Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mardi 15 novembre 2011

Syndrôme de Stockholm II

Ce post est la suite de "Syndrôme de Stockholm". Comme celui-ci, il contient certaines images un peu graphiques. Vous voilà prévenu!

Je vous parlais donc de mon Hickman. Il se trouve que l'on me l'a retiré jeudi dernier. Jusqu'à preuve du contraire, je suis guéri et l'on ne me fait plus qu'une prise de sang par semaine, rien ne justifiait donc plus d'avoir ce bébé Alien en couveuse dans ma poitrine, d'autant que pour utile qu'il soit quand on est malade, c'est un risque d'infection non négligeable. D'autre part, comme je le disais précédemment, c'est une vraie chienlit à entretenir, c'est pénible pour dormir, et on ne peut pas prendre de bain avec.

Alors la question à 100 dollars que vous allez me poser, c'est: "Comment est-ce qu'on se débarrasse de ce truc"?

Facile, comme pour tout Alien, on tire dessus, fort.

Je ne plaisante pas du tout, même si j'ai eu du mal à le croire quand on me l'a dit la première fois. Il suffit de couper les sutures (dans mon cas, l'une d'elles avait déjà été excrétée par mon corps), puis de tirer dessus comme un taré jusqu'à ce que cela vienne. Autant vous dire que le médecin n'y va pas de main morte, car depuis 6 mois que le Hickman est en place, des tissus se sont formés autour, empêchant son mouvement.

Apparemment (d'après la réaction de Celia) c'est assez pénible à voir. Pourtant il n'y a pas de sang, pas de décharge de fluides d'aucune sorte, et c'est à peine douloureux... Mais ça doit faire bizarre de voir ce truc sinueux sortir de son trou. Personnellement, cela ne m'a pas dérangé le moins du monde. Après la variété de procédures médicales que j'ai subi, je suis un peu vacciné, les aiguilles et autres trucs cradingues et pas agréable, j'en ai bouffé tellement qu'il en faut un peu plus pour me faire frémir. Je veux dire, entre ça et s'assoir à moitié à poil devant une machine qui va t'irradier la tronche à n'en plus finir, je prend l'arrachage sans hésiter.

Notez le lieu où sont ancrées les sutures. Tout le reste est plongé  dans le corps, soit environ 20 cm.
En revanche, c'est psychologiquement que cela a été très dur. Comme je l'ai mentionné, le Hickman, chose étrange symbolisant la maladie quand on vous l'implante, devient vite votre meilleur ami, une ligne de vie qui permet de vous administrer les médicaments et vous guérir. Un peu comme la ligne de rappel d'une cordée: c'est pénible, cela restreint tes mouvements... Mais on ne grimpe pas l'Everest sans.

J'avais ce sentiment bizarre que si l'on me l'enlevait, je retomberai malade aussi sec. Que dès qu'il serait hors de mon corps, je ferai un malaise nécessitant que l'on m'hospitalise et que l'on m'injecte diverses substances désagréables dans une intraveineuse tout sauf adéquate...

Il y a aussi ce sentiment étrange que l'on m'enlève "ma maladie". Bizarre d'en parler comme cela, n'est-ce pas? Pourquoi croyez-vous que ce post porte ce titre? Je ne suis plus malade, pourtant, je ne suis pas non plus bien portant, et je ne le serais pas avant plusieurs mois (sans compter le risque que je retombe malade).

Et vous savez, je suis quelqu'un d'actif. J'ai du mal à supporter de rester à la maison, payé à rien faire. Sans mon Hickman, sans cette preuve que je suis malade, j'ai peur que l'on ait l'impression que je profite d'un bon prétexte pour rester chez moi à glander. Comment voulez-vous qu'une personne qui me croise pendant 10 minutes dans la rue en train de faire mes courses; comprenne que je suis complètement immunosupprimé et que je ne porte pas un masque par paranoia japonisante? Que oui, je suis debout en train de faire mes courses en centre ville, mais que je vais passer 2 heures dans mon fauteuil à récupérer après?

Pas très rationnel tout cela, n'est-ce pas?

