Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

mercredi 21 novembre 2012

Nutrition, leucémie et cancer, partie 1: Introduction

Punaise, j'ai la pression. Manifestement le sujet de la bouffe intéresse pas mal de monde, et j'ai pas mal de choses à dire sur le sujet... Je ne sais pas par où commencer, surtout qu'il y a véritablement deux sujets: la nutrition en général pour les gens 'bien portants' et celle pour les malades. Il y a quelques différences importantes. Aussi, tout ce que je vais vous raconter, je l'ai appris en lisant des bouquins, en allant à des conférences, et en expérimentant : je ne suis pas médecin, ni nutritionniste, et je raconte ptet des conneries... Particulièrement pour les malades vous devriez toujours consulter votre médecin avant de tester des trucs.

Il y a maintenant quelques années, nous avons assisté à une conférence au Département de Génomique de l'Université de Washington (hop, crédibilité) sur les liens entre génétique et obésité, ce qui ne nous intéresse pas vraiment aujourd'hui. Ce qui nous intéresse en revanche c'est son explication de comment nous avons évolué biologiquement dans un environnement où la nourriture est difficile à se procurer et où il fallait courir pour manger et éviter d'être mangé. Nous sommes optimisés génétiquement pour survivre dans des circonstances où la base de l'alimentation est constituée de plantes, avec de temps en temps des protéines animales quand la chasse était fructueuse. Nous ne sommes pas conçus pour fonctionner correctement en présence d'un excès de nourriture, car en pratique de part le passé (comprendre, de la préhistoire jusqu'aux années 1900) cela n'arrivait que très rarement. Nous possédons toutes les boucles de régulation biologiques qui nous permettent de rester en vie avec très peu d'alimentation, mais aucune en présence d'un excès.

Pire que ça, notre corps est conçu pour se gorger en présence de nourriture afin de faire des réserves et d'assurer sa survie à court terme: historiquement, l'abondance ne durait jamais longtemps. La nature elle même servait de boucle de régulation en ce qui concerne l'excès. En fait, c'est un peu comme un thermostat qui ne va que vers le haut: plus on mange, plus le thermostat se dérègle et plus on a facilement faim et envie de manger. De même, nous sommes extrêmement attirés par tout ce qui est sucré car le sucre est une excellente source d'énergie et qu'il est rare dans la nature. Pas de risque de diabète pour l'homme de Crô-Magnon, au contraire, et il a donc évolué pour rechercher avidement le sucre (et le sel).

Où est-ce que je veux en venir?

Depuis 1940, en gros, nous autre occidentaux vivons dans un monde complètement différent de celui de nos ancêtres: un monde où la nourriture est abondante, où le sucre et le sel sont omniprésents et où l'on mange plus de viande et de produits raffinés que de légumes. C'est bien, plus personne (encore que) ne meurt de faim... Par contre on meurt, oserais-je dire massivement, de suralimentation. Pas à 30 ou 40 ans, certes... Mais nettement avant notre temps. Aux US l'espérance de vie décline, c'est un fait. La cause principale de mort dans le pays le plus riche du monde est la crise cardiaque (et les maladies cardiovasculaires), loin devant le cancer. Ces morts ont une cause principale: la bouffe. Et plus que la mort, il faut aussi constater que les gens sont en mauvaise santé, juste à cause de ce qu'ils mangent.

Enfonçons le clou: des expériences faites sur des rats ont montré qu'entre un groupe de rats ayant une alimentation normale et un autre groupe ayant 30% de restriction calorique, ce deuxième groupe vivait 30% plus longtemps. Comme s'il y avait un maximum de calories que notre corps est capable de digérer avant de s'éteindre. De même, entre deux groupe avec une diète riche en protéines animales et une diète pauvre, on obtenait dans ce second groupe moitié moins de cancers. Fait intéressant, on obtient le même résultat avec un groupe consommant des protéines animales et un autre consommant des protéines végétales.

Je vous fais tout ce laïus pour que l'on soit bien d'accord sur un truc: notre manière de se nourrir depuis les 50 dernières années n'est pas adaptée à notre biologie. Nous sommes tous nés avec le Nutella et nous trouvons tous normal de nous en manger des tartines monumentales, mais en réalité, le faire tous les jour est toxique pour notre corps. Cela semble évident dit comme cela, mais je ne pense pas que la plupart des gens aient cette réflexion en ouvrant un pot.

