Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs d'un Français expatrié puis revenu des Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de mon combat contre la leucémie, les séquelles de la greffe de moelle osseuse et le cancer secondaire apparu en Janvier 2024...

jeudi 29 novembre 2012

Nutrition, leucémie et cancer, partie 2: les motivations

Ce post est la suite de Nutrition, leucémie et cancer, partie 1: introduction et plus généralement, fait partie de la série "Prendre en main son traitement". Le sujet étant très vaste, je pense avoir encore deux autres posts en réserve.

Regarder notre évolution et savoir comment nous sommes foutus biologiquement nous aide intrinsèquement à faire des bons choix en termes d'alimentation, indépendamment du bourrage de crâne télévisuel qui voudrait nous faire croire que du Coca désaltère plus que de l'eau (comment est-ce possible étant donné la masse occupée dans un litre de Coca par le sucre?). A partir de ces constatations simples, vous devriez être capable de définir un régime à peu près sain qui vous convienne sans mon aide.

Il me reste donc à vous décrire mon régime alimentaire, sinon vous resteriez sur votre faim, ainsi qu'à vous donner un certain nombre d' "idées"1 de choses qui semblent utile dans le cadre de la nutrition d'un malade atteint d'un cancer. Mais avant cela, il me semble important de vous expliquer les motivations qui sous-tendent le régime2 que je vais vous présenter, qui vont plus loin que de juste avoir un corps en bonne santé. Si vous arrêtez la bouffe industrielle et les sodas, vous vous porterez mieux, c'est garanti, mais on peut aller encore plus loin, et aussi surréaliste que cela puisse paraître, on peut changer sa vie en modifiant son alimentation. Non seulement on va manger plus sain, mais on va aussi éviter de manger certains trucs afin d'aider le corps à mieux fonctionner. Et comme le corps et l'esprit sont en relation étroite (pour vous en convaincre, il suffit d'essayer de réfléchir en ayant la courante, bon courage!), en aidant le corps à mieux fonctionner, on va éclaircir l'esprit.

J'ai rencontré pour la première fois ce concept en lisant "Shape Shifter" de Geoff Thompson. Il s'agit d'un livre de développement personnel somme toute assez classique où il explique sa méthode pour changer de vie. Particularité que j'ai rarement vue ailleurs: l'un des points le plus important est de s'alimenter le mieux possible, car nous ne pouvons fonctionner au maximum de notre performance (quel que soit ce que vous désirez faire) que si notre corps est dans une santé optimale.

Quelque temps plus tard, j'ai été diner avec des amis pratiquants d'arts martiaux et j'ai assisté à une scène hallucinante. A la sortie du premier restaurant, et après un repas pourtant copieux, nous sommes partis en quête d'un deuxième restau, ces messieurs ayant toujours faim. Alors qu'ils engloutissaient leur second diner, mes compères m'ont expliqué qu'ils suivaient un régime spécifique et qu'ils n'avaient jamais autant et aussi bien mangé tout en perdant du poids, chose que je pouvais d'ailleurs constater par moi-même. Mieux, malgré les quantité gargantuesques de nourriture qu'ils ingurgitaient (une conséquence de leur entrainement physique), ils étaient dans une forme éblouissante après leurs deux repas, bien loin du coma alimentaire que peut induire une tartiflette.

Intrigué, j'ai commencé à prendre en compte certaines de leurs remarques en supprimant des aliments de mon alimentation (tout ce qui est à base de farine et tout ce qui contient du sucre blanc), et j'ai noté un changement spectaculaire, alors même que je ne suivais le régime qu'à moitié. Parmi eux, le plus facile à décrire est la disparition totale de l'assoupissement post-prandial.  Quelle que soit la quantité de nourriture que je mange, si je respecte le régime, je ne suis jamais fatigué après un repas. Souvent,  quand je raconte cela, on ne me croit pas. J'ai eu une conversation surréaliste avec l'un de mes proches il y a quelques mois, pour lequel l'assoupissement était une conséquence naturelle de la digestion à laquelle on ne pouvait pas couper. Malgré l'évidence flagrante que je ne souffrais pas de ce problème, il refusait d'admettre que cela puisse être possible. Je trouve cela vraiment marquant de se dire que certaines personnes n'ont tellement jamais eu de leur vie l'expérience de faire un repas sans avoir un coup de barre qu'ils refusent même de l'envisager. Pourtant, cela fait maintenant 7 ans que je n'ai jamais été fatigué après manger, sauf écart volontaire au régime.

On s'habitue tellement à un mal être permanent que nous considérons comme normal un fonctionnement dégradé. C'est comme lorsque vous vivez dans une grande ville: vous vous accoutumez au bruit, à la foule et aux miasmes du métro que vous finissez par ne plus remarquer. Et puis vous partez deux semaines à la campagne, au calme, dans un air pas encore trop pollué, et au retour, c'est le choc: ça pue, ça grouille, c'est épuisant. Avec la bouffe, c'est pareil: on considère comme normal un état qui ne l'est pas. Et le seul moyen de s'en rendre compte, c'est de suivre sérieusement le régime pendant quelques temps, suffisamment pour que le corps se réajuste et se sente mieux. Il se passe alors un truc étrange: plus on a une alimentation saine, moins on a envie de manger de la merde, parce que cela nous rend physiquement malade, comme le retour de vacances. Personnellement, je ne peux plus manger de pizzas surgelées, cela me colle l'équivalent de la gueule de bois, et non, je n'exagère pas le moins du monde. Alors vous allez me dire, "Oui, mais si je ne peux plus manger de pizza, ça craint quand même...". Pas vraiment en fait. Mangeriez vous un fruit qui est bon mais qui vous colle la gerbe? Et un fruit qui n'est que très modérément bon qui vous colle la gerbe? De plus rien ne vous interdit de manger de la pizza... Ponctuellement.

