Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

jeudi 16 février 2012

Le musicien, l'infirmière et le positivisme

J'écoutais la BBC en revenant de ma prise de sang hebdomadaire (qui est clean, au passage), et, le hasard comme par hasard, je suis tombé sur une émission traitant de l'impact du positivisme dans le traitement du cancer.

 Forcément, je tends l'oreille et je hausse le son (j'ai failli écrire je hausse l'oreille, ça se dit ou pas?).

Le journaliste avait invité un patient ayant survécu à un cancer non spécifié, qui a changé de profession après sa maladie pour réaliser son rêve de faire de la musique. Et pas n'importe quelle musique: de la musique drôle et positive qu'il va jouer dans les hôpitaux pour essayer de redonner le moral aux patients. Bref un gars et une initiative plutôt sympa.

Était aussi invitée une infirmière spécialisée en oncologie, censée être la caution scientifique de l'émission.

Petit aparté, j'ai tendance à être rapidement énervé lorsque l'on pose une question du type "est-ce que le positivisme aide dans le traitement au cancer?". On m'a par exemple proposé de participer à une étude visant à démontrer que l'exercice et la relaxation sont bénéfiques post-transplantation. J'ai bien évidement signé, mais en faisant remarquer un peu vertement que ça paraissait être une évidence et que ça me gonflait prodigieusement qu'il faille le démontrer via une étude. Passons.

L'ancien malade raconte son expérience, chante une chanson rigolote, fais passer son message J'ai été complètement abasourdi quand l'infirmière a coupé court au débat avec peu ou prou la phrase suivante "J'ai plus de 25 ans d'expérience et je peux vous assurer que les gens positifs meurent autant que les gens dépressifs".

Sans. Déconner. Vraiment?

Premièrement il y a un faisceau d'évidence scientifique croissant tendant à prouver exactement le contraire, avec nombre d'études montrant par exemple que les individus participants à des groupes de support ont plus de chance de survie à cinq ans.

Deuxièmement, il connu que le stress est toxique pour le corps. Quand on fait face à un traitement d'une maladie comme le cancer, chaque arme compte, et supprimer le plus de toxicité possible ne peut à mon avis que faire du bien. Il me semble que cela relève du bon sens, et j'en reparlerai, d'ailleurs.

Troisièmement, affirmer un truc pareil devant dix millions d'auditeurs, c'est scandaleux. Abandon all hopes, humans, you are doomed. Super, le message.

Mais admettons une seconde que cette charmante infirmière ai raison. Que quel que soit notre état d'esprit, nos chances face à la maladie sont égales, et que donc peu importe que l'on soit positif ou négatif. Ce que l'infirmière ne comprend pas c'est que l'impact du positivisme sur les chances de survie, on s'en moque un peu en définitive.

Il est important, quelle que soit la maladie (et la Vie est une maladie, avec un pronostic fatal dans 100% des cas, si vous voyez où je veux en venir), d'être positif. Juste pour bien vivre. Juste pour être heureux. Punaise, si on a plus que cents jours à vivre, autant les vivre le sourire aux lèvres, non? et ce n'est pas parce que l'on en a 9000 à vivre qu'il faut les passer triste comme la pierre non plus!

Croyez moi ou pas, mais j'ai des bons souvenirs de mon traitement. Mettre des photos crétines sur la porte de ma chambre pour faire rire les infirmières, bricoler la TV pour pouvoir jouer avec mon ordinateur portable, regarder mon frangin jouer aux jeux de notre enfance sur cet ordinateur (j'étais trop fatigué pour jouer avec lui, mais ça me faisait plaisir de regarder), surprendre ma femme en flagrant délit de squattage dans la salle de repos des infirmières pour voir la fin de Bachelorette... Je me suis bien marré par moments!

Je ne vous dit pas que c'était facile, que je n'ai pas eu des moments de déprime (le plus récent date de la mi-Janvier et a duré deux bonnes semaines), mais bordel (et la vulgarité est volontaire, c'est comme de taper du poing sur la table mais par écrit) j'ai toujours essayé de garder le sourire, et j'essaierai toujours.

Finalement, je suis un peu triste pour cette infirmière. Elle a l'impression d'être une experte du cancer, une autorité en la matière, mais elle ne voit les choses que d'un point de vue technique... Et donc elle rate complètement une vérité très importante, tout en étant complètement convaincue d'être dans le vrai.

C'est d'autant plus triste que je comprend que l'on puisse en arriver là: c'est un métier fatiguant, de voir des gens mourir régulièrement et se construire une carapace faite de logique brute est surement un moyen de gérer cette pression. Pourtant, si elle positivait, justement, elle vivrait surement mieux...

Enfin bref. Rassurez vous tout le personnel soignant n'est pas comme cela, et même si elles ne liront probablement jamais ces lignes, je ne peux que remercier mes infirmières, qui ont toujours eu un sourire éclatant en ma présence. Et je vous reparlerai du "positivisme", car selon moi (et des gens bien plus intelligents et qualifiés que moi) c'est un facteur important de guérison, pour une multitude de raisons.

