Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

lundi 13 juin 2011

Hydravions de Seattle II

Comme prévu, après l'arrêt des stéroïdes, je me suis effondré de fatigue. Mon corps s'est pris de plein fouet le contre-coup de la chimio et des deux semaines passées à ne dormir que cinq heures par jour. Du jour au lendemain, je me suis mis à faire des nuits de douze heures, en plus de mes siestes de l'après-midi.

Et j'ai commencé à déprimer.

J'ai passé deux semaines dans un état second, un peu comateux, à n'avoir envie de rien, à faire des crises d'angoisse, à gamberger sur la mort et tout ce qui ne s'ensuit pas. Bref, deux semaines à filer un bien mauvais coton.

Paradoxalement, j'allais plutôt bien physiquement, si l'on occulte la fatigue. Et paradoxalement, je crois que c'est ça qui m'a fait lâcher la barre et partir à la dérive. Tout allait bien, plus de douleurs, plus de nausées, plus de problèmes administratifs, bref plus rien de tangible à affronter, du coup la tension s'est relâchée et je me suis effondré.

Le pire c'est que ce n'est pas très spectaculaire, ce genre de dépression. Tu ne te réveilles pas la nuit en pleurant. Tu passes juste tes journées à regarder dans le vide avec une vague angoisse qui te tenaille les tripes que tu calmes à coup de Temesta. Et tu gamberges, tu te demandes comment tu vas faire pour sortir de cet état, car rien ne te fait envie, tout te fait peur.

Alors un week-end, j'ai décidé de prendre les choses en main. De faire un truc fun et excitant, sortant de l'ordinaire. On a immédiatement pensé à un tour d'hydravion. Le problème c'est que j'avais peur de l'hydravion, une certaine peur de l'amérissage notamment, exacerbée par mon état dépressif.

Et puis merde, je me suis dit. On ne vit qu'une fois, et certains moins longtemps que d'autres, alors faut en profiter un peu. Et à la surprise de Celia qui pensait devoir me forcer la main, j'ai réservé un tour d'hydravion au dessus de  Seattle.

Comment commencer à vous décrire à quel point c'est magique un tour en hydravion?


Tu montes dans l'habitacle, le capitaine lâche les amarres et pousse l'avion du quai, prend son élan et saute à bord. Il met les gaz et s'engage sur le Lake Union. Nous passons à coté d'un voilier en bois, un kayak nous coupe la route, on vogue tranquillement près d'un yacht où une famille se prélasse.


Soudain le capitaine discerne une piste de décollage et envoie les gaz. En quelques secondes nous sommes en l'air, dans un virage ébouriffant qui nous emmène vers le lac Washington. Quelques minutes plus tard, nous sommes au dessus de Safeco Field et l'on pourrait presque voir le score du match qui est en train de s'y jouer. Je suis tellement occupé à regarder partout que je ne réalise pas que nous sommes en train de passer à coté de la Space Needle.



C'est déjà le moment d'atterrir. L'hydravion fonce vers le lac et on se demande bien où il va pouvoir se poser: c'est un dimanche magnifique et le lac est noir de monde. J'ai beau regarder, je ne vois pas d'espace, mais le capitaine n'a pas l'air inquiet. Au dernier moment, petit virage et l'avion se pose entre les bateaux dans un couloir qui s'est formé momentanément.

Nous descendons de l'avion les jambes un peu tremblantes, il faut bien l'avouer, comme après avoir fait un tour de montagnes russes à la fête foraine.

C'est en arrivant à la maison que je me rend compte que quelque chose a changé dans ma tête. En affrontant une petite peur, j'ai repris le dessus, je ne suis plus angoissé maladivement. Retrouver le moral prendra encore un certain temps, mais le premier pas est fait.

(plus de photos sur facebook, et vous pouvez retrouver des vidéos sur le site des Seattle Seaplanes)

8 commentaires:

  1. Bravo!!!! Quand ton moral reprend le dessus de toi meme c'est 1 grand pas de fait! Bon courage pour le reste!

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  2. Good for you Loïc!
    les crises d'angoisses sont de belles saletés à gérer et j'admire ta capacité d'analyse et ta réactivité. Et avec toi "prendre de la hauteur et de la distance" prend tout son sens!
    Allez accroche-toi.

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  3. J'ai pensé à toi le week-end dernier en regardant un bel hydravion passer au dessus de Castel Gandolfo à côté de Rome (j'y étais de passage pour un mariage).
    Tiens bon pour la déprime! Je connais bien ce genre de bad trips, ça fait des années que je traîne ça... C'est top ce tour d'hydravion, ça me rappelle mon baptême d'hélicoptère au dessus de la Toscane!

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  4. ce billet est très positif, tu es prêt pour la suite .. et tu as fait le premier pas ce jour là..
    courage pour la suite du traitement..et le moral est certainement un très bon médicament, il faut le booster!
    à bientôt pour d'autres posts..

    et merci d'avoir répondu à mon mail..
    Catherine

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  5. S'approcher des nuages, voir le monde d'un point de vue différent (bon, Seattle seulement, d'accord), se rendre compte que quelquefois le changement de perspective peut modifier ta façon de voir les choses, voilà un petit bout de plaisir qui laisse à penser que tout ce que tu as traversé jusqu'ici, va te permettre de voir plus loin, plus intensément la vie qui s'ouvre à toi. Chaque étape par laquelle tu passes t'apprend qu'il faut déguster, faire vivre le bonheur ressenti sur l'instant et l'exalter en y repensant les jours de "moral dans les chaussettes", par exemple.
    Pontifiant et ergoteur, hein ?
    Bah, depuis que je te lis, j'ai bien vu que tu les avais en béton armé... Le moral et la joie de vivre, bien sûr (o^.^o) !!!
    Gros, gros bisous du Sud, et toutes mes affectueuses pensées à vous tous. ♡ ^*^

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  6. J'ai jamais fait un tour d'hydravion (trop peur). Pire, j'ai souvent hurlé quand ils ont passé un peu trop près de ma maison à Wallingford...

    C'était une super idée, Loic. Tu es beaucoup plus courageux que moi (mais ça je savais déjà :-)

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  7. Tu as bien fait de te faire plaisir et puis l'avion (ou l'hydravion) c'est un chouette moyen de s'envoyer en l'air ! Moi qui ai un brevet de pilote je me suis toujours dégonflée de piloter un truc pareil... et même de monter dedans. Pourtant l'été dernier en Alaska j'en mourrais d'envie !

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  8. Dis, quand est-ce que tu nous racontes ton saut à l'élastique ?... :P

    Super, la photo du stade vu d'en haut !

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