La manière la plus sure d'aborder un changement d'alimentation comme celui que je vais vous proposer dans le prochain post est de suivre strictement le régime pendant un temps suffisant pour qu'il fasse effet, pour une raison très simple: vous ne croyez probablement pas aux bénéfices que cela peut vous apporter et la seule manière de vous faire adopter cette nouvelle habitude, c'est de vous amener à vous rendre compte par vous même que cela fonctionne. Je déconseille plutôt ma manière, qui a été de changer progressivement: cela a marché pour moi, parce qu'intrinsèquement je suis curieux, discipliné et un rien monomaniaque, mais si vous essayez d’arrêter de manger des pâtes et que cela ne change rien pour vous parce que vous buvez trois litres de lait par jour à coté, vous allez abandonner, et ça sera dommage.

Ensuite, quand l'habitude est bien installée, que l'on a constaté par soi-même que cela marche vraiment, on peut commencer à modifier le régime pour se permettre des tests et des extras. Par exemple, on va voir que le régime dit: "Pas de légumineuses". Il se trouve que j'ai constaté par l'expérience que certaines légumineuses me conviennent très bien et que d'autres me fatiguent. Mais c'est une constatation que je n'ai pu faire que parce que je les ai supprimé, que je me suis habitué à être moins ballonné, avant de les réintroduire progressivement et d'éliminer celles que je ne tolérais pas. On ne peut pas faire l'inverse, et d'ailleurs c'est le protocole suivi pour diagnostiquer les allergies alimentaires, je n'invente rien.

En parlant d'extras, j'aimerai que l'on soit bien d'accord sur plusieurs choses.

Premièrement, il est absolument hors de question de se priver de manger et de réduire ses calories. Corollaire, il est conseillé (n'est-ce pas Loïc?) de manger lentement en mâchant bien, la sensation de satiété mettant un certain temps à se déclencher. Trop manger ou pas assez, même combat, il faut manger suffisamment, c'est tout. Quand on a plus faim, on s'arrête.

Deuxièmement, après la phase de mise en route et hors période spéciale (entrainement par exemple), il est hors de question de s'interdire de manger des trucs. Petit exemple: vous avez dû comprendre que je suis anti-Coca. Pourtant, j'aime bien le Coca, contrairement à ce que vous pourriez croire (étant programmé génétiquement pour...). Mais je n'en consomme qu'une fois tous les trois mois, la plupart du temps parce que j'ai besoin d'une source de sucre rapide. Je n'appelle pas cela se priver! Si j'ai envie d'un Coca, j'en achète un, mais il se trouve qu'au jour le jour, comme je l'ai expliqué, je n'en n'ai pas vraiment envie, et encore moins besoin. Je me rappelle avoir eu cette conversation avec quelqu'un: je conseillais  à cette personne de manger nettement moins d'un truc, j'ai oublié quoi, probablement du pain blanc beurré. Cette personne m'avait répondu un truc comme "Je mourrai plutôt que de me priver de mon pain beurre". Réponse qui m'interlocute massivement, car implicitement, la personne reconnaissait que ça serait positif sur le plan de sa santé... Mais émotionnellement, elle était incapable de "couper le cordon" avec son habitude de petit déjeuner.

Si émotionnellement, vous n'êtes pas capables de changer vos habitudes alimentaires, alors même que vous constatez que vous allez mieux en les changeant, je suis désolé de vous dire que vous avez un problème quelque part, et qu'il faut que vous vous posiez la question du pourquoi du comment. Si en revanche vous n'avez jamais mangé sainement de votre vie (j'aurais pu prendre des pincettes, et puis j'ai décidé que non) et que vous pensez que c'est de la connerie... Essayez. Vous serez surement surpris. C'est comme ça que je me suis intéressé au sujet au départ: je ne voyais rien de mal à mon régime de l'époque, mais curieux, j'ai essayé et je ne suis jamais revenu en arrière, les bénéfices constatés après quelques semaines étant trop importants . Ce qui ne m’empêche pas de manger, le dimanche matin, un pain au chocolat... Mais c'est une fois par semaine que je fais un écart, pas tous les jours (je me gave aussi de chocolat, mais comme j'ai une déficience en magnésium, j'ai une excuse). Ne pas se priver de quoi que ce soit ne veut pas dire faire n'importe quoi: cela veut dire que comme l'on mange sainement au jour le jour, on peut ponctuellement faire des écarts. De toute façon, il est probable que vous n'ayez simplement plus envie de manger certains trucs tellement ça vous rendra malade, donc c'est un peu un non problème.

Pour la plupart des gens, la nourriture, c'est avant tout une question de plaisir et je voudrais donc aussi souligner qu'il n'est absolument pas question de faire un régime carotte/arugula/radis. Je n'ai jamais aussi bien mangé et Celia vous dira que je suis le spécialiste de la cuisson de la viande, je vous fais des steaks à tomber par terre. Hier encore, nous avons mangé des ribs absolument parfaites. J'aime manger, je mange comme un ogre et ma version du paradis c'est saucisson+pâté, que cela soit bien clair et il est hors de question que je me mette à picorer, faut pas déconner non plus.

