Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mercredi 29 juillet 2015

Et de 4: quatre ans après la transplantation

Cela fait un moment que je me dit qu'il faut que j'écrive un post à "l'ancienne", où je parle de la vie, de l'univers, et du reste et que je remet à plus tard. J'ai déjà du mal à poster la suite de ma nouvelle alors que je n'ai que peu de travail à fournir (elle est traduite intégralement et je n'ai qu'à corriger certaines imperfections avant de mettre le post en ligne), alors écrire un post, n'en parlons pas.

Cela tient à plusieurs facteurs, je crois, le premier étant tout simplement que j'ai moins le temps, pour plusieurs raisons dont je vais parler. Le deuxième, c'est tout simplement que tout le temps que je passe à écrire, je le passe à écrire un roman. J'aime de moins en moins en parler, d'ailleurs, de ce roman, à part à mes proches. Plus j'avance (et je peux vous dire que j'avance, j'ai environ 200 pages d'écrites et 200 de plus en notes diverses sans compter les plans, les dessins...), plus j'y tient, plus j'ai l'impression que peut-être il y a l'embryon d'un truc bien, plus j'ai peur du regard extérieur, que cela ne plaise qu'à moi. Non, ce n'est pas tout à fait ça. Plus j'avance, plus c'est moi à l'intérieur, et plus j'ai peur que cela déçoive. Bref, je ne voulais pas vous parler de cela, je voulais juste dire que ce projet occupe la majorité de mon temps libre, que je me couche et me réveille en y pensant, et que c'est la raison de l'abandon relatif de mon blog.

Depuis que je suis rentré, j'ai aussi éprouvé le besoin de me concentrer sur moi. Beaucoup de bloggers expats en profitent pour exprimer leur ressenti, le choc culturel du retour, ou pour expliquer leurs stratégies pour déménager d'un bout à l'autre du globe. J'aurais aussi beaucoup à dire, mais l'envie me manque, pour être honnête. Pour comprendre pourquoi, il faut que je revienne en arrière un peu, je pense.

En Septembre 2014, j'ai vécu quelque chose d’extrêmement difficile. La femme que j'aimais m'a quitté pour des raisons que je comprends parfaitement, et je n'ai d'ailleurs aucun ressentiment à ce sujet. C'est peut-être plus dur, quand la séparation se fait alors que vous, vous voudriez que tout continue pour toujours, que vous êtes heureux avec la personne. Plus dur que lorsqu'il y a quelque forme de ressentiment que ce soit qui facilite la séparation. L'avantage c'est qu'il n'y a pas de rancoeur, pas de colère, ni de disputes. Mais vous êtes arrachés à la vie de vos rêves, en quelque sorte, et il n'y a rien que vous puissiez faire. Un peu comme lors d'un diagnostic d'un cancer, en fait. Vous êtes projeté dans une vie que vous ne désirez pas, vous devez faire le deuil de cette part de vous qui est plus que vous, qui était "nous". Beaucoup de réactions sont possibles, je pense. Comme la leucémie, j'ai décidé de l'accepter comme quelque chose d'inévitable auquel il fallait survivre. Oh, ce ne s'est pas fait sans mal, le soir de la prise de décision ferme et définitive de se séparer, j'ai pleuré, j'ai souhaité avoir crevé de la leucémie (avant de me rendre compte de l'horreur de cette pensée quand j'ai appris le décès d'une amie). J'ai eu des soirs noirs, depuis, à me demander ce que je foutais sur cette terre, à en avoir marre d'exister, séparé d'un bout de moi, dans un corps qui me fait souffrir tous les jours. Mais bon. Pas le choix.

