Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mardi 14 décembre 2010

Une histoire de fuite

Non, je ne vais pas vous parler de Wikileaks, même si ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Pour changer je vais encore vous entretenir de la pluie. On n'est pas à Seattle pour rien.

L'année dernière à la même période, nous vivions encore dans notre premier appartement, situé au premier étage d'un immeuble pour étudiants bon marché et, avouons-le, quelque peu vétuste.

En novembre, quand il a commencé à pleuvoir de façon continuelle, nous avons eu la surprise de trouver un jour des flaques sous la fenêtre de notre séjour. Après investigation de l'équipe de maintenance de l'immeuble, il s'est avéré que la pluie ruisselait contre les murs extérieurs et s'infiltrait dans divers défauts du revêtement pour finir dans notre salon.

Nous étions légèrement interlocutés; d'ailleurs cela aurait pu mal finir cette blague, la flaque s'étant formé au dessus d'une prise électrique. Nous pensions, naïvement, qu'au pays de la pluie ils auraient appris à faire des habitations étanches même dans des immeubles bas de gamme. Il se trouve que non.

Un an plus tard. Nous habitons désormais au dernier étage d'un immeuble "de standing" flambant neuf, aux dernières normes. Un vrai bâtiment avec du vrai béton dans les murs, à priori aussi étanche qu'un sous-marin.

Quand la pluie a commencé à pisser dru, pas de panique. Nous avons continué à dormir sur nos deux oreilles bercés par le bruit de la pluie frappant nos fenêtres, confiants (et naïfs) que nous étions. Jusqu'à Lundi dernier.

Je me suis réveillé au milieu de la nuit. J'ai le sommeil plutôt léger en règle générale, les trucs inhabituels en particulier me tirent facilement du sommeil. Je me suis réveillé donc, vaguement agacé par le bruit du voisin du dessus en train de prendre sa douche.

Come on. Prendre une putain de douche en plein milieu de la nuit? Faut quand même être chiant. Je me retourne, essaie de me rendormir. Punaise. Gonflé quand même ce voisin.

Sauf que. Il n'y a pas de voisin au dessus de nous, on est au dernier étage. Comme disent les anglais:

"Bollocks".

Sans jeu de mot, c'est la douche froide: je saute du lit, me précipite dans le salon, et découvre un filet d'eau qui coule allègrement du plafond. Je m'habille dare-dare, file sur le toit, et... Rien. Tout semble nickel, pas de fuite en vue. Je redescend et essaie de limiter les dégâts en plaçant stratégiquement saladiers et serviettes.

Le lendemain. Le service de maintenance est comme d'habitude efficace, à huit heures un technicien constate les dégâts et va faire son enquête. Je prend l'ascenseur pour aller bosser et en attendant j'entends distinctement un

"Ploc."

Comment ça, "Ploc."? Je lève les yeux et me rend à l'évidence: l'ascenseur fuit. Ben voyons. Je pars en quête du technicien et lui signale la nouvelle fuite. Celui-ci me remercie abondamment: il y a deux ans, une fuite similaire a fait griller l'ascenseur, ce qui l'a apparemment bien fait chier.

Le soir, en rentrant du boulot, je passe voir les gérants de l'immeuble, qui s'excusent profusément, en m'assurant que cela n'est arrivé qu'une fois auparavant. Comme si j'allais les croire...

Bref, j'en remet une couche après mes posts sur l'électricité de Seattle. Derrière le clinquant, le grandiose de l'Amérique, plus grand pays du monde, il y a le carton pâte, les constructions bon marché ou des économies sont faites à tous les niveaux pour dégager plus de marge au constructeur.

Le pire c'est que dans ce petit jeu, le promoteur est toujours gagnant, et le consommateur souvent perdant: les immeubles sont construits à peu de frais, et l'on fait payer aux locataires un service de maintenance. Certes, c'est un plus en terme de qualité de service, mais c'est avant tout une nécessité pour rafistoler ce qui pète inévitablement et probablement un moyen de se faire un peu de marge au passage.

Les américains commencent à se rendre compte du problème, mais on ne vit clairement pas dans la même échelle de temps: ils préfèrent des économies immédiates à un cout moindre sur le long terme. Quelque part, c'est aussi un peu normal: quand nous sommes arrivés à Seattle, je parlais à un ami de mon appartement à Paris, acheté en empruntant sur 30 ans. Cela lui semblais aberrant de penser que l'immeuble serait encore là dans plusieurs décennies: j'ai du lui expliquer que mon appartement existait déjà quand Seattle avait tout juste 30 ans... Forcément les données du problème ne sont pas les mêmes.

Em me relisant, Celia me dis que je suis partial et que je tire dans ces trois derniers paragraphes des conclusions de façon un peu hâtive en me basant sur deux exemples ponctuels. Son coté scientifique, surement, mais elle n'a pas forcément tort. Moi ce que je sais, c'est que si je trouve un bug à l'oeil nu, c'est surement qu'il y en a 25 planqués. Mon coté informaticien, surement.


4 commentaires:

  1. Ça oui les cafards, quand t'en vois un, il y en a mille sous le frigo !

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  2. Effectivement, constructions en bois (de cagette)... Alors oui, c'est joli et moderne, mais il n'y a aucune isolation (grâce au papier mâché qui sert de mûr) entre autres. Enfin bref, mieux vaut se porter vers des constructions d'avant guerre, fait de brique et de béton. Ça a son charme mais ça tient surtout!

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  3. L'avantage d'une construction pas chère, c'est que pour le même prix qu'une chère on peut la démolir tous les 20 ans pour en reconstruire une neuve mieux qu'une chère vieille de 20 ans. Bon sens américain.

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  4. C'est marrant, ta remarque sur le fait qu'ils construisent du "cheap" pour mieux facturer de la prestation de service.

    Ça me fait penser à une anecdote. En 1990, un groupe de profs de mon collège était parti faire un voyage en Russie. À l'époque, ça ressemblait encore un peu à une expédition. Et un prof d'économie avait fait une remarque qui m'avait marquée à l'époque. Le communisme garantissait encore le plein emploi. Mais cela voulait dire entre autre que la plupart des outils industriels avaient une fiabilité déplorable. Tout le monde y était habitué, et surtout ça justifiait l'emploi d'un grand nombre de mécaniciens et autres réparateurs en tout genre qui faisaient en sorte que tout ça tienne à peu près debout.
    Le prof disait que c'était une méthode absolument pas viable dans la durée, aussi bien en termes économiques que fonctionnels. On en voit d'ailleurs le résultat maintenant.

    C'est amusant de se dire que l'Amérique tu décris ressemble (sur certains points) à la Russie communiste...

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