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Cela me fait penser à une réflexion que je me suis fait un matin en arrivant à ma prise de sang hebdomadaire au SCCA. Dans la file d'attente, une vieille dame, le visage fermé, l'air revêche, la parfaite vieille bique insupportable. J'étais moi-même de fort méchante humeur, m'étant réveillé du pied gauche avec mal partout et en particulier à la nuque, ce qui a le don de me filer des migraines carabinées.
Et là, l'infirmière arrive avec un sourire magnifique. La vieille dame s'est illuminée. Bizarrement, moi aussi. C'était comme si elle avait poussé un énorme soupir de soulagement, comme si on l'avait déchargée d'un fardeau. Elle a eu ce sourire d'un enfant que l'on prend par la main, de confiance retrouvée. Je me suis alors dit que j'étais trop con. Ce n'était pas une vieille bique, c'était juste une vieille femme fatiguée, qui en chiait juste probablement autant que moi, voire bien plus que moi considérant son age, sa cane et son arthrose, en plus de je ne sais quelle pathologie merdique qui l'amenait là. Et l'infirmière, juste avec cette dose élémentaire d'humanité, la simple connexion d'un sourire, a réussi à dissiper cette mauvaise humeur presque instantanément, et ce faisant à alléger la souffrance de sa patiente. Elle aurait pu faire la tronche, "punaise, encore une vieille emmerdeuse!". Mais non. Juste un sourire, juste un accueil humain.
Vous savez, je ne pense pas que cela soit un boulot facile, de continuellement diffuser cette bonne humeur quand en face on a des gens qui sont des puits de souffrance qui vous aspirent l'énergie. Pourtant, tous les jours, avec une constance sans faille, elles accueillent les malades avec le sourire. Pour moi, elles sont l'élément le plus important de la clinique, le sang sans lequel les "cerveaux" que sont les docteurs ne pourraient pas fonctionner, et sans lesquelles les hôpitaux ne seraient que des machines à broyer les êtres humains.
Je me souviendrais toujours de mes infirmières préférées: Lindsy qui m'a trouvé un jour à 4h du matin délirant de fièvre, complètement paniqué et désorienté, qui m'a remis au lit, et m'a calmé jusqu'à ce que je me rendorme. Christi, qui à ma demande passait la tête par la porte de la chambre toutes les heures lors du premier cycle de chimio, apaisant mes craintes qu'il m'arrive un truc entre les rondes et que je claque comme un con, seul à 3h du matin. Renée et cette infirmière dont j'ai oublié le nom qui m'ont dit la première fois, "Vous vous en sortirez, ça se voit dans vos yeux". Mensonge, réalité? En tout cas, en une phrase elles m'ont donné la motivation de me dire, "Putain, je ne suis pas fini, je vais la niquer cette merde", si vous me passez l'expression, et elles ont complètement altéré mon comportement face à la maladie, et ce pour le meilleur. Qui sait où j'en serai sans cette simple phrase? Pas aussi bien, j'en suis persuadé.
Du coup, quand je croise des gens qui sont cons, qui font la gueule, qui me font chier quoi, en général je me dis, que cela soit à la clinique ou dans la vraie vie d'ailleurs, "Quelle souffrance se cache derrière ce comportement?". Ça change un peu le regard que l'on a sur le monde et sur les gens. Bon des fois, je me dis aussi "Putain, mais quel con/connasse", il y a des gens dont la "connerie" est génétique et/ou volontaire et pas circonstancielle, et puis je ne suis pas un saint non plus, soyons clair... Mais j'essaie de m'améliorer!
Au passage remarquez que je parle d'infirmières au féminin. Dans mon expérience, c'est une profession à 95% féminine (il y a des exceptions et les mecs sont aussi géniaux, j'avais pendant la transplantation un excellent infirmier, Josh, que j'adorais, et au labo il y a un gars qui pique absolument sans douleur, des vrais doigts de fée, Marco je crois), contrairement aux médecins où il me semble que cela s'inverse, particulièrement à "haut niveau", où il y a même nettement plus d'hommes il me semble.
Est-ce qu'il faut y voir un penchant naturel du féminin à l'empathie, à s'occuper du malade, là ou le masculin est plus investigateur, chasseur, s'occupant de la maladie? Je me méfie des généralisations, en tout cas c'est ce que je constate en général.
(à suivre parce que j'ai un autre truc à raconter dans la même veine mais que j'ai faim, là).
( Au fait, vous connaissez le proverbe? Infirmière: 2 fois la charge de travail, la moitié du salaire du médecin...).
L'empathie... si seulement nous redonnions à ce mot toute sa valeur, alors bien des choses seraient allégées pour certains, moins superficielles pour d'autres... Tout le monde y gagnerait...
RépondreSupprimerMais cela demande beaucoup d'énergie, alors parfois choisi le confort de rester dans sa propre bulle...
Merci encore une fois de nous montrer l'importance que peut avoir un tout pEtit changement de notre comportement au quotidien...
Superbe vidéo! Merci, Loïc.
RépondreSupprimerOn devrait la regarder chaque matin avant de se lever et aller à la rencontre de nos semblables.
Un sourire, c'est magique et c'est d'une richesse infinie. L'empathie, la compréhension de l'autre? C'est moins facile. Pour certains, c'est inné et pour d'autre c'est un apprentissage. Ne pas penser à soi, à ses propres repères et ses propres références. Juste "s'intéresser à" l'autre. Comme le dit Nadine, cela demande de l'énergie, "ça coûte". Alors qu'un sourire, tout le monde sait le faire naturellement, tout le monde peut le donner. Parce que, oui, un sourire, c'est gratuit.
En tout cas, sourire et empathie peuvent changer la face du monde. Deux de mes mots favoris :)
Je t'envoie un grand sourire plein de soleil, Loïc ;)
c'est un film très douloureux..il me rappelle tellement de souvenirs difficiles..dans mon travail et aussi dans ma famille..
RépondreSupprimertu sais en France, la majorité des jeunes médecins maintenant sont des femmes, et peut être qu'elles auront plus de compassion que leurs collègues hommes? et tout autant de professionnalisme?
mais c'est vrai que les infirmières sont aux premières loges et qu'elles reçoivent la douleur des gens en pleine face..mais les médecins sont aussi en empathie avec leurs patients, peut être le montrent ils moins?
bonne semaine, avec un grand sourire..de l'autre côté de l'écran
Merci pour la vidéo !
RépondreSupprimerUn jour j'ai "surpris" ma pharmacienne en lui faisant un sourire bien franc au lieu de ma tête normale je-donne-mon-nom-poliment-mais-c'est-tout. Elle a eu un petit sursaut et m'a rendu un grand sourire, pas son normal bonjour-quel-est-votre-nom. Ca m'a fait l'effet d'avoir gagné ma journée.