Regarder notre évolution et savoir comment nous sommes foutus biologiquement nous aide intrinsèquement à faire des bons choix en termes d'alimentation, indépendamment du bourrage de crâne télévisuel qui voudrait nous faire croire que du Coca désaltère plus que de l'eau (comment est-ce possible étant donné la masse occupée dans un litre de Coca par le sucre?). A partir de ces constatations simples, vous devriez être capable de définir un régime à peu près sain qui vous convienne sans mon aide.
Il me reste donc à vous décrire mon régime alimentaire, sinon vous resteriez sur votre faim, ainsi qu'à vous donner un certain nombre d' "idées"1 de choses qui semblent utile dans le cadre de la nutrition d'un malade atteint d'un cancer. Mais avant cela, il me semble important de vous expliquer les motivations qui sous-tendent le régime2 que je vais vous présenter, qui vont plus loin que de juste avoir un corps en bonne santé. Si vous arrêtez la bouffe industrielle et les sodas, vous vous porterez mieux, c'est garanti, mais on peut aller encore plus loin, et aussi surréaliste que cela puisse paraître, on peut changer sa vie en modifiant son alimentation. Non seulement on va manger plus sain, mais on va aussi éviter de manger certains trucs afin d'aider le corps à mieux fonctionner. Et comme le corps et l'esprit sont en relation étroite (pour vous en convaincre, il suffit d'essayer de réfléchir en ayant la courante, bon courage!), en aidant le corps à mieux fonctionner, on va éclaircir l'esprit.
J'ai rencontré pour la première fois ce concept en lisant "Shape Shifter" de Geoff Thompson. Il s'agit d'un livre de développement personnel somme toute assez classique où il explique sa méthode pour changer de vie. Particularité que j'ai rarement vue ailleurs: l'un des points le plus important est de s'alimenter le mieux possible, car nous ne pouvons fonctionner au maximum de notre performance (quel que soit ce que vous désirez faire) que si notre corps est dans une santé optimale.
Quelque temps plus tard, j'ai été diner avec des amis pratiquants d'arts martiaux et j'ai assisté à une scène hallucinante. A la sortie du premier restaurant, et après un repas pourtant copieux, nous sommes partis en quête d'un deuxième restau, ces messieurs ayant toujours faim. Alors qu'ils engloutissaient leur second diner, mes compères m'ont expliqué qu'ils suivaient un régime spécifique et qu'ils n'avaient jamais autant et aussi bien mangé tout en perdant du poids, chose que je pouvais d'ailleurs constater par moi-même. Mieux, malgré les quantité gargantuesques de nourriture qu'ils ingurgitaient (une conséquence de leur entrainement physique), ils étaient dans une forme éblouissante après leurs deux repas, bien loin du coma alimentaire que peut induire une tartiflette.
Intrigué, j'ai commencé à prendre en compte certaines de leurs remarques en supprimant des aliments de mon alimentation (tout ce qui est à base de farine et tout ce qui contient du sucre blanc), et j'ai noté un changement spectaculaire, alors même que je ne suivais le régime qu'à moitié. Parmi eux, le plus facile à décrire est la disparition totale de l'assoupissement post-prandial. Quelle que soit la quantité de nourriture que je mange, si je respecte le régime, je ne suis jamais fatigué après un repas. Souvent, quand je raconte cela, on ne me croit pas. J'ai eu une conversation surréaliste avec l'un de mes proches il y a quelques mois, pour lequel l'assoupissement était une conséquence naturelle de la digestion à laquelle on ne pouvait pas couper. Malgré l'évidence flagrante que je ne souffrais pas de ce problème, il refusait d'admettre que cela puisse être possible. Je trouve cela vraiment marquant de se dire que certaines personnes n'ont tellement jamais eu de leur vie l'expérience de faire un repas sans avoir un coup de barre qu'ils refusent même de l'envisager. Pourtant, cela fait maintenant 7 ans que je n'ai jamais été fatigué après manger, sauf écart volontaire au régime.
