Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

jeudi 1 septembre 2011

Une question de responsabilité

Maintenant que la greffe a eu lieu, on peut surement parler de ma maladie au passé. Il vaut mieux d'ailleurs, alors même si ce n'est pas encore une certitude, on va faire comme si et on va considérer que je ne suis plus leucémique. Néanmoins il y a quelques mois j'avais commencé un post que j'aimerais à présent terminer, donc je vais continuer à en parler.

Il y a des dizaines de types de leucémies différentes. Celle qui m'a frappée est une leucémie aiguë lymphoblastique.

Lymphoblastique, cela veut dire que ce sont les lymphocytes qui sont cancéreux. Vous donner plus de détail sur ce plan, c'est m'exposer à vous débiter des âneries donc je vais m’arrêter là.

Aiguë, cela veut dire que la maladie s'est déclenchée brutalement, du jour au lendemain (surement durant février, pour un diagnostic le 8 mars) et qu'elle a une progression rapide si elle n'est pas traitée. Dès le début j'ai eu de la chance, car quand j'ai été diagnostiqué, j'étais déjà dans un état grave et j'aurais bien pu y passer avant même que le traitement démarre. C'est malheureusement une chose qui arrive: la maladie n'est pas diagnostiquée à temps, le patient attrape une infection, et en meurt.

La leucémie aiguë, c'est un cancer qui se déclenche comme ça, sans raison particulière. Il n'y a pas de lien génétique, pas de corrélation avec le fait d'avoir fumé, bu, pris des drogues ou que sais-je. Cette cochonnerie tape au hasard, des gamins de deux ans comme des personnes âgées, apparemment sans raison (même si je suis persuadé que des Tchernobyl ou Fukushima n'y sont pas pour rien...) et sans facteur déclencheur identifiable.

Bref, ce n'est pas de ma faute, et c'est tant mieux car sinon je ne sais pas si j'aurais eu la force de me battre.

En temps qu'ex-fumeur qui n'a jamais totalement réussi à arrêter, j'ai toujours eu peur du cancer du poumon. Et je me dis que si à la place d'une leucémie, on m'avait annoncé un cancer du poumon, j'aurais eu du mal à l'accepter, à m'accepter, à me pardonner et à relever la tête pour me battre. Du mal à supporter l'idée que ce que je fais vivre à ma famille et à mes amis est de ma faute.

J'en ai parlé avec des gens qui travaillent justement avec des personnes qui ont un cancer du poumon, et apparemment les malades sont souvent fatalistes et préfèrent connaître le coupable, même si c'est eux-même. Les gens semblent d'ailleurs avoir plus de mal à accepter ce qui est inexplicable, inattendu, "injuste".

Pour moi c'est l'inverse. C'est un coup dur, c'est sûr. C'est dur à vivre, c'est sûr. Mais c'est juste comme ça. Je suis droit dans mes godasses, cela n'est pas de ma faute. Moi, ça m'aide.

Attention, je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que j'émets un jugement de valeur sur les gens qui ont, par exemple, un cancer du poumon. Comme je le disais, j'ai fumé longtemps, arrêté souvent pour mieux redémarrer, et vous ne me prendrez pas donc pas à jeter la première pierre. Je vous livre juste mon ressenti face au diagnostic d'une maladie qui peut être qualifiée d'injuste.

En revanche, cela m'a vacciné contre clope et autres saloperies, justement. Quand tu te choppes une vacherie pareille, tu te dis: "Plus jamais ça. Plus jamais." Et contrairement au serment de lendemain de cuite, tu t'y tiens parce que ce coup-ci, contrairement à la plupart des gens, tu as vu la mort en face. Et tu te demandes comment tu peux faire comprendre cela aux gens qui maltraitent leur corps d'une façon ou d'une autre (que cela soit par l'abus de substances toxiques, de nourriture toxique, de stress, de fatigue....).

Je ne l'ai jamais ressenti aussi fort que quand j'étais complètement cassé, fiévreux, invalide, incapable de faire la moindre chose tout seul pendant mon séjour à l'hôpital pour la greffe. Tu n'a qu'un corps et quand il est cassé, c'est trop tard, et plus rien d'autre n'a d'importance. Il faut en prendre soin, dès maintenant.

5 commentaires:

  1. Pascale D. de VaBeach1 septembre 2011 à 11:10

    Emouvant. Absolument droit de vérité. je te souhaite que ton courage et force continuent tous les jours! J'espère qu'un jour ma famille et moi aurons l'occasion de vous rencontrer, toi et Célia. Peut être en France par nos liens de parenté. Bonne continuation!!!!!!!

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  2. On ne se connait pas mais j'ai été confronté à un truc un peu pareil et comme vous, j'ai préféré que ce ne soit pas de ma faute si ma fille ne pouvait pas vivre. Que ce soit le hasard m'a rassuré. M'a permis d'avoir un autre bb.
    J'aime toujours autant vous lire.
    Je vous souhaite, à vous et à ceux qui vous entourent, de la joie, de la bonne humeur et maintenant une santé de fer.

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  3. Merci Catherine et désolé pour les mauvaises nouvelles que l'on devine à demi mot.

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  4. Il y a une "leçon" à tirer de toute expérience et le cancer (comme toutes les maladies graves) a lui aussi quelque chose à nous enseigner. Il nous permet de faire quelque part le ménage dans notre vie, de revoir nos valeurs, etc. Dommage qu'il faille en passer par là parfois...

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  5. ce que tu écris est fort juste, mais pour ma part, j'ai toujours recherché pourquoi ma fille avait eu la même maladie que toi...même si elle va bien aujourd'hui..et je pense à Catherine (d'au dessus) qui n'a pas eu cette chance..
    bon courage pour maintenant et plus tard..

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