En plus de la séparation du couple, il a fallu accepter le fait de rentrer de façon non souhaitée au bercail. Situation paradoxale: ma famille et ma culture me manquaient, la France aussi, et puis surtout mes amis me manquaient. J'ai quelques amis très proches aux US, mais j'ai eu du mal à connecter à un niveau fondamental avec les gens, à trouver des gens ayant une vision de la vie qui corresponde profondément à la mienne. Les seules personnes avec qui j'arrivais à communiquer était d'autres malades, et quelques très rares personnes ayant souvent des parcours de vie étrange, ou des centre d'intérêts hors norme, proche des miens. L'ironie, c'est que l'été avant de partir, entre on va dire mai et septembre, j'ai rencontré des gens extraordinaires qui m'ont profondément donné envie de rester à Seattle. J'ai été accueilli comme un frère par les Ilustrisimos de Vancouver (une école d'épée) et par le club de I Liq Chuan de Seattle (une pratique proche de la mienne). J'ai rencontré une chamane sibérienne et son élève et j'ai vécu des choses extraordinaires, magiques avec elles. J'ai vu les orques. J'ai visité la terre des Duwamish, tribu du chef Seattle, et je me suis senti profondément connecté à ce bout d'île, j'ai eu l'impression d'être chez moi, vraiment.

Cela a été un double déchirement. Arraché à ma terre alors que je l'avais finalement choisie, arraché à ma vie, arraché à mon couple. Avec en fond, le spectre de la maladie, la douleur permanente et la dépendance aux médicaments. Le jour où je me suis retrouvé dans mon appartement vide, quitté 6 ans plus tôt avec les mêmes valises mais sans ma femme, j'ai eu un moment de flottement. Retour au départ, la maladie en plus, l'amour en moins, et cinq ans de plus au compteur. Sensation étrange de gâchis.

Les mois qui ont suivi, jusqu'à décembre, ont été très dur. Il a fallu réapprendre à vivre tout seul, déménager, prendre en charge toutes les démarches. Tout est compliqué, et cela se complique encore quand vous avez une fenêtre d'à peu près 2-3h par jour où vous fonctionnez normalement avant d'être soit épuisé, soit tellement douloureux que vous n'avez qu'une envie, vous foutre au lit. Et puis vivre seul, c'est deux fois plus de boulot, plus de partage des tâches, plus de cordon de sécurité aussi lorsque vous venez de gerber et que vous avez du mal à trainer vos os, personne sur place pour aider. Il a fallu apprendre à faire sans.

Il a aussi fallu s'habituer au système de santé et toute cette période est émaillée de dizaines de visites chez des médecins différents, pour faire le point, pour que tout le monde se mette au courant, pour essayer des thérapies contre la douleur, en ménageant l'ego des uns et des autres... A un moment j'en ai carrément eu ma claque d'ailleurs. J'ai un peu fait un rejet du monde du cancer et moi qui suivait publications, malades etc... Je me suis complètement détourné du sujet. Juste marre. Besoin d'air.

Cette difficulté du retour a été compensée par plein de petits plaisirs. Retrouver les pâtisseries françaises, constater qu'au supermarché, même les trucs d'entrée de gamme sont meilleurs que la plupart des produits US, retrouver la famille sans avoir le cœur serré en les quittant car on se dit qu'on ne les reverra pas avant un an, aller dans les librairies et se rendre compte qu'on a toujours accès à tous les livres US fabuleux, mais qu'en plus on a accès à une production française d'excellente qualité. Retrouver les amis, aussi.

Les expats disent souvent qu'à leur retour, pleins d'amis ont déserté. Je ne sais pas. Chaque fois que j'ai appelé mes amis les plus proches, ils ont accouru à ma rescousse. Je pense en particulier à Julien, Ludo, Serge, Amaury, Solène, mon frangin, Marcel mais aussi Nadine et Carla... Mais je suis devenu assez solitaire. Je l'étais déjà un peu, et passer 3 ans seul à la maison toute la journée a un peu renforcé cela. Sans compter le fait qu'il est difficile de maintenir une vie sociale quand on est plus bon à rien à 21h. Je n'ai donc pas énormément contacté de gens, c'est un peu paradoxal d'ailleurs, cela fait presque un an que je suis rentré et j'ai vu moins de monde que lors de la semaine en France passée au bout d'un an d'expat. Je manque de temps, je manque d'énergie. En revanche, si l'on me contacte, je suis toujours partant.

J'ai souvent des impressions étranges, même encore un an après. J'ai oublié comment beaucoup de rouages de la société française fonctionnent, je ne reconnais rien de ce qui passe à la TV, j'ai même oublié des lieux et la carte du métro Parisien, que je suis maintenant obligé de regarder attentivement, comme lorsque je suis arrivé à Paris il y a presque 15 ans. Je ne suis plus tout à fait chez moi, ça c'est sur!