10 commentaires:

  1. Entièrement d'accord avec toi. Très bien exprimé. On te sent moins fatigué et reprenant sacrément le dessus. Certains de mes amis sur facebook et autres m'appellent "Miss positivity", surtout lorsque j'aide d'autres personnes qui comme moi vivent depuis des années avec des problèmes de santé assez pénibles. Aujourd'jui, j'ai pensé à toi en regardant un film de 2011 tourné à Seattle: 50/50. Sujet: un jeune homme de moins de 30 ans (acteur Joseph Gordon-Levitt) fait face à un cancer. Plutot réaliste, mais avec une dose d'humour; tout comme la plupart de mes amis qui vivent et ont (sur)vécu à des cancers apprennent à vivre leur vie avec positivisme quand même; justement avec une appréciation de la vie plus intense mais aussi comme un atout de plus dans le combat contre la maladie. Ravie que tes résultats d'examens sanguins soient bons. Impressionnant de voir avec quelle force mentale et émotionnelle tu as vécu ta leucémie. Continue de cultiver ton positivisme, précieux atout!!

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    1. merci pascale, toi aussi! Par contre moi les films sur le cancer, j'évite.

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    2. Joli post Loic !
      Merci pour ces pensées. J'ai une connaissance qui a la même merde que toi mais qui n'a toujours pas de donneur, je m'inspire de ton moral d'acier pour l'aider.
      Des bisous
      Flo

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  2. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  3. Ayant vécu et accompagné un membre de notre famille très proche touché par le cancer, il est certain que le positivisme, la bonne humeur, les sourires..., sont de précieuses clés pour s’en sortir. Nous sommes convaincus que dans la vie, qu’elle soit bien portante ou non, le mental joue pour un sacré pourcentage. Nous te suivons, laissons des messages de temps en temps et te disons « Chapeau », car ce positivisme prend chez toi souvent le dessus malgré des passages à vide. Alors accroche-toi car tu as derrière toi de nombreux fidèles !!!

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  4. Pas si facile d'exprimer ce qui semble évident...
    Je n'ai pas traversé tes épreuves, et pourtant il me semble que cet état d'esprit a toujours été ma force. Si seulement on pouvait en faire des transfusions !

    Toujours bon de te lire Loic !

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  5. En tout premier lieu, je suis heureuse de tes bons résultats d'analyse. Et ton positivisme y participe c'est indéniable.
    Si je comprends bien d'après cette infirmière, les travaux des Dr Carl Simmonton, Bernie Siegel et autre Christian Tal Schaller sont à mettre à la poubelle ! Céder la parole à quelqu'un qui devrait être là pour vous remonter le moral c'est de la non-assistance à personne en danger et même une atteinte à la vie d'autrui !!!
    Et les endorphines libérées par le rire, qu'en fait-elle ? On parle ici d'un fait scientifique avéré, démontré, pas selon ce qu'elle a l'air de penser, de la pseudo-psycho-médecine à deux balles !
    Pendant les pires moments, je ne me suis jamais privée d'aller au cinéma voir une bonne comédie, moi qui les dédaignais auparavant. Non seulement ça fait du bien mais ça marche... au moins pendant le temps du film ! Si ce n'est pas ça qui me fera guérir de mon cancer, je suis d'accord, il vaut mieux vivre moins longtemps et heureux, que longtemps et déprimé.
    Moi aussi j'ai vu 50/50 avec une pensée pour toi, me demandant si ton hôpital et tes thérapeutes ressemblaient à ceux du film.
    En matière de psychologie, j'en ai vu de toutes les couleurs avec le personnel médical (principalement les médecins qui comme dans le film ne prennent pas de gants pour t'annoncer le diagnostic et ses conséquences) mais je dois reconnaître que mes infirmières en oncologie ont toutes été extraordinaires et je ne peux que les remercier du travail fabuleux qu'elles accomplissent dans ce milieu où sans être indifférent, il faut être sacrément armé et blindé pour voir tant de détresse morale et physique.
    A l'annonce d'une autre maladie potentiellement mortelle elle aussi, quand j'ai demandé au médecin qu'elles étaient mes chances de survie, il m'a répondu quelque chose que je n'ai jamais oublié : "Qu'avez-vous à faire des statistiques ? Si vous êtes LE cas sur 10 qui va s'en sortir, vous n'en aurez rien à faire des 9 autres". Alors là aussi les statistiques en matière de cancer, j'oublie. Chaque cas est unique et c'est toi qui écris l'histoire de ta vie avec ce que tu lui apportes. Alors mieux vaut que ce soit du positif...

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  6. 25 ans au contact des gens et aussi peu d'empathie.
    Tu as raison d'être triste pour elle...

    Et puis c'est bien (sans doute chiant mais bien) cette étude, marteler les évidences ne fait pas de mal si ça aide les gens à aller dans le bon sens.

    Note : On dit plutôt "je *tends* l'oreille..."

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  7. Oh comme j'adhere ! On en revient toujours au meme : la qualite de vie ! Et bien mettre ses lunettes roses, ca fait franchement du bien, a commencer par la personne qui partage notre vie, le pessimisme !!

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  8. Pauvre infirmiere en epuisement professionnel et sans doute en depression "compensee".
    Pauvres malades traites par elle.

    Bonne chance Loic pour la suite. Recupere bien ainsi que Celia!

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