Pendant quelques jours, j'ai eu du mal à me réadapter à la vie sans cathéter. Par exemple, j'avais l'habitude de dormir nu la nuit (désolé pour les détails). Et depuis le Hickman, je dormais avec un t-shirt pour le protéger... Lors de ma première nuit à poil (oui, ils repoussent) depuis 6 mois, je ne me suis jamais senti aussi nu et vulnérable.

le point d'entrée: on distingue les marques de sutures

Vous pourriez croire aussi que j'ai sauté sur l'occasion pour prendre un bain... Mais en fait; le trou n'est pas complètement refermé (il y a une croute), et j'ai une phobie totale de l'immersion... J'ai même fait des cauchemars la nuit ou je tombais dans l'un des nombreux lacs de Seattle et où de l'eau pénetrait dans mon corps via le Hickman... Bref, il va encore se passer quelques jours avant que je prenne un bon bain. Chaque chose en son temps. Quand je verrai de la bonne vraie peau à la place de ce trou, alors je prendrai un bain. Pendant une journée. Au moins.



samedi 12 novembre 2011

Comptez-vous!

Avant-hier, j'ai eu un commentaire qui m'a fait super plaisir d'une certaine "chabadabada", que j'embrasse au passage, qui vient de s'inscrire au registre des donneurs de moelle.

Ce n'est pas la seule qui ait faite cette démarche depuis que je suis tombé malade, du coup je me demandais si vous pouviez vous compter en me laissant un commentaire, ou si vous voulez rester anonyme en m'envoyant un mail.

En fait, j'aimerai tenir à jour un espèce de compteur, mon idée étant que les compteurs en général ça motivent les gens pour les faire monter, un peu comme les scores à Pac-man quoi.

Et puis ça me ferait plaisir, tout simplement.

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui!

mercredi 9 novembre 2011

Leucémie et greffe de moelle osseuse, J+103 I

Fin octobre, j'ai eu le droit à une semaine relativement intense d'examens divers et variés, en vue de me transférer du service de transplantation à mon service d'oncologie standard.

Au programme, plusieurs types d'examens: tout d'abord des tests pour valider que je suis en rémission complète, mais aussi des examens pour estimer mon état général. Les résultats sont en général bons, voir excellents, et parfois surprenants.

Les plus importants de ces tests sont le prélèvement de moelle osseuse et la ponction lombaire; qui permettent de détecter des quantités infinitésimales de maladie. D'après ce que j'en ai compris, cela ne détecte même pas des cellules cancéreuses: pire que ça, cela permet de détecter des fragments d'ADN signalant la présence ou non de la maladie. On fait difficilement plus sensible quoi.

Et bonne nouvelle, pas de trace de leucémie. Ouf!

On a ensuite fait un bilan sanguin: en effet, j'ai changé de groupe sanguin pendant la transplantation, mon donneur étant A+ alors que je suis O+ à l'origine. A l'heure actuelle, je suis à 80% A+, mais il me reste des anticorps anti-A, du coup cela détruit un peu mon sang, ce qui explique que mon niveau d'hémoglobine ne soit pas encore remonté à la normale.

On a aussi passé en revue mon historique de transfusions, ce qui tombe bien car j'avais totalement perdu le compte. J'ai donc reçu 17 transfusions de sang et 26 de plaquettes. J'ai été plutôt chanceux dans l'affaire car lors d'un des cycles de chimio, mes comptes n'ont bizarrement pas baissé, et je n'ai pas eu besoin de transfusions après la transplantation. Bref, dois-je vous le répéter? Les dons de sang et de plaquettes sauvent des vies.

Quoi d'autre?

Bon on m'a aussi examiné les chicots, tout va bien rien à signaler, c'est chiant de parler de ça.

Par contre, plus amusant, j'étais suivi par une nutritionniste. Pour vous donner une idée, en bonne santé, je pèse 72 kilos pour 1m88. Autant vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de gras et que cela ne fait vraiment pas lourd (mon poids "idéal" serait plutôt  de 80 kilos selon les standards américains, donc bon disons 75kgs quoi).