Malgré tout cela, je crois que je me sens mieux en France. Des rues avec des boulangeries et des pâtisseries, des vieilles pierres, les bars avec terrasse, les bistrots... Tout cela fait partie de mon ADN je crois, comme celui de beaucoup de français, et retrouver une vie normale, si cela m'a enlevé ce frisson de l'aventure que j'aimait tant, m'apporte une certaine détente, je dois l'avouer.

En décembre, ma grand-mère est morte. De tous mes grands-parents (j'ai eu la chance de tous les connaître), c'est elle qui a le plus compté. Mes grands-parents du coté paternel sont mort alors que j'étais aux US et cela m'avait profondément affecté de ne paspouvoir assister à leur enterrement, de ne pas être la pour mon père. Alors là, j'étais heureux de pouvoir être là et de pouvoir la faire parler à travers moi à son enterrement ainsi que d'être la pour ma famille, mon grand-père et ma mère.

En décembre Celia m'a aussi annoncé que notre séparation était définitive. La nouvelle m'a broyé quelques jours, mais cela a été libérateur. Nous avons parlé et nous nous sommes quitté définitivement avec beaucoup de tendresse et d'affection, je crois. Comme le diagnostic du cancer, cela m'a libéré, en tout cas. Libéré du doute, avec un seul objectif: vivre.

Je compare le divorce et l'impatriation au cancer, car le fait est que j'ai digéré cette succession de traumatismes à une vitesse incroyable. Il y a une forme d'habitude, de gymnastique mentale: on continue et c'est tout. Il y a aussi une vraie évolution dans mon caractère. Je ne m'inquiète globalement jamais, je n'anticipe jamais un malheur ou un problème. Je vais prendre un exemple débile, mais si je perds mon téléphone, je vais m'inquiéter quand j'aurais cherché partout. Avant cela, comme ce n'est pas sur qu'il soit perdu, je ne m'inquiète pas, je ne m'énerve pas. Quand le portable est vraiment perdu, je m'agace cinq minutes, puis je cherche un autre portable. Et voilà. Je suis fondamentalement optimiste, en théorie comme en pratique.

Il y a quand même un truc qui me stresse: la bureaucratie. J'ai du mal à répondre au téléphone et à ouvrir mon courrier car j'ai tout le temps peur qu'un truc ne me tombe dessus. Je crois que c'est essentiellement du aux galères rencontrées en rentrant, j'en ai juste marre (on m'a piqué ma bagnole par exemple). J'ai juste envie qu'on me foute la paix. Je m'excuse d'ailleurs auprès de mes amis: j'ai saturé, j'ai le portable en horreur. Il est souvent en panne de batterie parce que je l'oublie. Envoyez moi des emails, c'est le meilleur moyen. Même si c'est un email  pour me dire de vous téléphoner.

En janvier, j'ai décidé de me reprendre en main et de recommencer à rencontrer des femmes. Je suis solitaire, mais pas fait pour vivre seul... Et puis j'aime les femmes, on ne va pas se mentir ;). Direction Internet et les nombreux sites du marché. Je vous avoue que j'ai vraiment eu l'impression de ramer. Cela a été très difficile pour moi de connecter avec des femmes. Nous avions des vies et des préoccupations tellement éloignées... Le courant passait très rarement et quand il passait, j'étais déprimé par l'espèce de double peine que représente le divorce et la maladie. Comment aller plus loin quand vous n'êtes pas divorcé officiellement, et quand le seul fait d'aller prendre un café en soirée avec quelqu'un vous coûte? On se fait un musée ensemble? Ah, non, ça me brise les jambes, tu préfères pas juste discuter chez moi? Avouez que c'est assez peu glamour. Comment dire à quelqu'un que vous ne pourrez pas faire des tonnes de sorties et qu'au bout de deux heures vous êtes claqué?

J'ai décidé de jouer cartes sur table, en expliquant tout sur mon profil du site choisi. Maladie, divorce, tout, avec une caution à l'appui, le blog me permettant de convaincre que je ne racontais pas n'importe quoi. Forcément avec ce genre de profil, cela a filtré pas mal. Pourtant, une femme a accepté de me rencontrer chez moi, pour prendre un café. Et puis Charlie Hebdo est arrivé, le jour du RDV: elle était flic (ce qui explique aussi sa prise de risque) et a annulé. J'ai un peu eu l'impression d'être maudit.