Troisièmement, il faut réfléchir à ses propres besoins. Si vous êtes une midinette de 45 kilo dont l'unique sport est d'arpenter Paris en Louboutins, vous n'allez pas manger pareil que moi qui fait 1.90m, qui récupère d'une transplantation et qui fait une heure de sport par jour. Je vais avoir besoin de plus de protéines et pouvoir surement me permettre de manger plus de bidoche. Le régime, c'est forcément personnel, même si les grandes lignes sont suffisamment générales pour s'appliquer à tous. D'ailleurs, par nécessité à cause du cancer, j'ai modifié mon régime de façon substantielle, mes besoins n'étant plus les mêmes. J'ai notamment des carences en minéraux qui sont plus importantes à combler que le fait de savoir si mes pets puent. Ah, oui, parce qu'aussi, si vous mangez correctement, vos pets ne doivent pas puer outre mesure, si ça sent la charogne, c'est qu'il y a un truc qui cloche.

Si votre vie ne va pas bien parce que vous ne dormez pas bien, parce que vous avez tout le temps mal quelque part (au dos?), parce que vous êtes tout le temps fatigué ou ballonné, parce que vous ressassez en permanence ou quoi que ce soit... La première chose à régler, c'est la nourriture.

Bon je crois que j'ai à peu près couvert tout ce que je voulais couvrir sur le plan "philosophique", on va pouvoir passer au menu... Dans le prochain post.  Et oui, je vous fais lanterner, mais c'est pour votre bien :p.

(La suite de ce post est ici: Nutrition, leucémie et cancer, partie 3: le régime paléo modifié)
1Terme que je préfère à "conseils" parce que dans ce domaine vous devez vous renseigner et trouver ce qui est bon pour vous.
 2Encore une fois, par régime j'entends "habitude alimentaire", pas "privation".

mercredi 21 novembre 2012

Nutrition, leucémie et cancer, partie 1: Introduction

Punaise, j'ai la pression. Manifestement le sujet de la bouffe intéresse pas mal de monde, et j'ai pas mal de choses à dire sur le sujet... Je ne sais pas par où commencer, surtout qu'il y a véritablement deux sujets: la nutrition en général pour les gens 'bien portants' et celle pour les malades. Il y a quelques différences importantes. Aussi, tout ce que je vais vous raconter, je l'ai appris en lisant des bouquins, en allant à des conférences, et en expérimentant : je ne suis pas médecin, ni nutritionniste, et je raconte ptet des conneries... Particulièrement pour les malades vous devriez toujours consulter votre médecin avant de tester des trucs.

Il y a maintenant quelques années, nous avons assisté à une conférence au Département de Génomique de l'Université de Washington (hop, crédibilité) sur les liens entre génétique et obésité, ce qui ne nous intéresse pas vraiment aujourd'hui. Ce qui nous intéresse en revanche c'est son explication de comment nous avons évolué biologiquement dans un environnement où la nourriture est difficile à se procurer et où il fallait courir pour manger et éviter d'être mangé. Nous sommes optimisés génétiquement pour survivre dans des circonstances où la base de l'alimentation est constituée de plantes, avec de temps en temps des protéines animales quand la chasse était fructueuse. Nous ne sommes pas conçus pour fonctionner correctement en présence d'un excès de nourriture, car en pratique de part le passé (comprendre, de la préhistoire jusqu'aux années 1900) cela n'arrivait que très rarement. Nous possédons toutes les boucles de régulation biologiques qui nous permettent de rester en vie avec très peu d'alimentation, mais aucune en présence d'un excès.

Pire que ça, notre corps est conçu pour se gorger en présence de nourriture afin de faire des réserves et d'assurer sa survie à court terme: historiquement, l'abondance ne durait jamais longtemps. La nature elle même servait de boucle de régulation en ce qui concerne l'excès. En fait, c'est un peu comme un thermostat qui ne va que vers le haut: plus on mange, plus le thermostat se dérègle et plus on a facilement faim et envie de manger. De même, nous sommes extrêmement attirés par tout ce qui est sucré car le sucre est une excellente source d'énergie et qu'il est rare dans la nature. Pas de risque de diabète pour l'homme de Crô-Magnon, au contraire, et il a donc évolué pour rechercher avidement le sucre (et le sel).

Où est-ce que je veux en venir?

Depuis 1940, en gros, nous autre occidentaux vivons dans un monde complètement différent de celui de nos ancêtres: un monde où la nourriture est abondante, où le sucre et le sel sont omniprésents et où l'on mange plus de viande et de produits raffinés que de légumes. C'est bien, plus personne (encore que) ne meurt de faim... Par contre on meurt, oserais-je dire massivement, de suralimentation. Pas à 30 ou 40 ans, certes... Mais nettement avant notre temps. Aux US l'espérance de vie décline, c'est un fait. La cause principale de mort dans le pays le plus riche du monde est la crise cardiaque (et les maladies cardiovasculaires), loin devant le cancer. Ces morts ont une cause principale: la bouffe. Et plus que la mort, il faut aussi constater que les gens sont en mauvaise santé, juste à cause de ce qu'ils mangent.

