Comme prévu, les Chats-Rasoir avaient suivi les deux braves dans une furie de grondements, permettant ainsi au reste de l'équipe de secours de poursuivre leur chemin en toute sécurité vers Wakaree. Les soleils jumeaux de Yaghan s'élevaient paresseusement au dessus de l'horizon et le fait qu'ils orbitent lentement l'un autour de l'autre créait d'incroyables tons pastels. Comme toujours, les Nʉmʉ étaient émerveillés par ce spectacle magnifique. C'était la raison pour laquelle ils vivaient dans les plaines, malgré les Morlocks, malgré les prédateurs, malgré les tornades et le froid de l'hiver. Ils étaient libres et vivaient en harmonie avec la nature. Ils pouvaient chevaucher la tête haute, fiers Seigneurs des plaines couronnés par les rayons chatoyants de leurs deux soleils. Ils pouvaient respirer l'air frais et pur en savourant la beauté immaculée et sauvage du paysage monumental qui était leur demeure.
Kanaretah était morte d'inquiétude. Elle ne le montrait pas, néanmoins, elle pris un moment pour remercier les esprits des plaines, les esprits des soleils, ceux de son cheval et ses propres gardiens. Une telle beauté inspirait le respect et remercier les esprits régulièrement était une manière de s'excuser d'empiéter sur leur territoire. Elle savait que les autres cavaliers faisaient la même
chose de leur coté. C'était important, ne pas le faire n'apportait que de la malchance lors d'une chasse.
Il s'avéra qu'il fût ensuite assez facile de retrouver Wakaree malgré le lever d'un brouillard matinal recouvrant le paysage à cause de la hausse de température. Peut-être que les esprits étaient satisfaits. Le groupe continua dans la direction générale indiquée par Tabbananica et Kanaretah fut bientôt en mesure de trouver des empreintes typiques d'un cheval portant un cavalier sur son dos.
Alors qu'ils approchaient prudemment de Wakaree, ils pouvaient voir une forme avachie sur sur sa croupe. Pas de doute, c'était bien Yahneequena. A fur et à mesure que la distance qui les séparait diminuait, Pisunii commença à trembler et à piaffer.
"Elle a peur, Wakaree a pris contact avec elle, il est apparemment plus terrorisé qu'il ne l'a jamais été. Cela déteint sur elle." dit Towasi, répondant au regard inquisiteur de Kanaretah.
Elle hocha la tête et demanda à sa propre monture, Neraquassi, d'essayer de calmer Pisunii, quand tout à coup, Wakaree les repéra et à leur consternation, commença à trotter dans leur direction. Immédiatement, Kanaretah fit les signes pour une manœuvre d'approche indirecte. Tabbaquena et Kotsoteka bifurquèrent chacun de leur côté, se positionnant afin d'arriver sur les flancs de Wakaree. Ils saisirent leurs arcs et regardèrent nerveusement de côté, à l'affût de tout type de danger.
Kanaretah fit un autre geste, ordonnant à Towasi d'aller à la rencontre du cheval paniqué. Pisunii s'élança immédiatement. Ces deux là n'avaient pas besoin de mots pour communiquer et ils agissaient comme s'ils partageaient une conscience unique. La jeune cavalière saisit sa courte lance, prête à parer à toute éventualité. Quand elle fut assez proche pour saisir les rênes de Wakaree, son cœur se serra. Qu'était-il arrivé? Le bel alezan n'était plus que l'ombre de lui-même. Son museau écumait d'une mousse blanche, ses flancs se soulevaient rapidement et ses yeux étaient écarquillés, affolés. Il parcouru le reste de distance qui les séparait et enfouit sa tête dans l'encolure de Pisunii, comme s'il pouvait s'y cacher. La jument commença à montrer à sa cavalière les images incohérentes projetées par l'esprit du pauvre cheval. Il était soulagé que de les secours soient enfin arrivés, mais plus que tout il voulait de l'aide pour son petit frère. Yahnee offrait un spectacle encore pire que Wakaree. Les articulations de ses doigts étaient blanches à force de se cramponner à la crinière de son ami, sa mâchoire se contractait de façon incontrôlable, il s'était manifestement fait dessus... Mais le pire, c'était ses yeux. Ils étaient grands ouverts, exorbités mais fixés dans le vague. C'était comme s'il ne regardait pas à l'extérieur mais à l'intérieur de lui et comme si ce qu'il y voyait lui faisait peur delà de toute raison.
Bientôt, les Nʉmʉ décidèrent qu'il n'y avait rien autour d'eux ayant pu les effrayer à ce point. Ils étaient d'excellents pisteurs bien sûr, ils n'avaient donc aucune difficulté à reconstituer les événements de la nuit, comme le fait que Yahnee s'était arrêté, puis s'était retourné pour combattre des carnirats. C'était ce qui s'était passé après qui était un mystère complet. Il s'était manifestement très bien débrouillé et s'était débarrassé de la vermine rapidement, un exploit assez impressionnant pour un guerrier solitaire. Mais après cela, rien. Wakaree avait commencé à galoper, à fuir quelque chose, mais quoi? Ils n'en avaient aucune idée. Si cela avait été un prédateur, cela n'expliquait pas la folie de Yahnee. S'il cela avait été des morlocks, il y aurait eu des signes de bataille, ou plus probablement, il aurait été tué et dévoré. En outre Wakaree s'en serait souvenu, mais il ne semblait pas se rappeler de quoi que ce soit d'étrange en dehors de leur combat contre les rats.