Un soir, une femme a piqué mon intérêt. Sa photo était floue, je ne l'aurais normalement pas contacté, mais elle prétendait aimer "Le Petit Prince". Je me suis demandé ce qu'il y avait derrière, et je me suis aperçu en en discutant avec elle qu'elle pouvait parler du texte de manière vraiment intéressante, vraiment pas simpliste. Pas comme beaucoup de gens qui prétendent aimer ce texte quoi. J'étais un peu le cul entre deux chaises: sa photo était vraiment mauvaise, et j'estimais qu'il y avait une chance sur deux qu'elle me plaise. J'en ai parlé à un ami, en disant que normalement je ne prendrais pas le risque (un café, cela me coûte rappelez-vous, alors avec quelqu'un qui ne me plait pas...) Mais, là, j'étais prêt à le prendre, ce risque, tellement la conversation m'avait accroché.

Nous nous sommes rencontré, et j'ai su au moment où elle est sortie du métro et où je l'ai vu sourire qu'il se passerait quelque chose. Nous venons de fêter nos 6 mois ensemble. Elle a une fille de 11 ans. Cela pourrait être un obstacle, mais je commençait à vouloir avoir un enfant, et je suis stérile. Voilà qu'une enfant débarque dans ma vie, et elle est adorable, d'ailleurs je la garde les deux jours qui viennent, on va bien s'amuser. Nous avons beaucoup de points commun étrange (elle est allée au lycée de mon père, par exemple, cela ne s'invente pas). Elle a aussi un vécu compliqué, un accident de voiture qui lui a presque arraché la cheville et qui lui a laissé une vilaine cicatrice et des difficultés à marcher. Elle souffre tous les jours depuis cinq fois plus longtemps que moi.

Je me demandais si je pourrais avoir une relation avec une fille "normale", et je n'ai toujours pas la réponse. Le fait est que le quotidien entre nous est facilité par le fait que nous savons exactement ce que vit l'autre. Une belle brochette de rebuts, tous les deux! En tout cas notre relation n'est pas basée sur le handicap mais sur nos intérêts commun (et ce truc en plus qui existe ou pas). Mais il faut avouer que c'est dur, de vivre avec quelqu'un comme nous au quotidien compliqué, et c'est un vrai plus d'être avec quelqu'un qui comprend parfaitement. Aurions-nous la même affinité sans avoir traversé ce genre d'épreuves? Je ne sais pas. Surement, mais nous n'aurions pas les outils pour que cela dure, alors que j'ai l'impression que maintenant, nous les avons. En particulier, nous communiquons énormément à tous les niveaux. Nous sommes aussi en particulier en phase. Il y a une anecdote que j'aime bien: un soir en chattant sur facebook, j'ai détecté qu'elle avait super mal à son écriture. Parce que j'écris pareil dans la même situation. Il y a forcément une communication un peu plus profonde entre nous, et c'est plutôt cool. Un cadeau des épreuves.

Je ne vous parlerais pas plus de cette relation, je n'ai plus envie de parler de "femme de ma vie" comme j'ai pu le faire, et de me retrouver seul des années plus tard, ni d'écrire sur ma relation et de tout relire plus tard vu sous l'angle de la séparation. J'espère le meilleur mais je prévois le pire, comme toujours. Nous verrons où cela nous mène, mais j'espère très très loin. Tout est là pour.

Cette rencontre m'a redonné le gout à la vie, pourtant l'histoire ne se finit pas là. La gestion de la douleur, parallèlement au retour au travail, est devenue compliquée. En mai, j'ai eu l'impression de toucher le fond. Tellement d'envies, tellement mal tout le temps, tellement peu d'énergie pour les réaliser... Marre d'imposer cela à des gens aussi, marre de vivre cela. J'ai lâché sur pleins de plans. J'ai arrêté d'aller à l'hosto, d'ouvrir mon courrier, de voir d'autres gens que ma copine. Je me suis senti complètement piégé par la douleur et les médicament, par cette vie rythmée de plages de "bien" où j'étais fonctionnel durant quelques heures et le reste du temps où j'attendais la prochaine dose.

