Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

mardi 13 octobre 2015

La loi des plaines, chapitre 14: La dernière charge des Nʉmʉ

Voici l'avant-avant dernier chapitre de "La loi des plaines". Merci à Anne pour ses encouragements, promis quand je publierai les deux derniers chapitres, je n'attendrais pas des semaines pour le faire :). Merci à Antoine aussi de m'avoir envoyé son trailer, même si j'aurais aimé au passage avoir tes impressions (puisque j'imagine que c'est le but de ton envoi :) ). 

Kanaretah maudit le vieux chaman d'avoir osé prendre une décision à sa place mais elle savait qu'il avait eu raison en l’empêchant de combattre. Elle pouvait sauver plus de vies en faisant ce qu'elle faisait de mieux: diriger et mener son peuple au travers de la tourmente. Elle était le Chef de Guerre.

"Dispersez-vous!" cria-t-elle. "Les chasseurs et les adolescents, dispersez vous au hasard! Prenez deux chevaux chacun si vous le pouvez, partez par paire! Un chasseur, un jeune! Prenez la personne la plus proche de vous! Ne pensez pas! Bougez, bougez, bougez!"

La tribu avait été paralysée par la vue de la horde sortant du brouillard. Heureusement, les Nʉmʉ furent galvanisé par la présence et la détermination de leur chef. Les chasseurs se bousculèrent et attrapèrent les enfants les plus proches. Ils avaient collectivement un but et une forme d'ordre commença à émerger du chaos. Kanaretah affermit sa détermination. La loi des plaines était très claire quand à ce qu'elle devait faire ensuite, mais elle abhorrait cette idée.
"Laissez les nourrissons derrière si vous ne pouvez pas les porter! Si vous n'êtes pas un chasseur, vous prenez les armes et vous emmenez ces salauds en enfer! Rien d'autre!" cria-t-elle à nouveau.
Elle ne le savait pas, mais alors qu'elle disait cela, des larmes coulaient sur ses joues.

Boyahwahtoyehe apparu à ses côtés.
«Tu as bien fait, mon amie," dit-il. «Nous sommes tous morts de toute façon, autant essayer de sauver les quelques-uns qui ont une chance de survivre à l'hiver."
"Peut-être qu'ils pourraient atteindre Gond," dit-elle la voix tremblante. "La ville leur donnerait asile pour l'hiver comme leur Dette envers nous le demande. Ou ils les enverraient au Rocher par Train Eolien, ou à un endroit où il y a suffisamment de nourriture… Ils seraient..."
L'ancien Chef de Paix leva la main.
"Stop. Nos lois nous ont permit de survivre aux pʉetʉyai contre toute attente pendant près de six siècles. Ne les met pas en doute maintenant. Allez. Il est temps pour moi de mourir dignement et pour toi d'essayer de vivre."

Kanaretah savait qu'il avait raison, mais elle détestait cela, elle détestait la Loi et son Devoir. Non, elle détestait les Morlocks, ces bêtes misérables qui avaient transformé les plaines en une zone de guerre infernale où les parents devaient abandonner leurs enfants et se précipiter vers une mort certaine. Boyahwahtoyehe leva sa lance au-dessus de sa tête en hurlant. Derrière lui, de nombreuses voix lui firent écho. Les anciens de la tribu s'étaient rassemblé autour de leur chef, prêts à se battre.
«Allez, mon vieil ami. Rendons le Grand Esprit fier," dit Kanaretah.
La horde se rapprochait. Ils entendirent la montée des vents, le grondement du morlock sombre et les vents mourir. Le temps était compté. Kanaretah lança un dernier sourire à son ami et demanda à Neraquassi de se diriger vers les traînards. Elle ne se retourna pas.

Les anciens de la tribu chargèrent comme un seul homme. Leur cri de guerre était si puissant que, pendant quelques secondes, il couvrit le bruit de milliers de Morlocks piétinant le sol. Chacun d'entre eux tua un morlock avec sa première frappe. Mais ce n'était seulement que quoi, peut-être vingt ennemis morts sur plus d'un millier? Ce n'était pas suffisant... Et puis la horde passa à l'attaque.

Les morlocks étaient tous différents. Selon les légendes, c'étaient en fait des humains corrompus par Tanasi-pʉetʉyai, le roi fantôme. Pour la plupart, ils avaient gardé une forme humanoïde, mais leur taille variait considérablement. Certains faisaient trois, voire quatre mètres de haut. Certains étaient des créatures chétives de moins d'un mètre. Certains étaient forts, certains étaient rapide, certains tout cela à la fois. Certains avaient des griffes qui pouvaient déchirer les armures, d'autres des cornes qui pouvaient percer l'acier. Les plus dangereux avaient une fourrure qui se transformait en lames comme les Chats-Rasoirs, d'autres en armure comme les morduans. Il n'y avait pas de règles, sauf une. Ils étaient tous très difficiles à tuer. Les morlocks pouvaient survivre à la plupart des blessures comme si elles n'étaient que des égratignures et même les guérir en quelques minutes. La seule façon de les tuer à coup sûr était de leur porter une frappe mortelle, détruisant soit leur cerveau, soit leur cœur, ou bien d'infliger assez de dégâts pour qu'ils meurent avant d'avoir eu le temps de commencer à guérir. Mais parfois, ils avaient plus d'un cœur ou plus d'un cerveau ou n'avait pas besoin de l'un ou l'autre ni même de sang pour survivre. Chaque morlock était un problème différent et vicieux, un problème mortel.