Enfonçons le clou: des expériences faites sur des rats ont montré qu'entre un groupe de rats ayant une alimentation normale et un autre groupe ayant 30% de restriction calorique, ce deuxième groupe vivait 30% plus longtemps. Comme s'il y avait un maximum de calories que notre corps est capable de digérer avant de s'éteindre. De même, entre deux groupe avec une diète riche en protéines animales et une diète pauvre, on obtenait dans ce second groupe moitié moins de cancers. Fait intéressant, on obtient le même résultat avec un groupe consommant des protéines animales et un autre consommant des protéines végétales.

Je vous fais tout ce laïus pour que l'on soit bien d'accord sur un truc: notre manière de se nourrir depuis les 50 dernières années n'est pas adaptée à notre biologie. Nous sommes tous nés avec le Nutella et nous trouvons tous normal de nous en manger des tartines monumentales, mais en réalité, le faire tous les jour est toxique pour notre corps. Cela semble évident dit comme cela, mais je ne pense pas que la plupart des gens aient cette réflexion en ouvrant un pot.

En parlant de Nutella, il faut aussi vraiment insister sur un point: la nourriture industrielle est de très mauvaise qualité et pauvre en nutriments. Si vous buvez un verre de jus d'orange, vous allez absorber du sucre, des fibres, des vitamines, des minéraux... J'ai été acheter hier une canette de Pepsi pour regarder la liste des ingrédients et en gros c'est de l'eau, du sucre, du gout artificiel, un colorant, et c'est tout. Si vous n'avez rien à manger, vous allez pouvoir fonctionner un moment en ne buvant que du Pepsi, c'est calorique, cela donne de l'énergie... Et puis au bout d'un moment, vos dents vont tomber à cause du scorbut, parce qu'a part le sucre, il n'y a rien d'utile dans cette boisson, et le seul moyen de vous sauver va être de vous donner du jus d'orange.

Non seulement notre nourriture moderne est pauvre en nutriments, mais elle est en plus parfois carrément toxique. On a montré depuis longtemps que l'huile de palme est un poison, et pourtant c'est utilisé massivement dans l'industrie alimentaire. On a aussi montré depuis longtemps que le sucre était plus addictif que la cocaïne et dangereux en grandes quantités, pourtant, à cause justement de cette propriété, il est ajouté massivement dans tous les produits industriels. De même pour le sel. Et je ne vous parlerais même pas des pesticides et des conservateurs... J'ai lu quelque part (et je n'ai aucun moyen de vérifier) que nos corps mettent plus de temps que par le passer à se décomposer tellement nous sommes saturés de produits chimiques. Si c'est exact, et je suspecte fortement que ça l'est, c'est très légèrement inquiétant, non?

Fort de toutes ces constatations, quel régime alimentaire (et par régime, j'entends "Ensemble de prescriptions concernant les aliments, destiné à maintenir ou à rétablir la santé" et non pas "Conduite alimentaire caractérisée par des restrictions") me semble adapté? Et bien nous verrons cela la prochaine fois car figurez-vous qu'il faut que j'aille manger mes enfants.

(ce post a une suite ici: Nutrition, leucémie et cancer, partie 2: les motivations)

jeudi 15 novembre 2012

Les frasques de Phoenix Jones

Samedi soir dernier, le "real super hero" Phoenix Jones à mis KO un importun sur University Avenue, entre la 45ème et la 47ème, à deux blocs de chez nous.

Rappelez-vous, les Real Super Heroes, c'est ce mouvement de gens qui décident de jouer à Batman et de se déguiser pour aller faire la police dans la rue. La plupart d'entre eux sont relativement innofensifs et se contentent de distribuer des plats chauds aux sans-abris et de prévennir la police en cas d'activité suspecte. Cependant, certains, comme Phoenix Jones, décident d'aller un peu plus loin et n'hésitent pas à intervenir de façon plus musclée, s'interposant par exemple dans des altercations. Ce qui est évidement d'une bêtise affligeante (pas de s'interposer, encore que cela dépend des cas, mais de sortir costumé pour ne faire que ça).

Bref, je vous propose de regarder la vidéo de la rencontre, et je vais vous commenter un peu ce qui se passe.


Tout commence donc par une altercation verbale entre Phoenix, son équipe de doux malades et un petit groupe de gars passablement agités. On devine à demi mot que en gros le petit essaye de leur expliquer qu'ils ne sont pas flics et qu'ils n'ont pas à intervenir dans la rue. Je soupçonne fortement Jones de s'être mêlé de ce qui ne le regardait pas quelques minutes avant. Le gars au t-shirt orange est particulièrement remonté contre lui, on comprend à demi mots qu'il estime que Jones a commis une voie de fait sur sa personne. Celui-ci se justifie "It wasn't assault". Hum. C'était quoi alors?

A 0:13, jolie réaction de Jones, qui exprime clairement que l'autre gars est trop près de lui ("You're too close, back up"), avec un embryon de "fence", relativement pro. Dommage que son collègue en bleu soit totalement à l'ouest (sans compter le masque ridicule tricoté par mamie). Malheureusement il est ensuite difficile d'entendre ce qui s'est exactement passé, le gars qui filme couvrant comme par hasard un moment clé du dialogue.