Durant la période suivant la transplantation, j'ai perdu énormément de poids, surtout après être sorti de l’hôpital, quand j'ai fais du GVHD de l'estomac. Je suis descendu à un incroyable 60kgs, par une combinaison de perte de masse musculaire et de sous alimentation due à la nausée et les vomissements.

Depuis, je travaille dur pour regagner tout cela: je mange toutes les deux heures, plus de 3000kcals par jour et plus de 100g de protéines par jour, pour reconstituer tout cela. Pour l'instant, je suis remonté à 65kg, ce n'est pas encore le top, mais la prednisone m’empêche de reprendre de la masse musculaire.

La nutritionniste a donc fait un bilan sanguin complet avant de me laisser partir, pour vérifier entre autre mon niveau de cholestérol, de sucre sanguin et autres indicateurs similaires, notamment car je prend des médocs qui peuvent avoir un impact très négatif sur ces niveaux.

C'était un moment très amusant, car la nutritionniste était sidérée par mes résultats. J'ai apparement les chiffres les meilleurs qu'elle ait jamais vu de sa carrière... Je n'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire. Déjà que pour un français, j'ai un régime on ne peut plus sain, alors pour un américain moyen...

C'est pourtant simple bordel: manger de la viande et des légumes préparés soi-même, limiter au maximum tout ce qui est processé (sauf l'occasionnelle tablette de chocolat, faut pas non plus déconner), boire du thé ou de l'eau, et faire de l'exercice tous les jours. Voilà, j'ai réglé le problème de l'obésité, première cause de mortalité aux US. Est-ce qu'on peut transférer les fonds de la recherche anti-obésité pour la recherche anti-cancer, maintenant que j'ai résolu le problème? Merci bien.

J'ai aussi eu le droit à un examen de capacité pulmonaire dont les résultats sont excellents, avec entre autre une capacité pulmonaire à 140% de la normale. C'est mes "frères d'école" qui vont être content: nos exercices respiratoires... Si on les fait, ils marchent ,).

La seule mauvaise nouvelle dans l'affaire, c'est le DEXA-scan. C'est un examen qui mesure la densité des os, que l'on m'a fait car un certain nombre de médicaments que je prends, les stéroïdes notamment, ont un effet délétère sur les os.

Malheureusement, j'ai une certaine perte de masse osseuse, ce que l'on appelle de l'"ostéopénie". Ce n'est pas encore de l'ostéoporose, mais cela veut dire qu'en gros mes os ont 80% de la densité considérée normale, ce qui m'expose à un risque plus important de fracture. Normalement cela se résout par soi-même en quelques années, en faisant de l'exercice et en se supplémentant en calcium... On verra.

Voilà pour le bilan de santé, ce post commence a être un peu long, donc je vous parlerais de ce à quoi l'on peut s'attendre dans l'avenir (mes chances de survie, notamment, qui sont plutôt pas mauvaises à ce point) une prochaine fois.

jeudi 3 novembre 2011

Cannon Beach

Bon aujourd'hui, je ne vais pas vous parler de leucémie ou de transplantation, ou de moelle osseuse. Enfin je le fais quand même, mais c'est juste pour que Google comprenne un peu la chanson. Je sais que j'ai un bilan de santé à vous faire (ahah j'ai l'impression d'être le président de la République), mais on va dire que je le ferais au jour 100, c'est à dire dimanche. Je vous rassure, tout va bien et tous les tests sont bons.

J'avais commencé à vous raconter notre escapade à Portland, juste avant que ne commence la préparation pour la transplantation, mais je m'étais arrêté au premier jour. Pourtant dans ce voyage, c'est le deuxième jour le plus important. Pourquoi? Car nous avons réalisé des rêves de gosse.

Qu'avons nous fait de si important? C'est tout simple: nous sommes allé passer la journée à Cannon Beach.

Cannon Beach, cela ne vous dis surement rien, pourtant il est presque certain que vous l'ayez déjà vu. C'est une plage du Pacifique absolument magnifique, située à une heure de route de Portland sur la cote de l'Oregon, caractéristique de la part de la présence de formations rocheuses similaires à la falaise d'Etretat, le fameux "Haystack Rock".



