Le plus intéressant dans toute cette affaire, ce sont les commentaires des gens sur le site où j'ai lu cette histoire (Slashdot, pour ceux qui connaissent).
Je m'attendais d'abord à un chorus indigné des libéraux (démocrates) clouant au pilori les pompiers. Chorus indigné il y a bien, mais c'est Cranick (la "victime") qui se fait conspuer.
Pourtant, les libéraux sont pour plus de service public en général et le font clairement savoir: il est bien clair dans leur esprit que tout ceci pourrait être évité avec des pompiers payés par l'état et leurs impôts et que les états-unis devraient prendre exemple sur l'Europe "socialiste" dans ce domaine. Cela vous semble peut-être évident, mais dans ce pays ce n'est pas rien, le "socialisme" étant vraiment un espèce de croque-mitaine.
Pourtant, aucune empathie envers l'homme qui a perdu sa maison: le raisonnement étant que selon toute probabilité celui-ci est un bouseux typique du Tennessee, qui crie au loup dès que l'état essaie d'augmenter les impôts pour financer un semblant de service public. Le comportement du monsieur laisse d'ailleurs penser que cette hypothèse est correcte. Bref, bien fait pour sa tronche, il réfléchira deux fois avant de refuser la prochaine augmentation d'impôts.
Une deuxième catégorie de personnes voit cela de façon totalement typique pour des américains: en noir et blanc sans nuance de gris. Le mec n'a pas payé son écot, il a joué, il a perdu, dommage. J'ai tendance à être d'accord avec eux: quand on vit dans ce pays suffisamment longtemps, on sait que tout est appliqué au pied de la lettre et qu'il faut faire très attention... Ne pas payer pour être protégé par les pompiers, c'est demander à subir ce genre de tragédie.
Il y a des variantes: certains expliquent pourquoi les pompiers ne peuvent accepter d'argent au moment de l'incendie (si cette pratique se généralise, plus personne ne paye pour être protégé, du coup la caserne met la clé sous la porte, du coup plus personne n'est protégé). Le raisonnement est correct, même si sous le coup de l'émotion, j'avais du mal à voir ce coté de la chose.
Malheureusement, le commandant des pompiers doit composer avec le système en place, et l'on peut comprendre sa décision. Il n'est pas responsable du système en place, il doit faire avec, point barre.
Cette catégorie de gens ne se pose pas trop de question sur la qualité du système en lui même, ce qui fait un peu peur. Toutes leurs réflexions autour du problème sont complètement contenues dans la boite qu'est le système en place, et toute tentative de porter la discussion sur un autre plan est vouée à l'échec.
La dernière catégories de personnes ce sont évidement les républicains pur jus, qui estiment que c'est la responsabilité de l'individu, pas de l'état, de se protéger. Il n'y a donc rien d'anormal dans toute l'histoire, le monsieur à joué, a perdu, bien fait pour lui et il n'y a pas de quoi fouetter un chat. On peut facilement les confondre avec la catégorie précédente, mais il y a une différence de taille: ils ne font pas qu'analyser froidement le problème, ils défendent complètement le système en place, qui selon eux est valide idéologiquement parlant. Capitalisme, individualisme, toujours justifiés par l'idéal de démocratie et de liberté individuelle républicain. Le fait que la liberté devienne de l'égoïsme et de la bêtise ne semble pas les effleurer.
Il faut noter qu'il y a une extrême minorité de gens apolitiques affirmant qu'argent ou pas, on ne laisse pas bruler une bicoque quand on est pompier, point barre. Ce qui m'attriste fortement, évidement.
Mais alors dans cette histoire, qui est responsable?
En tant que Français, on a tendance à tout de suite penser que l'état n'a pas fait son boulot...
Sauf que dans ce cas, c'est l'inverse. Cela fait apparemment plusieurs fois que le Tennessee veut passer une taxe sur le revenu afin de financer plus de service publics mais que le peuple (majoritairement républicain hardcore) l'en empêche. Dans les années 90 il y a apparemment même eu des émeutes...
On comprend donc mieux l'opinion des démocrates ainsi que le manque d'empathie générale pour la famille qui a perdu sa maison. Selon toute probabilité et quelque que soit notre point de vue et notre idéologie, ils l'ont bien cherché.
donc ca craint un peu du boudin la bas quand même, la notion de sauvetage n'existe donc pas de façon gratuite (hors calendrier, bal des pompier et tombola)? les hôpitaux sont donc identique je présume....... au fait la secu la bas ça en es ou??? obama a toujours les poings liés ou ça se dégage?
RépondreSupprimerSalut,
RépondreSupprimerIl faut bien comprendre que ca concerne l'état du Tennessee. Dans d'autres états, les pompiers sont un service public.
Les hopitaux, aux urgences du moins, te soignent meme si tu n'a pas de thunes. Mais on en reparle... La sécu, ca n'existe pas... Ce dont il faut parler c'est la réforme de la réforme du système d'assurances. Ca avance petitement, apparement.
"La sécu, ca n'existe pas." : si, ça existe pour les vieux (Medicare) et pour certains les personnes en dessous d'un certain revenu et avec des conditions particulières (Medicaid). Ce qui n'existe pas, c'est la couverture universelle. Et Obama tout en ayant réussi à étendre les bénéfices de Medicaid et Medicare, n'est pas parvenu à la faire voter.
RépondreSupprimerExact Jean. Je pensais "cela n'existe pas pour moi".
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerPassionnants billets qui me remémorent l'ouvrage de Philippe d'Iribarne, "la logique de l'honneur". C'est une étude de sociologie des organisation du travail qui compare trois usines, a priori identiques, dans trois pays : la France, les États-Unis et les Pays-bas. Surtout, elle compare et analyse les rapports de pouvoir, comment s'organisent les hiérarchies en fonction des habitudes culturelles. C'est passionnant à la fois pour comprendre comment les autres fonctionnent, mais aussi comment nous fonctionnons nous-même en tant que Français. Notre logique est celle de l'honneur. Tout pompier français ne laisserait jamais brûler une maison parce que s'il le faisait il aurait le sentiment de déchoir, de ne pas être à la hauteur de son travail, d'être "impur" - Iribarne fait un détour pédagogique par les castes indiennes. C'est pour cela que dans beaucoup de domaine, on l'a vu aussi avec les soldats français engagés sous les casques bleus, les Français outrepassent souvent ce qui leur est demandé, simplement pour faire leur travail pleinement. Ils assument plus facilement la responsabilité collective aussi, l'honneur du bataillon, l'honneur du journaliste d'investigation, etc. Tandis que, comme vous le décrivez, les Américains fonctionnent selon la logique du contrat. Les pompiers ont respecté le contrat qu'ils avaient passé avec ce type : ils ne l'ont pas protégé parce qu'il ne leur avait pas demandé. Dans le monde du travail, cela explique souvent le fait que les Américains vivent de façon beaucoup moins troublante un licenciement : le contrat arrive à son terme. Tandis que les Français seront plus sensible à l'"échec" et à la déchéance qui va avec. Mais il faut lire d'Iribarne, c'est beaucoup mieux expliqué que dans ce trop long commentaire. Au passage, il explique aussi pourquoi les Américains ne comprendront jamais les Français qui manifestent si bruyamment dans la rue. Pour la fin de l'histoire, les néerlandais fonctionnent selon la logique du consensus et il y a évidemment toute une palette de nuance en fonction des individus.