Notre équipe de guignols ont ensuite une des seules attitudes qui ai un sens dans la vidéo: ils battent en retraite (à partir de 0:42) et le gars à la casquette semble plutôt enclin à en rester là. Bon les noms d'oiseaux fusent, certes, mais pas de quoi en faire un plat. Et à 1:00, Phoenix demande à l'un de ses lieutenants si les flics arrivent. Et oui, ils ont appelé 911, ce qui est exactement la chose à faire en cas d'agression, mais bon là à 3 contre 3, on peut difficilement dire qu'il y a urgence. A 1:10, Jones s'arrête, manifestement pour attendre les flics, son sursaut d'intelligence a été bref. Il commentera ensuite dans la presse que les "suspects" refusaient d'arrêter de le suivre alors qu'il essayait de se désengager, ce qui est manifestement faux.

Et comme de juste, à 2:00, notre défenseur de la veuve et de la stupidité s'adresse à nouveau aux excités et leur dit: "Vous savez que l'état de Washington est un état où le combat mutuel est légal, n'est-ce pas? Si vous voulez, on peut s'y coller!". Le gars en orange est manifestement chaud bouillant, ce qui tend à prouver que la nature n'a pas été très généreuse avec lui question matière grise, étant donné la carrure de notre sculptural et néanmoins décérébré PJ.

Combat mutuel, définition. Dans l'état de Washington, il est légal de se battre dans la rue du moment que: les combattants sont tous les deux consentants, qu'il n'y a pas de destruction de propriété privée, et qu'il n'y a pas de désordre à l'ordre public, pas d'attroupement quoi. Le combat doit s'arrêter dès qu'un des individus est hors de combat. Pourquoi une telle loi? La légende dit que cela date de la période de la ruée vers l'or: les saloons en avaient marre des bastons qui leur cassaient tout leur intérieur, et la loi encourageait donc les agités à aller s'amuser dehors en toute légalité.

Donc, en gros, à 2:00 Jones dit au gars, "Si tu veux, on peut se foutre sur la tronche". La tentative de désescalade aura duré 1 minute 10, j’applaudis des deux mains, ce mec devrait entrer en politique.

Sur ce les flics arrivent, Phoenix Jones leur explique la situation et son intention d'en venir aux mains. Les policiers se retrouvent bien malins car légalement ils ne peuvent rien faire, ni séparer le groupe, ni les arrêter, ni les empêcher de se battre. Bien joué de la part du superhéros: grâce à son action brillante, les flics de Seattle qui ont déjà une sale réputation se retrouvent filmés le cul entre deux chaises avec l'option d'arrêter illégalement les protagonistes, ou de les laisser se foutre sur la gueule et de ramasser les blessés. Et à 4:05, le petit à casquette qui est manifestement loin d'être idiot, lui fait bien remarquer le paradoxe de la situation.

La crise semble se calmer... Et puis forcément à 4:40, le roquet s'en mêle et attise le feu, ce qui me fait beaucoup rigoler tellement c'est typique et pathétique: on voit bien que c'est pas lui qui est en train de mettre en jeu ses dents! D'ailleurs dans toute la suite de la vidéo, il va avoir ce rôle toxique, et comme son pote est trop con pour s'en rendre compte, il va aller au charbon se faire péter les ratiches gratuitement. Regardez la sélection naturelle en action: si c'est nous qui dominons le monde et pas les gorilles, c'est justement parce qu'on est assez malin pour faire en sorte que les plus fort que nous se battent entre eux et à notre place, et c'est pour ça que c'est Bill Gates et pas Conan qui domine le monde.

A 4:47, c'est mon moment préféré de la vidéo. Le flic s'approche des duellistes et se comporte quasiment comme un arbitre de boxe, leur donnant sa bénédiction et stipulant les règles. C'est absolument magnifique tellement c'est débile. Il ne manque que le "Fight!".

A 6:00, les aboiements du roquet enlèvent toute porte de sortie au molosse, et l'issue est inévitable. Bel exemple d'amitié!

Et à 6:40, c'est parti. Je vous avoue que c'est le seul moment ou j'applaudis bien fort Jones: dans un combat rituel comme celui-ci (les flics regardent, personne ne va sortir de couteau, ce n'est pas une question de survie où tout les coups sont permis mais une histoire d'ego), il ne court quasiment aucun danger, étant bien plus entrainé que son adversaire. En fait le seul réel danger dans lequel il est serait par exemple de mettre KO le gars, et que celui-ci s'ouvre la tête en tombant: on voit souvent des gens tomber KO sans mettre les mains pour ralentir leur chute et se blesser sévèrement sur le bitume. Il choisit donc de le démonter à coup de low-kicks, ce qui est assez bien vu car cela ne fait quasiment aucun dommages à long terme, mais cela fait en revanche extrêmement mal. Si vous en avez déjà pris un par quelqu'un qui a un tant soi peu de puissance, vous savez qu'un seul coup dans les jambes peut mettre hors de combat. Et vu le bruit, les kicks de Jones doivent quand même piquer légèrement.  A 7:01, j'ai vraiment mal pour le gars en orange, et à 7:17, crochet dans la tronche, terminé.

La fin de la vidéo est géniale: le roquet est complètement enragé par la défaite de son pote (alors que c'est lui qui l'a envoyé au casse-pipe), soit disant qu'il a jeté l'éponge juste avant de se faire mettre KO, ce qui n'est pas clair... Cela me fait vraiment rigoler, surtout sa manière de tomber le t-shirt, il faut dire qu'il y a des filles qui regardent, c'est presque un cas d'école.

