Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

lundi 27 avril 2015

La loi des plaines, chapitre 4

Wakaree, sentant l'angoisse de son cavalier, se cabra avec un hennissement assourdissant.

«Par l'esprit Aigle, Wakaree, chut, calme-toi, désolé d'avoir crié, n'ai pas peur mon ami" cajola Yahnee, oubliant sa propre peur en caressant l'encolure frissonnante de son partenaire. Puis, parlant à voix haute "D'où viennent-ils? Je ne les ai pas vu venir, quelle ruse des mauvais esprits cela peut-il bien être? Comment est-ce possible?"

Il savait qu'il devait partir, qu'il devait signaler l'attaque à sa tribu et les mettre en mouvement, mais la curiosité fut plus forte que la prudence. Il devait voir ce qui se passait, c'était trop étrange. Par ailleurs, le Veronica était probablement défendu par les célèbre guerriers d'élite de Gond, des hommes et des femmes formés à la légendaire École de Guerre, une institution qui avait entraîné les meilleurs combattants ayant jamais marché sur Yaghan. Il ne pouvait cependant pas se rapprocher, pas avec Wakaree en tout cas, cela aurait été trop dangereux et trop lent de toute façon. Alors, il décida à la place de projeter son esprit.

"Wakaree, calme-toi, calme-toi ...» répéta-il à son cheval. Puis il lui donna des instructions dans un langage suffisamment simple pour qu'il puisse les comprendre: «Écoute Wakaree: tu me protèges. Yahnee va projeter son esprit maintenant, Wakaree appelle Yahnee si Wakaree a peur. Wakaree protège. Wakaree protège, Wakaree appelle Yahnee si Wakaree a peur. Répète moi ce que tu vas faire maintenant. "

Wakaree hennit sa compréhension et ânonna télépathiquement "Bien. Wakaree protège frère Yahnee. Wakaree protège. Wakaree peur, Wakaree dit 'frère Yahnee'. Bien. Wakaree protège. Bien. Content."
C'était un cheval de guerre, avoir des instructions claires lui donnait un but ce qui  l'aidait à se calmer. Yahnee se détendit un peu. Il était si fier de son partenaire! Ils avaient grandi ensemble et s'aimaient comme des frères, en dépit du fait d'être d'espèces différentes. Cela faisait du bien, dans l'incertitude de la nuit, de savoir qu'il pouvait compter sur le fier alezan, qu'il pouvait lui confier sa vie.

La projection de conscience était son deuxième Don. Celui-ci allait souvent de pair avec les Yeux de l'Aigle parce qu'ils se complètaient parfaitement. Tout chaman pouvait projeter sa conscience, mais tout ce qu'ils pouvaient voir, c'était le monde des esprits, un reflet de notre propre monde où les émotions avaient plus d'importance et de consistance que la matière. C'était différent du pouvoir de Yahnee: les gens qui comme lui projetaient leur conscience vers quelque chose dans leur champ de vision pouvaient le voir comme s'ils étaient vraiment là, comme des observateurs fantomatiques. Encore plus étrange, ils gardaient cette clarté, même s'ils sortaient de leur champ de vision réel, en passant derrière l'objet qu'ils observaient en esprit par exemple. La magie n'était pas une chose complètement cohérente ou si elle l'était, les humains ne comprenaient pas tout. Bien sûr, tout cela ne disait pas grand chose à Yahnee. Il savait seulement qu'il pouvait le faire et comment le faire et c'était suffisant pour lui. Il prit une profonde inspiration, puis jeta un long regard sur la scène de chaos se déroulant au loin. Puis il imagina qu'il la contemplait à une centaine de mètres de distance, comme s'il se tenait non loin du Veronica. Dès qu'il eu une image claire formée dans son esprit, il tendit sa volonté et déplaça sa conscience là-bas.

Quand il ouvrit ses yeux éthérées, Yahnee était plongé dans le feu de l'action, sur le côté droit du wagon central du train éolien. Un grand nombre de passagers étaient à l'extérieur et les voiles étaient roulées ce qui n'était pas du tout logique. Les passagers ne descendaient jamais d'un train en général, même s'il s'arrêtait quelques temps, c'était ben trop dangereux pour des citadins. A cause de cela, ils avaient été pris par surprise par l'assaut des Morlocks. De toute évidence, la plupart d'entre eux n'étaient pas des guerriers et en dépit d'être armés comme tous les Yaghanites, leurs tentatives désespérées de se défendre avec leurs poignards étaient futiles... Ils étaient comme des enfants agitants des cure-dents devant un kʉstʉtoya: faibles et impuissants. Comme on pouvait s'y attendre, leurs ennemis, plus forts et plus vicieux étaient en train de les massacrer. Yahnee haleta d'horreur lorsqu'un un morlock de plus de deux mètres de haut tua une femme d'un seul coup de poing au visage. Alors qu'elle tombait au sol, un autre se saisit de sa dépouille. Une bagarre éclata ensuite entre plusieurs monstres autour du corps mourant. Un pʉetʉyai plus petit, presque un nain, une parodie d'être humain marchant à quatre pattes comme un chien, se faufila entre les charognards avec une vitesse étonnante et attrapa un jeune homme qui courait vers le sas du Veronica le plus proche. Le monstre ignoble et dégoûtant mordit la cheville du pauvre garçon, le fit tomber, rampa le long de son dos en un battement de coeur et mordit sa proie juste à la base du cou, le tuant instantanément. Puis il commença à dévorer le pauvre garçon comme une hyène se repaissant d'une carcasse lorsque d'autres morlocks le rattrapèrent. Une fois de plus, comme avec la femme quelques instants auparavant, ils commencèrent à se battre pour leur butin. Malheureusement, ces luttes intestines n'étaient pas suffisantes et la grande majorité des morlocks continuait de s'en prendre aux humains.

Yahnee était un pur esprit, déconnecté des sensations de son corps, mais même ainsi, il crû qu'il allait être malade. Le jeune guerrier Nʉmʉ avait déjà vu des batailles, avait combattu les morlocks auparavant, avait vu des gens mourir, même ... Mais jamais un combat n'avait été si inégal. Il n'avait jamais vu quelque chose d'aussi horrible que ces bêtes démembrant leurs victimes pour les dévorer juste devant ses yeux. Yahnee était un brave, il faisait face à l'ennemi résolument, sa lance et son couteau à la main... Alors en tant qu'esprit flottant autour du train, témoin invisible de l'assassinat de tous ces voyageurs innocents, il se sentait désespérément impuissant. Pour la deuxième fois, il réalisa qu'il devait quitter la scène aussi vite que possible afin de prévenir sa tribu. Compte tenu de la gravité de la menace, quelques braves seraient alors probablement envoyés appâter les Morlocks pour les emmener dans la direction opposée. Mais il était médusé, presque fasciné, par le drame qui se déroulait devant ses yeux éthérés.

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