Et puis en Juin (grâce à Elle d'ailleurs, qui a suggéré l'idée), nous avons trouvé un nouveau traitement. Je suis nettement mieux avec beaucoup moins de morphine. J'ai à nouveau l'impression d'être libre, je suis beaucoup mieux et plus actif. Progressivement, je reprend le contrôle, je mange mieux, je m'entraîne à nouveau. J'ai une femme de ménage qui vient 2h par semaine me décharger d'une part du boulot, j'ai enfin trouvé mes marques à mon travail et ce que je fais me plait, j'ai trouvé de nouvelles pistes pour continuer mon roman et le deuxième jet s'annonce bien meilleur que le premier. Bref, la vie continue, et c'est une belle vie. Je suis heureux, j'aime ma "petite famille", mes deux nanas quoi. J'ai enfin l'impression que je reprend une vie normale, même si j'ai encore dégeulé il y a deux semaines au réveil sans raison, cela m'impacte moins.

Un ami m'avait dit, lorsque je suis tombé malade: "Pense à l'opportunité incroyable d'évolution que cela représente". Cette pensée m'avait soutenu, mais je me suis rendu compte en cours de route que si évolution il devait y avoir, cela voulait dire beaucoup de souffrance, et surtout beaucoup de travail sur soi pour apprendre de cette souffrance. Car oui, on peut souffrir sans évoluer, sans rien apprendre. Je me suis aussi rendu compte que cette évolution n'était pas stable, qu'on pouvait régresser, et que c'était une attention de tous les instants, de ne pas perdre le cap, malgré toutes les épreuves. Et quand on perd le cap temporairement, et bien tant pis. Lorsque l'on s'en rend compte, il faut repartir et recommencer c'est tout.

Cela fait quatre ans que j'ai été transplanté. Lorsque je suis tombé malade, je pensais qu'à cette date, je serais heureux et vigoureux. Je me suis rendu compte en cours de route qu'il était bien possible que je ne sois ni l'un ni l'autre. Au final, je suis quand même en bonne voie. Malgré cette année très dure, je suis à nouveau à un moment de ma vie où je me dis que je suis exactement où j'ai envie d'être, faisant ce que j'ai envie de faire en compagnie de la personne que j'aime. Qui sait ce qui arrivera l'an prochain? L'important c'est de continuer.

lundi 20 juillet 2015

La loi des plaines chapitre 10: A la recherche de Yahnee

Bonjour à tous! Et oui, je néglige un peu mon blog en ce moment, et lorsque j'écris, c'est pour publier ma nouvelle, pas pour donner des nouvelles... Je vous rassure, tout va bien, que cela soit au niveau de la santé, du travail ou sur le plan personnel. J'avais besoin de faire une pause d'une part, digérer tout les événements récents, et puis je continue bien sur à écrire tant et plus mon roman, ce que je ne peux pas vous montrer... J'en suis aux derniers 20%, j'ai bon espoir de pouvoir présenter quelque chose dans quelques mois :). Ajoutez à ça la reprise du travail et une vie personnelle bien remplie, ainsi que les limitations de mon état (je souffre toujours de douleurs chroniques, je suis toujours très fatigué, en particulier en ces jours de canicule) et vous comprendrez que je ne peux pas tout faire à la fois. Je vais m'y remettre je pense, car je commence à avoir de la matière pour parler du retour et du changement de vie co-incident. Bon, je vous laisse, et j'espère que la suite de l'histoire vous plaira.

Six  cavaliers, treize chevaux. Leur galop aurait dû faire suffisamment de bruit pour réveiller chaque animal errant dans les plaines, mais ils étaient silencieux comme un chat. Kotsoteka [Buffalo Eater], un gros Nʉmʉ aussi large qu'il était grand (ce qui n'était en fait pas beaucoup, heureusement pour son cheval), était doué de la capacité d'étouffer les sons dans une large zone autour de lui, un talent qui était extrêmement utile aux chasseurs. Certains braves n'aimaient pas ce Don, prétendant que c'était la marque d'un lâche, que les vrais guerriers devaient hurler fièrement leur cri de guerre pour faire naître la peur dans le cœur de leurs ennemis. Mais Kanaretah était sage et elle avait très bien compris qu'il n'y avait pas de lâcheté dans le fait de suivre la Loi des Plaines. Seuls les imbéciles ignoraient les Dons donnant aux tribus un quelconque avantage, et les sots ne vivaient généralement pas longtemps.