Je suis particulièrement agacé par Jones et la manière dont il s'est servi de cet incident dans les médias, déformant les faits (soit disant que les agités voulaient le suivre jusque chez lui et que c'est pour ça qu'il a proposé le combat, ce qui, on l'a vu est manifestement faux), et en fait attisant par sa seule présence l’agressivité des jeunes mâles en rut qui sortent des bars le samedi soir. Attention, je ne cautionne pas l'attitude des roquets, mais bon il faut quand même avouer que faire la sortie des bars déguisé en Batman, c'est vraiment chercher les emmerdes.  Et puis là, il choisi son combat... Le gars en orange est certes mastoque, mais dans un combat rituel, il n'a absolument aucune chance.

Bref, il crée des problèmes plus qu'il n'en résout, met en porte à faux la police qui a quand même autre chose à foutre le samedi soir... Et puis un jour, il va tomber sur un excité en mal de sensations fortes et/ou de reconnaissance, loin des flics, qui va sortir un couteau et le planter, ou lui coller une balle, ou vraiment le suivre chez lui et s'en prendre à sa femme et ses enfants . Les deux premiers cas sont déjà arrivés  et il n'a été que légèrement blessé, grace à sa veste pare-balle... Mais s'il tombe sur un ou des gars un tant soit peut sérieux (pas comme les guignols de la vidéo) qui lui en veulent vraiment, et vu son attitude de branleur ça va finir par arriver, ce n'est pas une veste pare-balle qui stoppera un couteau...

Tout est par ailleurs très bien géré médiatiquement par Jones, qui profite de la viralité de la vidéo pour vendre ses t-shirts "Mutual Combat"... Il sait exactement ce dont il peut se permettre légalement, et cela fait plusieurs fois qu'il fait le buzz de cette manière... Un moyen de relancer sa carrière de MMA?

Bref, tout cela est à la fois affreusement amusant et vraiment bien triste. L'histoire entière est une démonstration magistrale de stupidité de la part de tous les intervenants, police y compris. Et comme la stupidité n'est pas encore illégale et n'est malheureusement plus sanctionnée par un darwinisme brutal1... Je vous dis à bientôt pour d'autre frasques des "Real Super Heroes".

1Stupidity: why don't we take the safety labels of everything and let the problem solve itself?

mercredi 14 novembre 2012

Prendre en main son traitement II: ce que l'on peut faire en plus

(Ce post est la suite de "Prendre en main son traitement I")

Au tout début de mon traitement, j'ai posé la question suivante à mon médecin: "Est ce que je dois modifier mon alimentation?".

C'était bien évidement une question piège. Cela fait un moment que je m'intéresse à ce sujet et je connais très bien la réponse, qui n'est pas "Oh non, vous pouvez manger tout ce que vous voulez" comme me l'a affirmé le médecin avec un grand sourire. Il est évident que c'est faux, et c'est malheureusement un domaine qui est encore trop négligé dans le traitement de tous les cancers1. Pourtant, il ne faut pas être Einstein pour se dire que l'on va mieux se porter si l'on mange un bon steak bio avec des légumes variés, des fruits et du thé vert que si on s'envoie une pizza industrielle et un coca, et c'est doublement vrai lorsque l'on subit un traitement lourd comme de la chimio ou de la chirurgie où le corps à besoin de toute l'aide que l'on peut lui donner. De toute les choses sur lesquelles vous avez un contrôle et que vous pouvez améliorer pour rendre la thérapie moins difficile, l'alimentation est la plus simple, la plus efficace et potentiellement la plus agréable (miam).

Pourtant peu de médecins vous en parleront. Certains d'entre eux sont même ouvertement hostile à toute approche alternative, une hostilité qui est surement due à une part d'ignorance, mais aussi à la crainte que les patients refusent la thérapie conventionnelle et se tournent vers des médecines plus douces. C'est compréhensible, et récemment l'exemple de Steve Jobs nous rappelle que même les gens les plus intelligents peuvent commettre des erreurs de jugement dramatiques: il a en effet refusé la chirurgie pendant neuf mois, comptant sur une modification de son alimentation pour combattre la maladie, ce qu'il a vivement regretté plus tard. Selon plusieurs sources, il est assez probable qu'il serait en vie actuellement s'il avait suivi l'avis des médecins.

Soyons clair: ce qui vous sauvera, c'est la médecine occidentale: radiothérapie, chirurgie, chimiothérapie. Ce qui n'empêche que l'on peut faire plein de choses en plus, soit pour mettre toutes les chances de son coté, soit pour améliorer sa qualité de vie durant un traitement qui est très éprouvant.

Pour beaucoup des choses dont je vais vous parler dans cette série de posts, il y a des études qui montrent un effet sur la survie à long terme... Mais elle ne sont pas forcément encore très reconnues car trop peu nombreuses. Malheureusement, démontrer que le thé vert améliore la survie à 5 ans de 20% (je prend un chiffre au hasard) ne rapporte de l'argent à personne (mais je digresse)... Il est par conséquent très possible que si vous en parlez à votre médecin celui-ci minimise l'importance de boire du thé vert (par exemple) comme étant anecdotique. Mais le médecin n'est pas en train de se battre pour sa vie, vous si.

