Mes amis me disent souvent que j'ai l'air d'avoir vraiment la forme quand nous faisons des trucs ensemble. Ce à quoi je réponds que quand je choisis de sortir, c'est que je vais bien, mais que forcément on ne se rend pas compte de tout le temps que je passe dans l'ombre à récupérer. Ce que je vais vous raconter dans ce post, c'est typiquement ce genre de chose, où pendant une semaine je vais en baver sans que personne ne s'en rende compte.
Jeudi dernier donc, est venu le temps de refaire mes vaccins. Pour rappel, l'immunité est essentiellement une mémoire qui se transmet de cellules en cellules, or lors de la transplantation on a tué ma moelle osseuse et toutes mes cellules blanches sont mortes sans pouvoir passer leur bagage à la génération suivante. Au bout d'un an il faut donc refaire tous les vaccins important, comme si j'étais un nourrisson.
Sauf que. On m'a fait tous les vaccins (hépatite A et B, tétanos, diphtérie, Hib, pneumocoque, coqueluche, polio et grippe) en 6 injections simultanées: deux dans le bras gauche, une dans le bras droit, une dans chaque cuisse et une dans la fesse. En soit, cela ne me pose pas trop de problème de servir "de cibles de fléchettes", comme m'a appelé l'un des infirmiers; cela fait longtemps que les piqures me font aussi peu d'effet qu'une chanson de Justin Bieber. En revanche, multiplier les vaccins simultanés c'est multiplier le risque de réaction adverse... Et cela n'a pas loupé.
Cela a commencé doucement: Vendredi j'avais mal aux cuisses, comme si j'avais des courbatures incroyables. Chose somme toute relativement supportable, sauf quand vous êtes assis dans l'ordinateur et que le chat vous saute sur les genoux comme tous les matins. Et puis dans l'après-midi, j'ai commencé à être de plus en plus patraque (et le premier paragraphe de ce post est d'ailleurs une réaction directe à cet après-midi passé devant mon clavier à galérer pour écrire chaque mot). Puis dans la soirée la fièvre à commencé à monter. Et à monter. Et à monter.
Vers 4h30 du matin, j'étais à environ 39C, ce qui est déjà un peu beaucoup chez l'individu moyen et en bonne santé, mais qui chez une personne immunosupprimée, et gavée de médicament comme je le suis, est tout de suite plus sérieux. Il y a toujours un doute sur l'origine de la fièvre: est-ce les vaccins? Ou une autre infection plus problématique? Et d'autre part, mon corps fonctionne moins bien qu'un corps normal, une poussée de fièvre peut servir de déclencheur à une crise aigue de GVHD par exemple, ou affecter négativement certains de mes organes, fatigués par la maladie et des doses importantes de médicaments... Ce n'est pas à prendre à la légère et il n'est pas question d'attendre que cela passe. Direction les urgences donc, afin d'être surveillé un peu plus attentivement, et de faire les tests qui s'imposent.
A ce sujet, je vous conseille, si vous êtes dans la même situation, d'avoir toujours tout prêt un sac d’hôpital (un peu comme un sac d'évacuation), ce qui rend un départ précipité pour les urgences bien moins stressant. Dedans, je mettrais: un pyjama, un pull, des chaussettes, un chargeur pour le portable et le téléphone, deux couvertures en polaire (une pour le malade et une pour l'accompagnateur, qui peut aussi se les geler dans la salle d'attente), et surtout une boite avec 2 jours d'avance de vos médicaments. Cela permet de mettre les voiles en moins de deux en étant sur d'avoir sous la main le minimum syndical.
Au final, rien de grave: la fièvre est tombée avec un paracétamol, et nous avons pu rentrer à maison 6h plus tard... Mais j'ai passé un week-end misérable, à dormir 16h par jour, cassé par la fièvre qui a joué à cache cache avec nous, à vomir régulièrement, sans rien manger, et surtout avec un mal de tête absolument incroyable qui ne voulais pas me lâcher. Sans compter le temps passé à l'hosto, demain, j'y serais allé tous les jours pendant 5 jours pour faire tous les examens complémentaires, c'est usant.... Et couteux.
Globalement, c'est comme d'habitude: on va dans la bonne direction. Ces vaccins, cela va dans le bon sens. Mais c'est épuisant, mentalement. Chaque fois que je commence à aller vraiment mieux, soit on m'enlève un médicament, soit l'on me fait subir un truc comme ces vaccins qui me casse durablement. Et oui, pour une personne normale, c'est une petite grippe et un sale week-end; moi, d'expérience, il va me falloir deux semaines pour m'en remettre de cette blague. De plus je n'ai pas connu (j'ai beaucoup de chance à ce niveau d'ailleurs) d'urgence de ce genre depuis la transplantation. Me retrouver à nouveau dans cet état de faiblesse, perfusé salement par une infirmière incompétente (qui a réussi à me faire saigner malgré les autoroutes que sont mes veines) c'est très dur à vivre, cela fait ressortir pas mal de vieilles angoisses, de vieux traumatismes.
Une de mes citations préférée, attribuée à Mohammed Ali, est la suivante: "Un combat se gagne ou se perd loin des témoins - dans l'ombre, dans un gymnase et dehors sur la route - bien avant que je danse sous les lumières.". Et rien ne saurait mieux s'appliquer à ce que je vis en ce moment. Oui, je vais mieux. Oui, mes amis me voient souriant, en relative bonne forme, à faire de la montgolfière ou au musée. Ce que l'on ne voit pas, c'est tout ce travail de récupération fait dans l'ombre, sans lequel je n'en serais pas là, et tout ces moments où je suis complètement en vrac et durant lesquels, forcément, je ne vois pas grand monde.