En parlant de Nutella, il faut aussi vraiment insister sur un point: la nourriture industrielle est de très mauvaise qualité et pauvre en nutriments. Si vous buvez un verre de jus d'orange, vous allez absorber du sucre, des fibres, des vitamines, des minéraux... J'ai été acheter hier une canette de Pepsi pour regarder la liste des ingrédients et en gros c'est de l'eau, du sucre, du gout artificiel, un colorant, et c'est tout. Si vous n'avez rien à manger, vous allez pouvoir fonctionner un moment en ne buvant que du Pepsi, c'est calorique, cela donne de l'énergie... Et puis au bout d'un moment, vos dents vont tomber à cause du scorbut, parce qu'a part le sucre, il n'y a rien d'utile dans cette boisson, et le seul moyen de vous sauver va être de vous donner du jus d'orange.

Non seulement notre nourriture moderne est pauvre en nutriments, mais elle est en plus parfois carrément toxique. On a montré depuis longtemps que l'huile de palme est un poison, et pourtant c'est utilisé massivement dans l'industrie alimentaire. On a aussi montré depuis longtemps que le sucre était plus addictif que la cocaïne et dangereux en grandes quantités, pourtant, à cause justement de cette propriété, il est ajouté massivement dans tous les produits industriels. De même pour le sel. Et je ne vous parlerais même pas des pesticides et des conservateurs... J'ai lu quelque part (et je n'ai aucun moyen de vérifier) que nos corps mettent plus de temps que par le passer à se décomposer tellement nous sommes saturés de produits chimiques. Si c'est exact, et je suspecte fortement que ça l'est, c'est très légèrement inquiétant, non?

Fort de toutes ces constatations, quel régime alimentaire (et par régime, j'entends "Ensemble de prescriptions concernant les aliments, destiné à maintenir ou à rétablir la santé" et non pas "Conduite alimentaire caractérisée par des restrictions") me semble adapté? Et bien nous verrons cela la prochaine fois car figurez-vous qu'il faut que j'aille manger mes enfants.

(ce post a une suite ici: Nutrition, leucémie et cancer, partie 2: les motivations)

14 commentaires:

  1. J'adhère totalement à ce que tu écris à tel point que c'est exactement ce que je disais autour de moi pour tenter de secouer les consciences... déjà dans les années 80. J'avais alors ton âge, celui où certains (trop peu) se réveillent et sont aptes à écouter un tel discours.

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  2. Pour revenir sur l'excès de consommation de viande, principalement aux USA où le boeuf est plus tendre et généralement meilleur au goût que chez nous, il faut ajouter que nous ne sommes physiologiquement pas de véritables carnivores. Pour exemple, dans la nature, un animal carnivore possède un intestin très court, un tube digestif qui secrète de l’ammoniaque lui permettant de digérer rapidement, et d'autres différences encore que j'ai oubliées. Du tout résulte un transit rapide (1 jour) Les toxines n'ont pas le temps de stagner dans son organisme. Pour nous, l'appareil digestif est schématiquement le même que celui des primates (frugivores) : sucs digestifs différents, intestin très long, d'où transit plus long (environ 3 jours, voire plus) etc. Chez nous, le transit étant ralenti par la longueur de notre intestin, les résidus de la viande mal digérée par des sucs moins bien adaptés y stagnent, ces toxines nous empoisonnant peu à peu. Pour "illustrer" tout ça (j'espère que tu ne liras pas ces lignes pendant ton petit déjeuner !) un végétarien aura des selles abondantes (300 à 400 g par jour) nombreuses (2 à 3 par jour) et pratiquement inodores. Alors que les gens qui mangent de la viande en grosse quantité sont généralement des constipés. Les toxines macèrent dans leurs intestins (inflammation, cancer), se déposent dans leurs articulations (rhumatismes), dans leurs artères jusqu'à les boucher (maladies cardio-vasculaires)
    Nous voyons bien ce qu'à notre image sont devenus les animaux (chiens, chats) de compagnie dans notre monde moderne...
    Moi qui suis passée du végétarisme à une alimentation diversifiée, carnée, mais raisonnable du point de vue quantité, j'ai pu voir la différence au fil des années : prise de poids, rhumatismes (tu vas me dire c'est l'âge. Non ! A 30 ans, j'en avais déjà et ce n'est qu'avec le végétarisme que je les ai vu disparaître, de même les maladies ORL à répétition) et sans doute le reste va suivre si je ne me reprends pas en main.
    Par rapport au sucre (auquel j'étais accro raisonnablement) j'ai fait l'expérience de ne plus manger de dessert qu'une à deux fois par semaine, pour me faire plaisir néanmoins. Résultat : en 12 mois j'ai perdu 9 Kg. C'est non seulement un poison, une drogue comme tu l'écris, mais il se transforme en graisses.
    Pour conclure, je dirai que nous sommes tous différents. Ce qui peut convenir à l'un ne conviendra pas à l'autre. Il faut avant tout être à l'écoute de son corps. Il n'y a que lui qui sache et peut nous envoyer le message adéquat... le tout étant de savoir le décrypter.