Enfin, Tabbaquena se saisit de son tambour et commença à jouer un rythme hypnotique. Peu de temps après, il marchait en esprit, mais même cela ne donna aucun résultat. Il n'était pas en mesure d'atteindre l'esprit du jeune Nʉmʉ et la seule chose qu'il obtint de Yahnee fut une incroyable vague de peur. Son esprit était très difficile à approcher, il essayait systématiquement de s'échapper dès que Tabbaquena s'approchait de lui. Finalement, le vieux chaman dû abandonner. Il avait besoin de plus de puissance, de plus de temps, d'une hutte de sudation peut-être. Quelque chose de terrible s'était insinué dans la psyché de Yahnee, et essayer de l'exciser à cheval au milieu de la plaine était au-delà des forces du chaman.
Sidérée, Kanaretah donna l'ordre de rentrer au camp. Ils avaient essayé de faire monter Yahnee sur un cheval frais, mais il ne voulait rien entendre et sentant son angoisse augmenter, Wakaree se retourna contre eux, avec force coups de dents et coups de pied. En fin de compte, ils abandonnèrent, le camp n'étant de toute façon qu'à quelques heures de route à un rythme lent. Towasi changea cependant de cheval et commença à galoper vers le camp en remorquant Pisunii. Kanaretah ne voyait aucune raison de déplacer la tribu, mais elle était préoccupée par l'incident et pour des raisons de sécurité, elle voulait quand même qu'ils se déplacent un peu vers l'est. Cela les rapprocherait de Gond, et il était toujours prudent de bouger s'il y avait le moindre doute.
Et ce fut tout. Quelques heures plus tard, ils avaient rattrapé leur retard et ils étaient enfin en vue de la caravane. Alors qu'ils se rapprochaient, Kanaretah rapprocha Neraquassi de Wakaree et essaya d'attirer l'attention de Yahneequena.
"Nous sommes arrivés mon garçon, tu peux te détendre maintenant. Vous êtes en sécurité, toute la tribu est là pour vous protéger," dit-elle d'une voix douce et maternelle.
Yahnee ne réagit pas, mais son étreinte sembla se détendre. Quelques instants plus tard, il reniflait l'air. Ils étaient entourés de l'odeur de la troupe, de l'odeur de centaines de chevaux, de poussière dans l'air, de vestes en cuir et de crottin de cheval. Une odeur à laquelle ils étaient tous habitués, l'odeur de leur chez eux. Towasi était déjà arrivée et elle était en train d'aider à mener l'élevage de chevaux le long de la caravane, mais quand elle vit ses amis au loin, elle se retourna et vint à leur rencontre.
"Ooh haa! Une bonne rencontre, voyageurs. Nous sommes heureux de vous offrir l'hospitalité ce soir" plaisanta-t-elle, en souriant d'une oreille à l'autre.
Elle était heureuse de les voir revenir sains et saufs.
Soudain Yahnee sembla reprendre conscience. Il se redressa sur Wakaree, surprenant le cheval déjà paniqué. Ses yeux dardaient de tous les côtés, passant de Kanaretah, à la caravane, puis revenant à elle.
"Pourquoi sommes nous ici!" hurla-t-il.
"Quoi?" s'écria Kanaretah, alarmée par la violence de son éclat de voix.
"Non!" commença-t-il à gémir. "Non, non, non, non! Il est ici, il est en moi, il sait où nous sommes!"
"Arrête!" lui commanda Kanaretah. "Explique-toi. Qui sait que nous sommes ici? Qu'est-ce que tu racontes?"
Mais Yahnee n'écoutait pas. Il était au le bord de la folie. Il regardait autour de lui, complètement délirant.
"Non, il est ici, il est ici, c'est ma faute, c'est trop tard!" cria-t-il. Il tomba de son cheval, sanglotant et regardant quelque chose derrière eux.
Kanaretah se retourna lentement. Le brouillard du matin commençait lentement à se dissiper, révélant l'ombre d'une énorme créature. Un kʉtsʉtoya monstrueux. Un kʉtsʉtoya monstrueux monté par un morlock colossal.
Elle n'arrivait pas à en croire ses yeux. Elle ne les avait pas entendu arriver, ni senti, ni ressenti quoi que ce soit pouvant l'avertir. Comment une chose aussi monstrueuse avait-elle pu les suivre? Le morlock souleva un bras vêtu d'un assortiment de pièces d'armure dépareillées. Il ouvrit une bouche sans lèvres couleur de cendres, révélant une rangée de dents triangulaires acérées. Puis il hurla, un terrible rugissement qui leur fit dresser les cheveux sur les bras. Elle n'avait jamais entendu un cri aussi terrible, promettant violence, douleur et mort, un cri qui vous glaçait jusqu'au sang. Cela ne lui ressemblait pas, pourtant elle était transpercée, il se passait trop de choses en même temps, Yahnee sanglotant et griffant son visage avec ses ongles, Wakaree hennissant de peur, tous les chevaux commençant à perdre leur calme et l'apparition de cette créature cauchemardesque différente de tout ce qu'elle avait jamais vu...
Enfin, le long hurlement s'arrêta, et elle retrouva ses esprits. Mais alors qu'elle était sur le point de lancer ses ordres à ses camarades stupéfaits, elle fut une fois de plus arrêtée dans son élan. Alors que les brumes se séparaient, plusieurs formes commencèrent à sortir de l'ombre et à se solidifier lentement.
Des Morlocks. Des centaines, non, des milliers d'entre eux.
«Nous sommes condamnés," s'écria Yahneequena. «Je nous ai tous condamné!"
Merci pour la suite !!
RépondreSupprimerEt je suis toute émue que tu l'aies mise parce que je te l'ai demandée !
Merci d'avoir fait cet effort pour moi :-)