Pourtant, restait le problème de trouver Wakaree. C'était la tâche de Tabbananica [Aigle du Soleil], l'autre brave de la tribu béni par les Yeux de l'Aigle. Les aigles étaient des oiseaux légendaires vivant au-delà des étoiles, que l'on disait capables de voir depuis la voûte céleste jusqu'aux gouffres les plus profonds, dans ces grottes dont le ventre engendrait le mal qui souillait les Plaines. Malheureusement, Tabbananica était borgne, son oeil pris par un morlock l'ayant mordu au visage. Son Don était par conséquent loin d'être aussi bon que celui de Yahnee: il voyait incroyablement loin, mais il devait pour ainsi dire regarder deux fois plus intensément.

Kanaretah jura dans sa barbe. La bande avait également été dotée de trois femmes ayant les Yeux, mais elles étaient toutes mortes la saison passée. Une avait trépassé en donnant le jour à une petite fille, une autre avait été retrouvée morte de froid après une tornade particulièrement violente qui avait fait des ravages dans le campement. La dernière était morte en protégeant des enfants lors d'une attaque de morlock. Malheureusement, tout ceci ne sortait absolument pas de l'ordinaire, tel était le quotidien des plaines, violent et brutal. C'était le prix à payer pour vivre librement sous le ciel et non pas comme un chien dans une cage, comme les lâches habitants des villes fortifiées.

Kanaretah était fataliste. Perdre un membre de la bande était toujours tragique, mais les Nʉmʉ avaient rarement le temps de pleurer leurs morts et en temps que chef elle devait d'abord penser aux vivants. Parfois, cela rendait les choses plus faciles, et pourtant, parfois, non. Ce soir, cela ne l'aidait en rien. Perdre Yahneequena signifiait que la tribu perdrait un de leurs atouts principal contre les morlocks, leur capacité à les détecter tôt et à fuir rapidement. Elle aimait le jeune brave comme un fils, mais plus que cela, il était une ressource qui pouvait signifier la vie ou la mort pour des dizaines de personnes.  Elle jura à nouveau. La folie et la bétise étaient malgré tout toujours les pire ennemies de l'homme. Comment pouvait-il s'en être allé seul en reconnaissance?

Elle fut sortie de ses ruminations lorsque Tabbananica leva la main. Ce n'était pas le signe signalant des amis.

"Qu'est-ce qui se passe encore?" murmura-t-elle quand elle fut à sa hauteur. Elle n'élevait jamais la voix, même sous le Don de Silence. C'était une mauvaise habitude, qui pouvait vous faire tuer si vous haussiez le ton sans que quelqu'un possédant le Don soit près de vous. Kanaretah détestait les mauvaises habitudes.

«Je vois Wakaree," déclara le chétif Nʉmʉ sur le même registre.
"Alors, pourquoi signales-tu des ennemis?" dit-elle.
"C'est le problème," dit-il, «je l'aperçois à la limite de mon champ de vision. Il y a une meute de Chats-Rasoirs entre nous."
Kanaretah grogna.
"Oui, on ne nous facilite pas la tâche hein?" dit le vieillard avec sympathie.
"Nous avons juste besoin d'une tornade et d'une horde de morlock sur nos talons et nous aurons accumulé la malchance d'une vie en une seule nuit." dit-elle en essayant de penser à leur prochain mouvement. Elle ne savait alors pas que les événements allaient bientôt lui donner raison.

"Eh bien, au moins tu n'as pas le derrière plein de verrues comme moi!" ricana son vieil ami.

«Chut». Elle n'était pas d'humeur à plaisanter.

