Voilà deux mois que je suis rentré à Paris et je commence à avoir le recul pour vous en parler.
On ne vas pas se mentir, ces deux derniers mois ont été assez violents. Changement d'appartement, de pays, de système de santé, de système social, de médecins... Chacun des ces événements pris individuellement peut-être assez traumatisant alors tous ensembles, c'est un peu le cocktail explosif. Pourtant, cela va relativement bien, je m'adapte sans trop de problèmes. Il n'y a qu'un seul truc qui soit vraiment dur, c'est d'être seul le soir, pour le reste, je vis ça plutôt bien. Il faut dire que je crois que la leucémie m'a surentraîné à accepter le changement et à complètement m'abandonner et lâcher prise face aux événements quels qu'ils soient.
Je pensais que le retour en France provoquerais un gros choc culturel, mais en fait non. Comme je suis rentré un mois en Juillet avant de rentrer définitivement, j'ai eu le temps de reprendre mes marques. J'habite dans l'appartement dont je suis propriétaire à Vanves, que je louais pendant ces cinq ans (par chance, les locataires sont partis en Juin). Cela m'a fait très bizarre, de revenir dans cet appartement. Je l'ai quitté à un des moments les plus heureux de ma vie, juste après notre mariage, et je le réintègre cinq ans plus tard, fatigué, en souffrance, sans femme, sans boulot. De ces cinq ans, j'ai gagné deux chats, beaucoup, beaucoup de cicatrices et pas mal de plomb dans la tête. Il y a cinq ans, je regardais par la fenêtre en rêvant d'ailleurs, aujourd'hui, je regarde par la même fenêtre en pensant aux amis que j'ai laissé là-bas, aux paysages magnifiques de l'état de Washington avec, je dois l'avouer, un peu d'amertume. J'ai l'impression d'être passé à côté de quelque chose, mais est-ce vrai? Comment aurais-je pu vivre ces années de façon plus intense qu'en ayant cette foutue leucémie? C'est un peu extrême comme point de vue, et j'en ai conscience, douloureusement conscience.
Je regrette un peu de ne pas avoir eu plus l'opportunité de travailler, j'ai bossé pendant un an et demi où j'ai eu le sentiment d'apprendre plus qu'en cinq ans à Paris et j'aurais aimé aller plus loin... Mais d'un autre côté, ce regret, c'est un regret du Loïc d'avant. Le Loïc d'aujourd'hui s'en moque comme d'une guigne. C'est bizarre d'ailleurs cette schizophrénie: j'ai changé beaucoup plus vite que l'on ne change normalement (d'ailleurs certains vous dirons qu'on ne change pas, hors circonstances extrêmes). J'ai encore des souvenirs, des à priori sur mon caractère et sur ce que je désire (ou pas) qui sont ceux du Loïc d'avant et je m'aperçois petit à petit qu'il faut que je réactualise ma "cartographie" intérieure.
L'une des choses qui a été les plus dures d'ailleurs depuis que je suis rentré, c'est de faire face à l'incompréhension de mes proches, qui s'adressent à quelqu'un qui n'existe plus. Je pense que tous les expatriés rentrant au pays sont changés de façon assez profonde ce qui peut compliquer les relations avec les gens, Dans mon cas, c'est encore plus compliqué que cela: en plus de mes valeurs et de ma culture, ce sont mes comportements les plus profonds qui ont changés. L'avantage c'est que comme j'ai appris à lâcher prise, je m'adapte à cette incompréhension, après un moment assez bref de colère.
Donc, le choc de rentrer en France... Oui, c'est vrai, tout est différent: les routes sont étroites, il y a des pharmacies partout, les bâtiments sont tous en dur et pas en bois, les parcs et l'éclairage municipal sont bien entretenus, les trottoirs sont crottés, les pains au chocolat sont bons et ne coûtent rien... Quelque part, je m'adapte bien parce que c'est une expatriation à l'envers: je viens d'arriver dans un pays étranger qui est la France, et j'apprends les coutumes locales avec une part certaine d'émerveillement, comme lorsque je découvre que je peux acheter pour 3 euros du foie gras à mon Intermarché (désolé Eric ;p). Oui, je vous assure qu'au bout de 5 ans dans un pays étranger, on oublie ce genre de choses.
