Aujourd'hui cela fait un an que j'ai reçu les cellules souches d'un donneur allemand, sans lesquelles je serais actuellement soit mort, soit bien parti pour.
C'est un anniversaire très particulier dans la communauté de transplantés. Une seconde naissance, presque plus importante que la première puisque celle-ci est consciente et qu'elle n'est possible qu'en acceptant pleinement la possibilité très réelle d'y passer... Et oui, comme dirait
mon professeur, le problème c'est que pour renaître il faut accepter de mourir.
D'ailleurs, le jour où j'ai reçu mes cellules souches est moins important que le premier jour de la transplantation, le jour où il a fallu franchir la porte, se mettre presque nu devant la machine d'irradiation et donner le oui final. J'étais terrorisé par la procédure et comme toujours on trouve dans ces moments des raisons de reculer. J'avais le nez qui coulait et peur d'être en train d'incuber un rhume, ce qui aurait pu être dramatique s'il s'était déclenché sur les ruines de mon système immunitaire fraichement atomisé, et j'ai failli demander à ce que l'on décale tout de quelques jours pour être sûr... Mais quelques jours plus tard, ça aurait été autre chose alors...
C'est un peu comme quand on monte en scène, ce trac horrible qui vous prend comme si en vous mettant à nu devant une audience vous risquiez de mourir... Sauf que dans ce cas, c'est exactement ce qui risque de se passer. Et il faut l'accepter, prendre une grande respiration et y aller. Lâcher prise. Après tout, au pire, on meurt, c'est tout!
Et puis, comme sur scène, la peur disparaît. Je suis comme mon père, je suis bon dans l'action. j'ai collé mon CD dans le lecteur portable, de la bonne techno bien puissante à fond les ballons, tellement fort que les techniciens sont sortis de leur cagibi pour me demander de baisser afin de pouvoir entendre si j'appelais à l'aide. Un conseil avisé, puisque le lendemain, lors de ma 3ème séance d'irradiation, je tomberais quasiment dans les pommes, interrompant momentanément la procédure. C'est d'ailleurs à ce moment qu'on se rend compte que ces rayons invisibles et indolores sont bien en train de nous tuer.
Je vous parle de ça, mais ce n'était pas mon intention. Demain, c'est un jour à célébrer, disais-je, mais j'ai du mal à avoir l'impression que c'est un jour spécial. Pour moi, le jour magique, ça sera quand je serais en vacances à Hawaii et que je me rendrais compte que j'ai plongé dans la mer en n'ayant aucune pensée sur le fait que l'eau c'est sale et plein de microbes et que les poissons pissent dedans. Là, la vie sera vraiment redevenu normale et j'ouvrirais une bouteille de champagne.
C'est donc assez symbolique. Je n'ai plus que 10% de risque de rechute, ça se fête! C'est aussi l'occasion de remercier à nouveau tout les gens qui m'ont soutenu au cours de cette année et demie. J'allais écrire "de merde", mais quand j'y pense, j'ai plus de souvenirs de joie qu'autre chose. Comme j'ai déjà fais une séance de remerciements (
ici,
là, et
là) il y a quelques temps, je vais condenser.
Il faut que je remercie en premier lieu
mon donneur, que je vais pouvoir à présent contacter par lettre et remercier personnellement, ce qui me tient très à cœur. Merci du fond du cœur.
Forcément, Celia. Ça n'a pas été facile, hein, mais on a quand même bien rigolé et beaucoup appris, non?
Ma famille et celle de Celia qui sont venus nous supporter pendant cette épreuve. Ma mère en particulier. On en a chié, mais j'étais content de vous voir et de vous faire découvrir ma ville, même si c'était à moitié mort sur la banquette arrière de la voiture.
Deuxlames et mon professeur. Ils ont le support aride, mais en béton armé, du genre, je paraphrase, "Ca va bien se passer", "Mais si j'étais au bord de la mort, tu dirais ça aussi", "Ben oui, mais c'est vrai, non?"... Et il faut bien reconnaitre que c'est vrai, même si ce n'est pas évident au premier abord.
Et finalement, toute l'équipe médicale du SCCA, le docteur Estey et ma PAC préférée Kelda, Donelle et Eileen, la réceptionniste Lauren, le planton du garage qui me connait et ne me demande plus des tickets de parking validés, le personnel de l'hopital de l'Université de Washington et en particulier l'équipe du 7NE, mes infirmières préférées, Lynsi, Renée, Erica, Stacey, Kirsten et toutes celles dont le nom s'efface, bien malgré moi. Nous venons vous voir demain, vous distribuer des chocolats, vous l'avez bien mérité. Une pensée spéciale aussi pour le tout jeune interne qui m'a diagnostiqué, qui pour la première fois diagnostiquait une maladie mortelle à quelqu'un.
Un dernier mots pour ceux qui sont en train de subir cette épreuve, ou une épreuve similaire, spécialement les enfants qui sont victimes de cette terrible maladie. On s'en sort, la preuve. On peut même en tirer plein de bonnes choses, la preuve. Et puis de toute façon, ne vous inquiétez pas. Ça va bien se passer. Courage, je vous embrasse à distance, au travers d'un masque de chirurgien. Les bisous, c'est pleins de microbes!