C'est un peu idiot de raisonner en terme statistique mais mettons que de boire du thé vous donne 2% de plus de chances de survie à 5 ans. Idem pour la méditation, une alimentation plus saine, le sport, et participer à un groupe de support. D'un coup ces petites choses, cumulées nous donnent 10%... Quand votre pronostic de base, c'est 70% de chances à 5 ans, c'est énorme! De plus, on sait que des choses comme l'hypertension, l'obésité, pour n'en nommer que deux sont des facteurs de morbidité supplémentaire lors des traitement lourds... Et comment on lutte contre l'hypertension, l'obésité etc? CQFD. Plus votre corps sera sain, mieux vous résisterez au traitement, qui est aussi une cause de mortalité, malheureusement.

Et puis calculer en terme de chances de survie c'est vraiment ne pas voir très loin: si vous vous impliquez et que vous mettez en œuvre tout ce que je vous propose, votre qualité de vie sera meilleure et vous serez plus heureux au quotidien, ce qui est de loin le plus important. D'ailleurs je m'adresse ici à des malades (merci à J. dont les questions m'ont motivé à écrire ce post au passage, j'espère que tu tiens bon!) mais si vous êtes bien portant, appliquer ce que je vous dis vous donnera une meilleure santé et vous permettra d'être plus heureux au quotidien. Il n'y a donc pas d'excuse pour ne pas le faire, même si le médecin vous dit que cela ne vous aidera pas à guérir. Ceci étant dit, communiquez toujours avec lui, certaines de vos idées peuvent être dangereuses et certains suppléments ont des interactions avec les médicaments.

Bon, je parle, je parle, mais en pratique, qu'est ce qu'on peu faire en plus? Je vous ai donné quelques pistes: alimentation, exercice, travail de l'esprit, spiritualité, sourire, support psychologique, repos et responsabilisation  me semblent être les huit piliers fondamentaux. Certains de ces sujets, tous en fait, méritent que l'on s'y attarde de façon substantielle (l'alimentation, en particulier est un vaste sujet et j'ai un peu peur de me lancer là dedans, je vous avoue), et donc on en reparlera très bientôt.

J'oubliais le plus important: la première chose, c'est bien évidement de mettre un terme à nos habitudes nocives: si vous fumez, ou si vous êtes alcoolique, la première chose à faire c'est de vous débarrasser de ces comportements. Et si vous me répondez que vous êtes trop anxieux pour arrêter de fumer... Je ne peux pas grand chose pour vous aider. Je peux vous donner des conseils, mais pas vous donner l'envie de vivre, ça c'est quelque chose que vous devez trouver en vous-même.

Pour conclure, je vous conseille vivement le livre "Anticancer" de Sevran-Schreiber, qui a beaucoup contribué à structurer ma pensée dans ce domaine. C'est une lecture indispensable pour tout malade: si seulement la moitié de ce qu'il dit est vrai, et je suspecte fortement que c'est bien plus que ça, cela change complètement la donne sur comment envisager sa thérapie. Plus encore, il est vraiment intéressant pour les gens bien portant pour vous aider à adopter un style de vie aidant à prévenir les risques de cancer.

(A suivre: l'alimentation!)



1 Il faut que je précise que c'est une exception au SCCA ou je suis soigné, où ils sont justement très en avance sur les thérapies complémentaires. J'ai ainsi eu plusieurs consultations avec une diététicienne, entre autres choses.

vendredi 9 novembre 2012

4 more years

Bon et ben voilà, c'est fait, Obama a été réélu.
 
J'avoue que c'est un énorme soulagement. Quelqu'un parmi mes amis a posté le soir de l’élection quelque chose comme "Franchement, vous croyez vraiment que Romney pouvait passer?". Et bien en fait, Romney en lui-même, non. Il a trop fait de bourdes et s'est sabordé pendant la campagne. Ses idées, oui. Et si, grâce au système des collèges électoraux,  Obama n'a jamais été en danger, contrairement à ce que Fox News a pu essayer de nous faire croire, le vote populaire est en revanche relativement proche (50.4% contre 48%). Et c'est un peu effrayant.

Effrayant car je peine vraiment à comprendre comment des gens ont pu voter Romney.  Il y a pour moi au moins 3 raisons pour lesquelles c'est absolument impensable. J'ai conscience que j'arrive après la bataille et que c'est un peu tard pour un laïus anti-Romney, mais bon, on va dire que c'est le décalage horaire (d'ailleurs, essayez de demander à Romney combien il y a de décalage avec la France, ça l'occupera pendant qu'il essaie de sortir de l'avion). C'est parti.

Première raison: l'un des points clé du "programme" de Romney, et d'ailleurs l'un des seuls point sur lesquels il donnait une information claire, c'était sa promesse de repousser Obamacare (surnom du Patient Protection and Affordable Care Act, Loi sur la protection des patients et des soins abordables). Autant vous dire que rien que pour ça, il mérite de prendre la porte (dans les genoux). Vous savez surement tous que le système de santé américain est passablement défectueux, et d'ailleurs il faut que je termine mon post sur les assurances pour que vous preniez la mesure du problème. Et bien même si Obamacare n'est pas parfait, c'est une amélioration plus que nécessaire.