Cela fait du bien de retrouver ses amis français, je dois dire. Aux US, j'ai eu du mal à me faire beaucoup d'amis et d'ailleurs c'est quelque chose de spécifique à Seattle: des américains qui viennent habiter à Seattle alors qu'ils sont adultes ressentent la même chose. C'est un peu triste à dire, mais le courant passe plus facilement entre moi et ma coiffeuse ici qu'entre moi et certains de mes amis américains: nous avons un référentiel commun, je marche beaucoup moins sur des oeufs et je n'ai pas peur de faire un impair à chaque détour de phrase. Il y a plein de choses dont on ne peut pas vraiment parler aux US, qui sont très sensibles et que l'on réserve vraiment à ses meilleurs amis, et encore. Ici, les conversations sont beaucoup plus faciles et fluides et c'est assez relaxant.
Le paysage absolument magnifique de Seattle me manque, c'est sur. De ma fenêtre, je voyais les Olympics, je voyais le Puget Sound et la Space Needle, j'avais vue sur un parc et quand je sortais faire les courses le matin (hum, l'après-midi ^^), cela sentait la mer... Ici à Vanves, ma fenêtre donne ouest aussi, c'est lumineux.. Mais j'ai vue sur une cour et c'est l'odeur de pot d'échappement qui m’accueille. Pourtant, je ne suis pas sur d'y perdre au change. Je ne vais que rarement dans Paris, tous les jours je me promène dans Vanves qui est une petite ville très agréable, avec une ambiance de village vraiment particulière. Vanves, c'est un peu le secret bien gardé de la banlieue Parisienne: personne ne connait, et les vanvéens en sont très content car eux seuls savent qu'il est possible de vivre dans une ambiance calme et détendue si près de Paris.
Un autre truc qui permet d'adoucir le retour, c'est Paris justement. Il y a des gens qui m'ont dit "Ah, mais moi je pourrais pas vivre à Paris, pour ceci ou pour cela..." Bon ben c'est très bien pour vous, (d'ailleurs, parlez moi plutôt de ce que vous aimez, cela me changera...) mais en attendant, moi j'adore Paris. J'adore les monuments, j'adore toutes ces/ses vieilles rues et ses vieux quartiers, j'adore le fait qu'après 8 ans à Paris j'ai encore des tonnes de choses à découvrir. Il y a toujours un monument, un musée, une expo, que l'on n'a pas faite. C'est un truc qui me manquait sévèrement à Seattle, on avait vraiment l'impression d'avoir tout fait de multiples fois et on ne savait plus vraiment quoi inventer pour s'occuper le week-end. C'est une ville tournée vers la nature, le week-end tout le monde part camper... Ce qui est très bien sauf que 9 mois de l'année durant, il fait un temps pourri et camper dans ces conditions, moi ça me fais suer (je ne suis pas contre camper l'été attention!). C'est amusant d'ailleurs, car à Seattle je me disais que jamais je ne pourrais vivre à nouveau à Paris, que c'est une ville trop étouffante, sans vert, sans océan... Mais je me rends compte que je m'y fais très bien et cela m'avait manqué ces vieilles pierres. Justement le fait d'habiter à Vanves me permet d'avoir un cadre un peu plus calme, avec des supers parcs pas loin de chez moi, tout en étant vraiment près de tout ce que Paris a à offrir. C'est sur que je ne pourrais plus vivre dans le 18ème comme je l'ai fait de 2002 à 2008.
Voilà, j'ai encore pas mal de choses à raconter sur l'impatriation mais je le ferais plus tard.