Vingt guerriers Nʉmʉ, même des vétérans tels que ceux qui avait chargé la horde, n'avaient absolument aucune chance. Vingt morlocks auraient suffit pour les anéantir, après un long combat, peut-être. Devant un millier, ils ne pouvaient qu'espérer les ralentir et cet espoir était mince au mieux. Alors, ils n'essayèrent même pas de tuer les monstres après leur charge initiale. Ils cherchèrent juste à les neutraliser suffisamment longtemps en blessant leurs jambes ou en les aveuglant en les frappant aux yeux. Leur seul espoir était que les morlocks blessés se retournaient parfois les uns contre les autres mais même cela ne les retarderait pas assez longtemps. Même si par chance une bagarre éclatait entre une centaine de morlocks, la horde continuerait tout de même à aller de l'avant.

Boyahwahtoyehe avait planté sa lance en plein milieu du visage d'une bête à l'apparence particulièrement repoussante, recouverte de plaques chitineuses sur tout le corps. Il cracha.
"T'aurais dû porter un casque!" dit-il avec défi.
Il récupéra sa lance en s'aidant de l'élan de son cheval et décrit un arc. A moitié à dessein, à moitié par pur hasard, parce que les morlocks étaient entassés les uns contre les autres, il effleura la tête de plusieurs d'entre eux, coupant quelques yeux et quelques nez, faisant assez de dégâts pour les faire tomber dans une frénésie meurtrière et les monter les uns contre les autres. L'un des monstres avait du sang qui lui dégoulinait dans les yeux et fut momentanément aveuglé. Quand un autre s'écrasa contre lui, il percuta le coupable. Il avait des crêtes osseuses barbelées sur la poitrine et attrapa son adversaire, le serrant dans une étreinte d'ours, l'écrasant. Quand la misérable créature devint flasque, le morlock barbelé lui mordit le cou et l'ouvrit. Rendus fous par l'odeur du sang, les autres morlocks autour d'eux leurs sautèrent dessus. Bientôt, la masse indistincte de créatures en train de se battre fût piétinée par la horde qui continuait à avancer.

Le cœur de Boyahwahtoyehe se serra. C'était sans espoir. Rien ne ralentirait assez les morlocks pour que la tribu s'en sorte. Des aboiements furieux autour de lui. Les molosses du clan, d'énormes chiens de chasse qui étaient soit semi-sauvages soit Doués un peu de la même manière que les chevaux, se lancèrent dans la masse d'assaillants. Ils tuèrent quelques monstres et combattirent bravement. Même dans leur esprit simple de chiens, ils étaient conscients qu'ils allaient mourir, mais ils se battaient tout de même pour protéger la tribu. Ils faisaient partie de celle-ci autant que n'importe quel humain ou cheval.
Ces chiens énormes et musculeux étaient féroces. Ils étaient utilisés pour chasser les bêtes les plus dangereuses des plaines. Ils étaient redoutables et courageux et plus qu'à la hauteur de la plupart des morlocks... Mais la bravoure ne gagnait pas un combat, surtout pas avec un tel déséquilibre de forces. Un par un, ils moururent, chacun d'entre eux emmenant un ennemi dans la mort avec lui. Pourtant, ce n'était pas assez.

Boyahwahtoyehe perdit sa lance. Elle avait été arrachée de ses mains lorsqu'il l'avait coincé dans la cage thoracique d'un morlock. Il attrapa deux flèches de son carquois et les planta dans le visage d'une petite teigne difforme qui lui tenait le pied avec des bras plus long que ses jambes, essayant de le jeter à bas de son cheval. Un autre petit morlock sauta sur la croupe de sa monture, saisit sa veste de cuir et réussit finalement à le jeter à terre. Il atterrit lourdement sur le dos, momentanément abasourdi. Il eu juste le temps d'atteindre son couteau quand une chose avec une mâchoire aussi épaisse que sa tête sauta sur lui. Elle ouvrit une gueule incroyablement large, révélant trois rangées de dents. Boyahwahtoyehe n'était pas le père de Bowahquasuh pour rien. D'une main il saisit la mâchoire inférieure de la bête et la tira vers lui. La surface de la peau du vieil homme brillait, elle était aussi dure que l'acier et les dents ne parvinrent pas à la percer. La bête essaya de se libérer mais Boyahwahtoyehe la tenait fermement et lui plongea son couteau dans le palais, puis dans le cerveau. Le cadavre tomba sur lui, complètement flasque.
"Ha!" cria Boyahwahtoyehe frénétiquement. "Pas de dîner pour toi ce soir!"
Il ne sut jamais ce qui le tua. Un énorme morlock de plus de trois mètres de haut lui marcha sur la tête, la pulvérisant sous ses étranges sabots. Même la Peau d'Acier ne pouvait vous protéger de six cents kilos  vous tombant sur le visage.

Un par un, les anciens Nʉmʉ moururent. Ils se battirent avec courage et acharnement et leurs chevaux ainsi que leurs chiens étaient tout aussi courageux, mais ils moururent malgré tout. En dépit de leur situation désastreuse, ils tuèrent un nombre incroyable de morlocks, près d'une centaine lorsque le dernier Nʉmʉ tomba. Si un barde avait été là; il aurait écrit des chansons sur cette résistance désespérée, mais il n'y avait personne. Ils étaient seuls, un petit groupe d'humains perdu dans l'immensité des plaines de Cassira.

Implacablement, la horde avança.

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