorité de mes problèmes vient du fait que je prends trop de médicaments, en particulier une TKI pour essayer de diminuer le risque de retour de la leucémie et que ceux-ci ont des effets secondaires pénibles. Malheureusement, certains de ces médicaments sont indispensables, et donc on est obligé de faire avec.

Pour vous donner une idée du genre de situation à marcher sur la tête dans laquelle on peut arriver, il faut que je vous raconte la dernière addition au répertoire.

À cause de l’interaction entre l'antirejet de greffe et la TKI anti-leucémie susmentionnée, je souffre constamment de douleurs chroniques aux articulations qui sont très pénibles, à tel point que le soir, je suis parfois obligé de me mettre de la glace sur les mains.


Comme je suis à des doses assez massives de morphine et que l'on ne peut pas continuer à augmenter éternellement, la spécialiste de la douleur de la clinique a décidé d'essayer une nouvelle approche. En gros, sa théorie, c'est que comme j'ai mal en continu depuis à peu près trois ans, mon cerveau est constamment stimulé et irrité. C'est un peu comme si mon thermostat de détection de la douleur était déréglé à la baisse, ou comme si la douleur était un liquide que l'on verse dans un vase: chez moi le vase est plein depuis longtemps et le vase déborde constamment.

Le but du jeu c'est donc d'essayer de réajuster le thermostat de mon cerveau à un niveau normal, et pour cela on utilise des petites doses de certains antidépresseurs, la Venlafaxine pour ceux qui connaissent.

Petit problème, le lendemain après la première prise, je me suis réveillé à 6h du matin, en proie à une crise d'anxiété pas possible. Le temps de détendre le bas de mon corps, c'était le haut de mon corps qui était tendu comme pas permis. Le temps de détendre le haut, le bas était à nouveau crispé, contracté... Comme ça en boucle pendant plusieurs heures, avec en plus un poids sur la poitrine, une oppression, comme si quelque chose d'horrible allait arriver, avec une difficulté à respirer tellement j'étais terrorisé. Le pire, c'est que comme cette peur est d'origine chimique et qu'elle n'a en fait aucun objet, il n'y a même pas moyen de rationaliser, d'essayer de méditer, ou quoi que ce soit... Il faut juste attendre.

Dans les jours qui ont suivi, mon comportement a continue à changer... Je n'ai pas fait de crise d'anxiété aussi grave, mais j'ai eu des répliques assez sévères. Alors j'ai commencé à prendre un anxiolytique, le lorazepam, pour me calmer un peu les nerfs. Sauf que le lorazepam interagit avec la morphine, et que cela me fatigue encore plus que je ne le suis d'habitude. Vendredi dernier, je me suis installé dans mon fauteuil pour écrire en milieu d'après-midi, je me suis endormi sur mon portable sans même m'en rendre compte. Celia m'a réveillé en me téléphonant deux heures plus tard, nous sommes allés faire les courses, ensuite j'ai redormi sur le canapé de 7h du soir à 10h, j'ai diné légèrement, je me suis recouché direct, et j'ai dormi jusqu'à midi le lendemain. Alors, peut-être que cela vous fait rêver de pouvoir dormir autant, mais je vous assure que ce n’est pas une vie, que de la passer endormi.

Et donc, le comble, c'est que depuis que je prends cette saloperie d'antidépresseur, je suis déprimé comme pas permis, anxieux comme ce n’est pas possible, terrifié par l'avenir, par si mon invalidité va être renouvelée, par comment on va subsister l'année prochaine, par la possibilité du retour de la maladie (chose qui d'habitude ne m'inquiète pas)... Je suis malheureux comme les pierres, alors que d'habitude je suis plutôt heureux de vivre, malgré la douleur. Ce qui m'agace le plus c'est que cela affecte mon écriture et comme j'écris énormément en ce moment, c'est vraiment pénible.

Seul point positif, il semble que le traitement commence à marcher: la douleur ne disparait pas, mais les extrêmes sont lissés et j'avais parfois des épisodes avec des douleurs très aiguës qui me forçaient à prendre plus de morphine que ma dose normalement allouée par jour (ce qui me laissait avec moins les jours suivants). Ces épisodes sont plus rares. Aussi, ces effets secondaires sont apparemment temporaires et normalement ils disparaissent au bout de quelques semaines... Bref, il faut s'accrocher, en baver pendant quelques semaines avant que cela aille mieux.

Enfin, rendez-vous compte du paradoxe:

Dsatinib me donne des douleurs -> Morphine
Morphine pas suffisante -> Venlafaxine
Venlafaxine déclenche des crises d'anxiété -> Lorazepam
Le Lorazepam me rend quasi narcoleptique -> On me propose de l'Adderall (en gros, des amphétamines). J'ai dit non, faut pas déconner.