Contrairement à ce que l'on peut penser en regardant une carte macro des U.S, Seattle n'est pas située sur le Pacifique, mais sur le Puget Sound, un estuaire qui fait plus de 200 kilomètres de long. Quand on regarde l' "océan", par temps clair, on distingue la péninsule Olympique, pas Hawaï. En deux ans sur la côte Ouest, nous n'avions jamais vraiment vu le Pacifique. Enfin si, à San Francisco, mais cela ne compte pas car nous étions resté en ville.

Je ne sais pas pourquoi mais a été un moment très chargé en émotions. C'est peut-être un peu triste à dire, mais je ne suis généralement pas du genre à être émotif devant la beauté de la nature (c'est marrant d'ailleurs car je suis très facilement remué par un bouquin ou de la musique, mais un paysage, non), mais là ça m'a fait un choc.

En arrivant sur la plage, c'est idiot mais les larmes ont commencé à couler, sans que je ne puisse les retenir. Celia s'est tournée vers moi en me demandant ce qui n'allait pas, alors j'ai menti, lui disant que c'était juste le sable qui me rentrait dans les yeux, faute de cils (ce qui n'était d'ailleurs qu'un demi mensonge, les cils, je vous assure que dans la vie de tout les jours, c'est diablement utile). 

Je ne sais pas trop à quoi cela est du. Une plage, c'est une plage. De l'eau à perte de vue, que ça soit la manche ou l'océan Indien, c'est de l'eau à perte de vue. Mais il y a quand même quelque chose de spécial qui se passe quand on se trouve pour la première fois face à l'océan Pacifique. C'est la merveille de l'esprit humain, je suppose, qui est capable de voir au delà de ce que lui montre ses yeux. Imaginer cette immensité incroyable, la voir de ses yeux, la toucher, c'est une expérience unique.



Et puis c'était un moment charnière, le premier moment de vacances où je sortais du cocon protecteur qu'était Seattle depuis le début de la maladie, mais aussi paradoxalement le dernier moment de normalité avant de reprendre une vie de malade avec toute la préparation pour la transplantation. Cela m'a fait du bien, d'ailleurs. Confronté à une immensité pareille, on relativise un peu, cela en place remet une saine perspective, surtout quand on est malade et que le monde à un peu tendance à tourner autour de soi depuis un peu trop longtemps.

Enfin, je crois que le plus émotionnant dans tout cela ce n'est pas tout ce blabla sur l'immensité, la maladie, la vie, l'univers et le reste (42). Pas du tout.

Je vous ai dit que vous avez surement déjà vu Cannon Beach quelque part. Pour ceux qui donnent leur langue au chat, c'est dans le film culte "Les Goonies", non pas dans la scène de fin où le bateau de Willy le Borgne s'éloigne dans la brûme (cette scène à été filmée sur une plage à quelques kilomètres au nord de Cannon Beach) comme beaucoup de gens pensent, mais dans la scène d'ouverture de la fuite des Fratelli. Je le prouve tout de suite (à 3:10, mais regardez l'extrait en entier, sinon c'est péché):


Je ne sais pas pour vous, mais si vous avez mon age, il est probable (sauf pour un certain R. D., qui était un inculte jusqu'à ce qu'on le remette dans le droit chemin) que vous ayez vu "Les Goonies" étant gamin, et que cela soit l'un de vos films culte. En tout cas, c'est l'un des miens.  Je serais bien en peine de trouver un film qui ai plus marqué mon imagination de gosse que celui-ci. Je veux dire, une bande de gosses de mon age, des gangsters, une caverne, des pièges, des pirates et un trésor, qu'est ce qui vous faut de plus! Et la musique est exceptionnelle.

Bref jamais je n'aurai cru qu'un jour je me retrouverai avec ma chérie en plein milieu du "décor" de l'un de nos films préféré. C'était un moment complètement irréel, pour moi tout les deux.

Sur ce, je retourne dormir :)



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