Les Chats-Rasoir étaient des prédateurs particulièrement vicieux, même parmi la litanie d'animaux carnivores parcourant les plaines. Ils ressemblaient un peu à de très gros chats, minces, mais très haut sur pattes. Ils avaient une longue fourrure qui les faisait paraître beaucoup plus massifs qu'ils ne l'étaient en réalité et qui les protégeait du mauvais temps courant dans les plaines. Mais plus que cela, leur fourrure était aussi leur arme la plus terrifiante. D'une façon similaire à leurs petits cousins les morduans, qui se cachaient dans l'herbe-lame sans risque en durcissant sélectivement une partie de leur fourrure, les Chats-Rasoirs hérissaient la leur en de longues lames sortant de leur dos, de leur crâne et de leurs pattes. Ils chassaient les  imposants Kʉtsʉtoya, en se faufilant sous eux et en sabrant leurs ventres et leurs jarrets sans défense. Ils n'étaient pas particulièrement rapides, leurs proies étant elles-mêmes relativement lentes, mais ils étaient capables d'accélérations foudroyantes leur permettant d'infliger de multiples blessures tout en évitant d'être piétiné. Même les humains ayant des Dons étaient en danger face à ces tueurs et la meilleure façon de les gérer était soit de les effrayer par le nombre ou de les distancer, une tâche aisée pour les cavaliers nés  qu'étaient les Nʉmʉ.

Tabbananica fit écho aux pensées de Kanaretah.
"Une meute entière, neuf d'entre eux. Ils ne nous ont pas entendu, mais ils sont en éveil, la vibration du sol doit les avoir alerté."
"Oui. Heureusement, nous sommes sous le vent. S'ils nous sentent, nous ne serons jamais en mesure d'atteindre Wakaree et Yahnee."
Bowahquasuh [Chemise de Fer] s'avança. «Je vais les distraire avec Kotsoteka" dit-elle. Bien sûr, elle se portait volontaire, entre tous, elle était la moins préoccupée par les Chats-Rasoirs. Elle possédait un Don rare parmi les Nʉmʉ, celui de la Chemise de Fer lui, qui lui avait donné son nom. Sa peau avait une coloration métallique et était résistant aux coupures, une mutation qui était inestimable dans les plaines du Nord où certaines variétés de plantes pouvaient couper comme des lames. De plus, cela agissait comme une protection solaire permanente, ce qui était loin d'être une chose insignifiantes car, dans la mer d'herbe, l'ombre était presque inexistante.

"Non, j'ai besoin de lui. Nous ne savons pas si Yahneequena est blessé et ce qui a fait autant peur à Wakaree, je préfère rester cachée dans la mesure du possible. Tosawi, est-ce que Pisunii peut atteindre Wakaree d'ici?"
Les yeux de Tosawi se perdirent momentanément dans le vide alors qu'elle parlait à son partenaire. "Non, je suis désolée, c'est trop loin. Elle ne peut pas le voir, elle ne peut pas le sentir, pour elle, c'est extrêmement difficile d'établir un contact sans cela."

«Je pourrais marcher en esprit jusqu'à lui, mais si je ne peux pas les voir cela va m'épuiser." dit Tabbaquena.
"Non. Tabbananica, pointe moi dans la bonne direction. Les esprits me dévorent si je ne peux pas les pister! Ensuite, toi et Bowahquasuh, vous vous dirigez vers le couchant. Dès que vous serez assez loin de Kotsoteka, les chats vont vous entendre. Donnez-leur le plus puissant des cris, conduisez les aussi loin que vous pouvez, puis perdez-les et revenez au camp. "
"Haa Haa" déclarèrent à l'unisson les braves. Ils se regardèrent et sourirent. Ils savaient que ce qu'ils allaient faire était dangereux, mais ils avaient vu pire et ils avaient confiance l'un en l'autre et en leurs montures.

"Je vais demander au vent de rester avec nous. S'ils nous sentent, c'est fini" dit Towasi. La jeune femme possédait un Don assez rare parmi les Nʉmʉ: elle était une amie des Vents. Les Tresseurs de Vents, comme on les appelait à Gond, surtout les plus puissants d'entre eux, pouvaient créer des rafales à partir de rien mais la capacité de Towasi était très loin de ce genre de magie. Elle pouvait juste instinctivement influencer la direction des vents, une capacité qui était sans doute apparue pour aider les humains à survivre aux tornades dévastatrices qui balayaient les plaines régulièrement.

"En place", ordonna Kanaretah. Et ils se mirent en marche.



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