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    1. Entièrement d'accord !!! J'aimerais maintenant trouver un moyen d'éloigner les tentations pendant le mois de décembre ;)

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  3. Je suis complètement d'accord avec tout ton commentaire.

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  4. Curieux que ce post n'ait pas suscité plus de commentaires. Beaucoup semblaient pourtant intéressés par la question. A moins que rien n'ait changé depuis toutes ces années que je me passionne pour le sujet et que ce soit toujours "touche pas à ma popotte" !

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  5. Tres interessant! On est "ces parents-la" a la garderie, on ne veut pas que nos enfants y mangent de la viande (on en mange -peu- a la maison, c'est souvent du poulet bio ou du poisson, mais la viande servie en collectivite... beurk...), pas de jus de fruits, pas de sirop sur leurs gauffres ou pancakes (ou plutot, pas de pancake dans leur sirop!), pas de, pas de... ce qui a ete tres interessant (haha) pdt que le petit avait une allergie aux oeufs. Tout ca, c'est des trucs "en plus", qu'on veut garder pour la maison, pour faire un peu la fete. Resultat, mes gamins sont parmi les rares a manger tous leurs legumes, et les maitresses sont contentes. Bon, on est pas non plus parfaits, oui on va a Chick Fil A ou McDo de temps en temps, on fait des gateaux, on met du Nutella sur une tartine de temps en temps... Je pense qu'il y a aussi la difference entre l'alimentation "standard" ici (et tous les Americains ne sont pas a mettre dans le meme panier), et celle a l'Europeenne Et quand on y pense, tous ces trucs injectes dans les animaux, on le mange quand on les mange. Beurk beurk.

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    1. Je suis 100% d'accord avec toi.

      Pour des momes, qui ont plus de pression sociale a consommer des trucs comme McDo, je n'ai rien contre y aller, de temps en temps, pour changer, pour leur faire plaisir.

      Enfin, c'est comme ca que je ferais si j'avais des gosses.

      Mais en fait, je pense que je les emmenerais plutot a un burger de qualité, pour leur apprendre ce qui est bon.

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  6. Je vois le problème comme ça: quand t'es jeune et que tu fais beaucoup de sport, ton corps a besoin d'un apport nutritionnel conséquent. Me rappelle manger beaucoup mais avec 8h de sport par semaine, ça s'équilibrait. On peut jusqu'à certain niveau faire l'analogie avec l'homme préhistorique, ou les gens qui marchaient 2-3h par jour pour aller à l'école/se rendre au travail (qui était pour la grande majorité très physique). Maintenant, le fait de réduire considérablement le sport (mariage, gamins, blessures), avoir un job où t'es derrière un écran pendant 8h, où tu te déplaces en voiture, sans pour autant diminuer les quantités de bouffe, ben ça déséquilibre tout. C'est ce qui se passe chez la majorité d'Américains, ce qui fait qu'on a du surpoids etc. Je suis dans le même cas, au bout d'un an ici j'ai pris 13kg, soit 20% de plus de mon poids d'arrivée. Et même si j'essaye de réduire au maximum la bouffe industrielle (en mangeant bio et pas trop de viandes rouges), ben le mal est fait.