L'un de mes médecins appelle ce problème, quand les effets secondaires dépassent les bénéfices, un syndrome de "poly-pharmacy". En gros, le seul moyen que j'aille mieux, c'est de supprimer dasatinib. C'est un gros pas à faire que pour l'instant je n'arrive pas à faire dans ma tête. Il faut que je prenne le temps d'y réfléchir.

Je voulais finir ce post par une triste nouvelle: un élève de l'école taoïste que je pratique, qui était depuis longtemps malade d'un cancer et avec qui j'avais longtemps échangé en avril dernier, nous a quitté hier. Toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches, c'était quelqu'un d'intelligent, de curieux, qui lors de nos séminaires posait toujours des myriades de questions et qui m'avait beaucoup apporté pendant les brefs moments ou je l'ai connu. Repose en paix, l'ami.

4 commentaires:

  1. La Bretagne de Dinan14 décembre 2013 à 14:39

    Je lis Loïc que tu passes par de sales moments.....accroche toi comme tu le fais, ne te décourage pas....je ne commente pas tes textes, ils sont justes en tous points sur l'interférence des médicaments, des effets secondaires...et la patience est ton seul remède sans effet secondaire :-) les antidépresseurs il faut bien environ 3 semaines pour s'y adapter...... Passe de bonnes fêtes de Noël. Je pense à toi

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  2. merci.
    C'est vraiment la faute des medocs parce que sinon moi ca va plutot bien!

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  3. Bonjour Loïc. 

    Côté médicaments avec Parkinson j'en bave aussi.  Je peux imaginer et comprendre ce que  vous ressentez. Celui que je prends depuis 8 ans tous les jours toutes les 3 h c'est la Levodopa  base de mon traitement qui jusqu'à il y a 8 mois me donnait un certain confort de vie, cela s'appelle "la lune de miel". Seulement au bout d'un certain temps, le peu de neurones dopaminergiques qu'il me reste en bon état, environ 30%, commencent à saturer. (Je rappelle que cette maladie est dûe à la mort prématurée des neurones dopaminergiques ceux qui fabriquent la dopamine, un neuro transmetteur et qu'elle ne touche pas uniquement les personnes âgées mais aussi les jeunes, 35, 40 ans ). Et donc cela entraîne ce que l'on appelle des dyskinésies, des mouvements incontrôlés et anarchiques du corps. Pour vous donner une idée j'ai l'impression d'être une marionnette que l'on tire avec des ficelles pour s'amuser. Je gigote dans tous les sens sans pouvoir me contrôler. C'est douloureux car les muscles sont contractés en permanence et c'est épuisant. Pour remédier à cela le neurologue m'a prescrit un agoniste de la dopamine qui mime l'action de la dopamine. Mais celle ci à comme effet 2daire les dyskinésies. Surprenant n'est ce pas ?  C'est le chat qui se mort la queue! 
    Autre effet 2daire les addictions. Aux jeux, au sexe et aux achats. Je ne suis pas concernée par les 2 premiers :-) . Ici ce besoin irrépressible est induit par les produits chimiques. 
    Le problème c'est que l'on a besoin de ces médicaments pour se soigner. La MP étant une maladie neuro dégénérative incurable. 
    Je prend également des antidépresseurs et je connais aussi les effets indésirables que vous subissez. 
    Un médicament n'est pas parfait, il y a toujours des effets indésirables plus ou moins importants. Cela beaucoup de personnes ont du mal à le comprendre et à l'admettre. Quand on fait le choix de se soigner, il faut malheureusement en accepter les les risques et les inconvénients. 
    Dans mon cas si je ne prenais pas ces produits chimiques au mieux je vivrais au ralenti un peu comme l'animal le paresseux, au pire figée dans mon fauteuil comme une statue de pierre et complètement dépendante d'une tierce personne. 
    Nous avons cette chance de pouvoir bénéficier d'un traitement certes imparfait, mais pensons à ceux qui n'ont pas ce privilège soit parce qu'ils vivent dans des pays défavorisés soit parce que leur maladie n'a pas trouvé de remède. 

    Courage Loïc, je compatis. 
    Bravo pour votre blog, merci de nous faire partager votre vécu de la maladie, cela apporte beaucoup aux autres malades mais aussi à ceux qui ne le sont pas. J'apprécie  votre optimisme, votre détermination. 

    Bonne journée à vous. 

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  4. Salut Christine,

    Merci pour ton témoignage. Je me met à ta place, c'est d'autant plus dur que parkinson c'est incurable; Moi au moins j'en chie mais je me dis qu'un jour ca finira. Je ne peux qu'imaginer ce que c'est que d'en prendre pour perpette. Il faut une sacrée force d'âme, que j'en profite pour saluer.

    C'est vrai qu'il faut garder la vision du fait que ces médicaments sont avant tout une chance qui m'ont permis de survivre. Mais comme tout, ils peuvent se révéler à double tranchant. Néanmoins, je suis comme toi, très "grateful", comme on dit ici de ces médicaments qui m'ont sauvé la vie.

    Merci encore pour ton commentaire très enrichissant.

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