J'écoutais la BBC en revenant de ma prise de sang hebdomadaire (qui est clean, au passage), et, le hasard comme par hasard, je suis tombé sur une émission traitant de l'impact du positivisme dans le traitement du cancer.
Forcément, je tends l'oreille et je hausse le son (j'ai failli écrire je hausse l'oreille, ça se dit ou pas?).
Le journaliste avait invité un patient ayant survécu à un cancer non spécifié, qui a changé de profession après sa maladie pour réaliser son rêve de faire de la musique. Et pas n'importe quelle musique: de la musique drôle et positive qu'il va jouer dans les hôpitaux pour essayer de redonner le moral aux patients. Bref un gars et une initiative plutôt sympa.
Était aussi invitée une infirmière spécialisée en oncologie, censée être la caution scientifique de l'émission.
Petit aparté, j'ai tendance à être rapidement énervé lorsque l'on pose une question du type "est-ce que le positivisme aide dans le traitement au cancer?". On m'a par exemple proposé de participer à une étude visant à démontrer que l'exercice et la relaxation sont bénéfiques post-transplantation. J'ai bien évidement signé, mais en faisant remarquer un peu vertement que ça paraissait être une évidence et que ça me gonflait prodigieusement qu'il faille le démontrer via une étude. Passons.
L'ancien malade raconte son expérience, chante une chanson rigolote, fais passer son message J'ai été complètement abasourdi quand l'infirmière a coupé court au débat avec peu ou prou la phrase suivante "J'ai plus de 25 ans d'expérience et je peux vous assurer que les gens positifs meurent autant que les gens dépressifs".
Sans. Déconner. Vraiment?
Premièrement il y a un faisceau d'évidence scientifique croissant tendant à prouver exactement le contraire, avec nombre d'études montrant par exemple que les individus participants à des groupes de support ont plus de chance de survie à cinq ans.
Deuxièmement, il connu que le stress est toxique pour le corps. Quand on fait face à un traitement d'une maladie comme le cancer, chaque arme compte, et supprimer le plus de toxicité possible ne peut à mon avis que faire du bien. Il me semble que cela relève du bon sens, et j'en reparlerai, d'ailleurs.
Troisièmement, affirmer un truc pareil devant dix millions d'auditeurs, c'est scandaleux. Abandon all hopes, humans, you are doomed. Super, le message.
Mais admettons une seconde que cette charmante infirmière ai raison. Que quel que soit notre état d'esprit, nos chances face à la maladie sont égales, et que donc peu importe que l'on soit positif ou négatif. Ce que l'infirmière ne comprend pas c'est que l'impact du
positivisme sur les chances de survie, on s'en moque un peu en
définitive.
Il est important, quelle que soit la maladie (et la Vie est une maladie, avec un pronostic fatal dans 100% des cas, si vous voyez où je veux en venir), d'être positif. Juste pour bien vivre. Juste pour être heureux. Punaise, si on a plus que cents jours à vivre, autant les vivre le sourire aux lèvres, non? et ce n'est pas parce que l'on en a 9000 à vivre qu'il faut les passer triste comme la pierre non plus!
Croyez moi ou pas, mais j'ai des bons souvenirs de mon traitement. Mettre des photos crétines sur la porte de ma chambre pour faire rire les infirmières, bricoler la TV pour pouvoir jouer avec mon ordinateur portable, regarder mon frangin jouer aux jeux de notre enfance sur cet ordinateur (j'étais trop fatigué pour jouer avec lui, mais ça me faisait plaisir de regarder), surprendre ma femme en flagrant délit de squattage dans la salle de repos des infirmières pour voir la fin de Bachelorette... Je me suis bien marré par moments!
Je ne vous dit pas que c'était facile, que je n'ai pas eu des moments de déprime (le plus récent date de la mi-Janvier et a duré deux bonnes semaines), mais bordel (et la vulgarité est volontaire, c'est comme de taper du poing sur la table mais par écrit) j'ai toujours essayé de garder le sourire, et j'essaierai toujours.
Finalement, je suis un peu triste pour cette infirmière. Elle a l'impression d'être une experte du cancer, une autorité en la matière, mais elle ne voit les choses que d'un point de vue technique... Et donc elle rate complètement une vérité très importante, tout en étant complètement convaincue d'être dans le vrai.
C'est d'autant plus triste que je comprend que l'on puisse en arriver là: c'est un métier fatiguant, de voir des gens mourir régulièrement et se construire une carapace faite de logique brute est surement un moyen de gérer cette pression. Pourtant, si elle positivait, justement, elle vivrait surement mieux...
Enfin bref. Rassurez vous tout le personnel soignant n'est pas comme cela, et même si elles ne liront probablement jamais ces lignes, je ne peux que remercier mes infirmières, qui ont toujours eu un sourire éclatant en ma présence. Et je vous reparlerai du "positivisme", car selon moi (et des gens bien plus intelligents et qualifiés que moi) c'est un facteur important de guérison, pour une multitude de raisons.