On s'habitue tellement à un mal être permanent que nous considérons comme normal un fonctionnement dégradé. C'est comme lorsque vous vivez dans une grande ville: vous vous accoutumez au bruit, à la foule et aux miasmes du métro que vous finissez par ne plus remarquer. Et puis vous partez deux semaines à la campagne, au calme, dans un air pas encore trop pollué, et au retour, c'est le choc: ça pue, ça grouille, c'est épuisant. Avec la bouffe, c'est pareil: on considère comme normal un état qui ne l'est pas. Et le seul moyen de s'en rendre compte, c'est de suivre sérieusement le régime pendant quelques temps, suffisamment pour que le corps se réajuste et se sente mieux. Il se passe alors un truc étrange: plus on a une alimentation saine, moins on a envie de manger de la merde, parce que cela nous rend physiquement malade, comme le retour de vacances. Personnellement, je ne peux plus manger de pizzas surgelées, cela me colle l'équivalent de la gueule de bois, et non, je n'exagère pas le moins du monde. Alors vous allez me dire, "Oui, mais si je ne peux plus manger de pizza, ça craint quand même...". Pas vraiment en fait. Mangeriez vous un fruit qui est bon mais qui vous colle la gerbe? Et un fruit qui n'est que très modérément bon qui vous colle la gerbe? De plus rien ne vous interdit de manger de la pizza... Ponctuellement.
La manière la plus sure d'aborder un changement d'alimentation comme celui que je vais vous proposer dans le prochain post est de suivre strictement le régime pendant un temps suffisant pour qu'il fasse effet, pour une raison très simple: vous ne croyez probablement pas aux bénéfices que cela peut vous apporter et la seule manière de vous faire adopter cette nouvelle habitude, c'est de vous amener à vous rendre compte par vous même que cela fonctionne. Je déconseille plutôt ma manière, qui a été de changer progressivement: cela a marché pour moi, parce qu'intrinsèquement je suis curieux, discipliné et un rien monomaniaque, mais si vous essayez d’arrêter de manger des pâtes et que cela ne change rien pour vous parce que vous buvez trois litres de lait par jour à coté, vous allez abandonner, et ça sera dommage.
Ensuite, quand l'habitude est bien installée, que l'on a constaté par soi-même que cela marche vraiment, on peut commencer à modifier le régime pour se permettre des tests et des extras. Par exemple, on va voir que le régime dit: "Pas de légumineuses". Il se trouve que j'ai constaté par l'expérience que certaines légumineuses me conviennent très bien et que d'autres me fatiguent. Mais c'est une constatation que je n'ai pu faire que parce que je les ai supprimé, que je me suis habitué à être moins ballonné, avant de les réintroduire progressivement et d'éliminer celles que je ne tolérais pas. On ne peut pas faire l'inverse, et d'ailleurs c'est le protocole suivi pour diagnostiquer les allergies alimentaires, je n'invente rien.
En parlant d'extras, j'aimerai que l'on soit bien d'accord sur plusieurs choses.
Premièrement, il est absolument hors de question de se priver de manger et de réduire ses calories. Corollaire, il est conseillé (n'est-ce pas Loïc?) de manger lentement en mâchant bien, la sensation de satiété mettant un certain temps à se déclencher. Trop manger ou pas assez, même combat, il faut manger suffisamment, c'est tout. Quand on a plus faim, on s'arrête.
Deuxièmement, après la phase de mise en route et hors période spéciale (entrainement par exemple), il est hors de question de s'interdire de manger des trucs. Petit exemple: vous avez dû comprendre que je suis anti-Coca. Pourtant, j'aime bien le Coca, contrairement à ce que vous pourriez croire (étant programmé génétiquement pour...). Mais je n'en consomme qu'une fois tous les trois mois, la plupart du temps parce que j'ai besoin d'une source de sucre rapide. Je n'appelle pas cela se priver! Si j'ai envie d'un Coca, j'en achète un, mais il se trouve qu'au jour le jour, comme je l'ai expliqué, je n'en n'ai pas vraiment envie, et encore moins besoin. Je me rappelle avoir eu cette conversation avec quelqu'un: je conseillais à cette personne de manger nettement moins d'un truc, j'ai oublié quoi, probablement du pain blanc beurré. Cette personne m'avait répondu un truc comme "Je mourrai plutôt que de me priver de mon pain beurre". Réponse qui m'interlocute massivement, car implicitement, la personne reconnaissait que ça serait positif sur le plan de sa santé... Mais émotionnellement, elle était incapable de "couper le cordon" avec son habitude de petit déjeuner.