Pour rappel, parmi les mesures phares de cette loi, il y a l'interdiction de refuser d'assurer et de pratiquer un tarif prohibitif à une personne atteinte d'une condition pré-existante, l’abolition des plafonds de remboursements sur une vie, et (c'est ce qui fait débat), l'obligation conjointe des compagnies à fournir une assurance accessible à tous et aux gens n'ayant pas d'assurance de souscrire à celles-ci. Je peux vous dire que pour tous les patients du groupe de support que je fréquente, l'angoisse majeure après celle de la rechute, c'est celle de perdre son assurance. J'ai par exemple un ami, père d'un garçon de 20 et quelques années, qui est complètement paniqué parce que son fils va bientôt dépasser l'âge lui permettant d'être sur l'assurance de ses parents. Comme il a perdu 2 ans à cause de la leucémie et qu'il n'a pas fini ses études, il n'a pas de travail... Donc, si Obamacare venait à être repoussé, bientôt plus d'assurance sans la possibilité d'en retrouver une, ce qui signerait la mort financière de la famille, le budget médicament mensuel atteignant facilement un nombre à 4 chiffre. Vous imaginez donc bien que pour nous, l'enjeu des élections c'est bien plus que des querelles idéologiques.

Le pire dans tout cela, c'est que Mitt Romney, alors gouverneur du Massachusetts, a été forcé par le congrès de l'état de passer une loi similaire à Obamacare il y a quelques années... Et que cela marche! Bref, c'est vraiment de la propagande idéologique de base pour jouer sur la peur qu'a l’Amérique profonde du communisme , et c'est vraiment répugnant. Au passage, la sécu mes enfants, vous la critiquez peut-être souvent, mais vous ne savez pas la chance que vous avez.

Romney c'est était aussi une certaine... comment vous dire... vision de la finance. Il proposait notamment de baisser les impôts afin de financer le déficit, comptant sur la "trickle down theory" qui consiste à dire que moins les riches payent d’impôts, plus ils injectent de fric dans l'économie et plus ils créent des emplois. Une politique qui marche super bien, comme Bush nous l'a démontré avec brio pendant 8 ans en causant le déficit historique des États-Unis, et que Romney voulait donc s'empresser de renouveler. Il faut dire que comme le gars est milliardaire, payer encore moins d’impôt, ça le branche pas mal.

Vous voyez, ça ça m'énerve, et ça m'effraie, vraiment. Que l'on puisse voter pour un gars qui est plein aux as et qui paye moins d'impôt que la famille américaine moyenne, déjà, ça me dépasse pas mal. Mais que l'on puisse voter pour un gars surnommé le "vulture-capitalist" (jeu de mot sur venture et vautour), même pas par ses opposants mais directement par les membres de son parti pendant la primaire (faut le faire, quand même), là je ne comprend plus. Le gars a bâti une partie de sa fortune en achetant des boites parfaitement saines et en faisant ensuite des profits énormes en les coulant (ne me demandez pas comment ça marche, j'ai compris la démonstration mais je ne saurais pas la refaire, j'ai juste compris que c'était immonde), et les gens votent quand même pour lui. Je trouve ça dingue. 

Dernière chose qui probablement a causé la perte de Romney, c'est la quantité impressionnante de gaffes commises par lui-même et par son camp. Pêle-mêle, on retiendra l'inénarrable commentaire sur le fait que l'on ne puisse pas ouvrir les fenêtres des avions, la vidéo volée lors d'une levée de fonds pour la campagne où il expliquait que 47% des américains (ie, les démocrates) étaient des assistés, ce qui aux US passe encore plus mal qu'ailleurs, la notion de responsabilité personnelle étant très forte, et aussi et surtout le nombre impressionnant d'attaques contre les libertés des femmes à tel point que l'on a parlé de "War on Women". Entre les réductions de budget du planning familial, la campagne anti-avortement  et les commentaires de certains républicains affirmant que "une femme ne peut pas être enceinte après un viol, leur corps à un mécanisme de défense" (si, si...), il n'y a rien d'étonnant au fait que 55% de l'électorat d'Obama soit féminin.

Bref, autant vous dire que je suis quand même franchement soulagé, en particulier à cause d'Obamacare, qui m'impacte directement.

Pour finir ce long post, vous savez surement que ce n'était pas que l’élection du président: les américains votaient aussi pour un certain nombre de référendums dans chaque états.

Sachez donc que le mariage gay a été légalisé dans les états de Washington (chez nous donc), du Maine et du Maryland, prenant ainsi place aux cotés du Massachusetts, du Connecticut, de l'Iowa, du Vermont, de DC, du New Hampshire et de l'état de New-York. Jusqu'ici, les bouches de l'enfer ne se sont pas ouvertes pour nous engloutir tous, on croise les doigts mais vu comment il caille, j'ai pas l'impression que ça soit pour demain. 

Sachez aussi que c'est une élection historique car l'état de Washington et l'état du Colorado ont légalisé (pas dépénalisé, légalisé) le cannabis, et ce par un vote massif (55% pour, 45% contre). Les modes opératoires sont d'ailleurs très intéressants car très différents et cela va être une histoire à suivre de près, en particulier en ce qui concerne la réaction du gouvernement fédéral.  Quel que soit votre avis sur la question, je pense que l'on peut saluer le courage de cette initiative, il faut en avoir pour reconnaitre que les 30 ans de "War on Drugs" ont été un échec complet et pour tenter quelque chose de différent.

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