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    1. @arben, alors pour le coup, je ne suis pas totalement d'accord.

      Pourquoi?

      Je suis d'accord avec toi que quand on est jeune et super actif, on a besoin de plus de bouffe, et on ne grossis pas, et que pour la plupart des americains cela intervient quand ils arretent le sport etc. Par contre, on ne m'oteras pas de l'idée que cette prise de poids est due à une bouffe inadaptée (sodas en tête). Et qu'elle etait dissimulée par le sport.
      Moi en 2 ans ici (les 2 ans de leucémie ca compte pas) j'ai pas pris un kilo, j'ai même maigri. Bon je fais une demi heure de sport par jour, mais je mange vraiment comme un goret!

      Sans faire quasiment de sport, je ne pense pas que tu devrais prendre 13kg en un an. 5kgs, je dis pas. Pour moi il y a un truc qui cloche, soit tu manges sans le réaliser un truc qui colle pas, soit tu ne t'alimentes pas au bon moment (ne pas manger de la journée et faire un gros repas le soir par exemple, c'est pas bon).

      Apres, je dis ca, mais on a pas tous le même métabolisme non plus, faut etre clair.

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    2. Il faut savoir quoi manger (ou pas), on est bien d'accord. Le sport cache l'effet néfaste de la malbouffe. Qu'un Michael Phelps ait besoin de 10 mille calories par jour c'est normal, mais pas un mec lambda.
      Les 13kg c'était vraiment à cause de la fainéantise de faire à manger, donc j'ai essentiellement mangé des trucs du style McDo, Domino's et bu du Mountain Dew. Les cafétérias n'étaient pas aussi saines pour le midi, avec burgers et plein de friture(s).
      En France je n'avais pas cette alimentation là, c'était peut-être aussi voire plus conséquent mais il y avait des légumes, du poisson, fibres et beaucoup d'eau.
      Tu as une question de métabolisme aussi, chacun digère et élimine différemment c'est sûr. Le sport me permettait d'éliminer plus rapidement, du moins brûler tout ce que je mangeais.
      Je sais ce qui cloche et je fais attention mais il reste encore du chemin! Une résolution pour 2013 :).

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    3. Ah ben oui la je comprend mieux: si tu bouffes mcdo+mountain dew et que tu arretes le sport, +13 kilos ca n'a rien d'étonnant.

      En revennant à un regime normal avec un tout petit peu de sport, ca devrait disparaitre tranquillement.

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  7. Pour revenir sur la prise de poids et le sport, je citerais David Servan-Schreiber :

    "C’est une équipe de chercheurs français qui a la première réussi à percer l’énigme du paradoxe américain. Gérard Ailhaud, […] est parti d’une constatation très simple. Au moment où tout le monde mettait l’épidémie d’obésité sur le compte de la “malbouffe” et du manque d’exercice physique, il relevait une anomalie de raisonnement : aux Etats-Unis, la masse de tissu gras des enfants de moins de un an a doublé entre 1970 et 1990… Dans un livre passionnant qui raconte l’aventure de leurs découvertes, Pierre Wiell – à la fois biochimiste et agronome – rapporte la remarque de son ami Ailaud : “à un âge qui va de 6 à 11 mois, on ne peut pas incriminer les fast-food, le grignotage, la télé et le déficit d’activité physique !”. Non les nourrissons ne sont pas suralimentés. On leur donne toujours la même quantité de lait, qu’il soit maternel ou maternisé. Gérard Ailaud et son confrère Philippe Guesnet ont pu démontrer que c’est le changement dans la nature du lait depuis 1950 qui serait responsable de l’obésité des nourrissons. Ce déséquilibre agit à la fois sur la croissance des cellules adipeuses et sur celle des cellules cancéreuses."

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  8. J'avais gardé cet article long à lire de coté... Depuis Septembre, nous avons arrété le sucre ajouté dans l'alimentation de mon 8ans (suite à un conseil du médecin) et son coté presqu'hyper actif, s'est beaucoup arrangé. Je sais que pour certains c'est du pipeau, mais ici, c'est franchement flagrant. Et quand on voit le nombre d'enfants ayant des problèmes de comportements, perso, ca me fait réfléchir.

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    1. Alors une fois encore, un grand merci pour cet article

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