Ce soir, cela va mieux. Je suis encore un peu patraque mais je commence à remanger. Et c'est reparti pour un tour.
C'est dans ces moments là qu'on a envie d'avoir la possibilité de t'envoyer toute notre amitié, toute notre énergie... (ou que j'aimerai être sur place)
RépondreSupprimerC'est vrai qu'on oublie parfois que derrière, pour un jour qui va mieux, y'en a 10 où tu en baves...
Avec toute ma tendresse de "tata", y compris pour Célia, qui vit ces moments avec toi...
oops, pardon pour les fautes... suis pas réveillée !
SupprimerMerci Nadine, d'ailleurs en effet Celia en a bien chié, reveillée a 4h du mat, a me gérer alors que je n'étais litérallement plus bon a rien... Elle a du mérite.
SupprimerSoyons honnête par contre: c'est pas 1:10 le rapport bon jours, mauvais jours. Je dirais que c'est plutot 1:1, ou 2:1, ou 3:1, en temps normal. Mais il y a ponctuellement des accidents qui sappent l'énergie et le moral.
Et l'expression sapper est vraiment appropriée, car tu essaie d'etre souriant etc, et tu es miné par des trucs à la con comme ca. Ce qui est dur, c'est surtout la répétition, en fait.
bah vivement le 3.0 ! ^_^
RépondreSupprimerah oui, bien vu ;)!
SupprimerPour les vaccins on comprends mieux ce que ressentent les petits quand on fait les rappels... les pauvres avec le vaccin de la grippe, ils ramassent en ce moment.
RépondreSupprimerQuant à toi et Célia, courage et on ne t'en voudra pas si tu ne poste pas régulièrement ;) l'essentiel c'est que tu te reposes et récupères. Alors encore une fois courage!
Et bien moi, je trouve ça déjà super de tenir un blog, ça demande de la persévérance, de la curiosité, sans compter le talent d'écrire, qui n'est pas donné à tout le monde ! Vous avez une belle plume, un regard décalé sur le monde, et le petit quelque chose de plus qui fait qu'on revient toujours avec plaisir sur ce blog.
RépondreSupprimerMais quand en plus, on traverse ce que vous avez traversé, qu'on s'en sort au terme d'une rude bataille contre la maladie (même si j'ai bien compris que la bataille n'est pas complètement finie), c'est encore plus admirable ! Alors quoi de plus normal de nous parler des hauts ET des bas, car nous avons bien conscience que les bas sont là aussi, ils font aussi partie de la vie, et ils rendent les hauts encore plus savoureux !
Je vous envoie plein de pensées positives et un rayon de soleil de chez moi.
Cécile
Hey, merci cécile. Décidément, il y en a des Céciles qui suivent ce blog!
Supprimerjuste courage !
RépondreSupprimercéline
Un commentaire pour te transmettre de l'énergie en espérant que celle ci te serve pour tout tes futurs posts (et pour tous les moments qu'on ne voit pas à essayer de les ecrires).
RépondreSupprimerJe rentre des US où je me suis contentée de voter et reprends la lecture en cours. C'est dingue ce que tu écris là au sujet des vaccins ! Je comprends qu'après une greffe et le renouvellement des cellules sanguines tu aies de nouveau besoin d'anticorps pour les principales maladies pour lesquelles on reçoit des vaccins dans la petite enfance, mais jamais tous en même temps. Quelle violence !
RépondreSupprimerJe ne suis pas certaine qu'en France on agisse ainsi. En ce qui me concerne, on m'a interdit toute vaccination sous prétexte que le système immunitaire s'effondre après chacune. Cela dit, il ne s'agit pas du même cancer et mon corps a conservé la mémoire des anciennes vaccinations et peut donc s'en passer. Je t'envoie par mail un article sur le sujet.
6 vaccins a la fois?! C'est dingue! On refuse d'en faire plus de 2 a la fois sur nos petits, avec le plein accord du medecin bien sur, apres avoir fait tout ce qui etait recommande pour le premier "round" de vaccins de la grande, et les jours horribles qui ont suivi. La, elle en a eu 2 cette semaine, avec une reaction et retour chez le medecin le lendemain. Alors 6... et encore, nos petits sont en bonne sante, je n'ose pas imaginer 6 vaccins sur une personne "saine", alors sur quelqu'un de malade...
RépondreSupprimerBon courage a vous deux, et prends soin de toi!
En fait j'ai demandé au médecin pourquoi est ce qu'on en faisait 6 a la fois, et pas 1 par semaine.
SupprimerLa réponse en gros: vous préférez en chier une semaine ou 6 semaines d'affilée?
I guess they have a point.
Courage a vous 2, on est avec vous. On t envoi plein de bisous mon grand.
RépondreSupprimerHey mec y'a pas de lézard (ça c'est pour faire jeune)tu as parfaitement le droit d'être patraque. Je me suis rendue compte à la suite d'un grave ennnui de santé que l'on attend de toi que tu sois comme avant lorsque tu rentres chez toi, et bien non, on est pas comme avant, on est naze, crevé et les problèmes des autres on s'en fiche(si,si il faut l'avouer, les problèmes de quotidien des autres, basta) on a la tête et le corps occupés à récupérer, moi, il m'a fallu deux ans pour être opérationnel, alors tu vis à ton rythme et ton rythme ce n'est pas celui des autres. Bises.
RépondreSupprimeropérationnelle, même l'orthographe il faut le récupérer
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