Si émotionnellement, vous n'êtes pas capables de changer vos habitudes alimentaires, alors même que vous constatez que vous allez mieux en les changeant, je suis désolé de vous dire que vous avez un problème quelque part, et qu'il faut que vous vous posiez la question du pourquoi du comment. Si en revanche vous n'avez jamais mangé sainement de votre vie (j'aurais pu prendre des pincettes, et puis j'ai décidé que non) et que vous pensez que c'est de la connerie... Essayez. Vous serez surement surpris. C'est comme ça que je me suis intéressé au sujet au départ: je ne voyais rien de mal à mon régime de l'époque, mais curieux, j'ai essayé et je ne suis jamais revenu en arrière, les bénéfices constatés après quelques semaines étant trop importants . Ce qui ne m’empêche pas de manger, le dimanche matin, un pain au chocolat... Mais c'est une fois par semaine que je fais un écart, pas tous les jours (je me gave aussi de chocolat, mais comme j'ai une déficience en magnésium, j'ai une excuse). Ne pas se priver de quoi que ce soit ne veut pas dire faire n'importe quoi: cela veut dire que comme l'on mange sainement au jour le jour, on peut ponctuellement faire des écarts. De toute façon, il est probable que vous n'ayez simplement plus envie de manger certains trucs tellement ça vous rendra malade, donc c'est un peu un non problème.
Pour la plupart des gens, la nourriture, c'est avant tout une question de plaisir et je voudrais donc aussi souligner qu'il n'est absolument pas question de faire un régime carotte/arugula/radis. Je n'ai jamais aussi bien mangé et Celia vous dira que je suis le spécialiste de la cuisson de la viande, je vous fais des steaks à tomber par terre. Hier encore, nous avons mangé des ribs absolument parfaites. J'aime manger, je mange comme un ogre et ma version du paradis c'est saucisson+pâté, que cela soit bien clair et il est hors de question que je me mette à picorer, faut pas déconner non plus.
Troisièmement, il faut réfléchir à ses propres besoins. Si vous êtes une midinette de 45 kilo dont l'unique sport est d'arpenter Paris en Louboutins, vous n'allez pas manger pareil que moi qui fait 1.90m, qui récupère d'une transplantation et qui fait une heure de sport par jour. Je vais avoir besoin de plus de protéines et pouvoir surement me permettre de manger plus de bidoche. Le régime, c'est forcément personnel, même si les grandes lignes sont suffisamment générales pour s'appliquer à tous. D'ailleurs, par nécessité à cause du cancer, j'ai modifié mon régime de façon substantielle, mes besoins n'étant plus les mêmes. J'ai notamment des carences en minéraux qui sont plus importantes à combler que le fait de savoir si mes pets puent. Ah, oui, parce qu'aussi, si vous mangez correctement, vos pets ne doivent pas puer outre mesure, si ça sent la charogne, c'est qu'il y a un truc qui cloche.
Si votre vie ne va pas bien parce que vous ne dormez pas bien, parce que vous avez tout le temps mal quelque part (au dos?), parce que vous êtes tout le temps fatigué ou ballonné, parce que vous ressassez en permanence ou quoi que ce soit... La première chose à régler, c'est la nourriture.
Bon je crois que j'ai à peu près couvert tout ce que je voulais couvrir sur le plan "philosophique", on va pouvoir passer au menu... Dans le prochain post. Et oui, je vous fais lanterner, mais c'est pour votre bien :p.
(La suite de ce post est ici: Nutrition, leucémie et cancer, partie 3: le régime paléo modifié)
1Terme que je préfère à "conseils" parce que dans ce domaine vous devez vous renseigner et trouver ce qui est bon pour vous.2Encore une fois, par régime j'entends "habitude alimentaire", pas "privation".