Carnets de Seattle: Patchwork d'impressions et d'humeurs de deux Français expatriés aux Etats-Unis. Depuis mars 2011, ces carnets sont aussi le journal de notre combat contre la leucémie.

mardi 24 mars 2015

La loi des plaines, chapitre 1

Je vous avais parlé de ce que j'écris à coté. Comme c'est en anglais, je vais le traduire en français petit à petit. Je vous laisse découvrir, et vous trouverez plus d'information sur le blog des Citées Assiégées. Quelques notes: l'histoire se passe sur une planète colonisée par la Terre dans un lointain passée, l'humanité à été pratiquement détruite par une infection transformant les gens en "zombies" (il y a une raison et plus de détails, je sais, dit comme ça, c'est cliché), et vivent des de grandes forteresses, les citées assiégées. Seul le peuple dont il est question ici vit en dehors des villes car ils sont nomades. Une note de pronontiations, les u barrés se prononcent quelque chose comme "euh".

Les morts sont égaux. Chef Nʉmʉ anonyme

Prologue


Cette histoire est l'histoire d'une crise.

Chaque crise commence de la même façon. C'est un jour normal, de routine. Les gens normaux sont occupés à faire ce qu'ils font habituellement dans leurs vies tout à fait normales ... Et soudain, quelque chose qui sort de l'ordinaire se produit. Quelque chose qui, en un clin d'œil, change leur destin à jamais.

La triste réalité c'est que la plupart du temps, ce petit quelque chose aurait très peu d'importance si seulement il recevait l'attention qu'il méritait. Pis encore, la plupart du temps ses conséquences sont aggravées par une chaîne d'erreurs que les gens font par ignorance, ou pire, par négligence. Et sur Yaghan, une planète où les humains se terrent dans des villes fortifiées et où les monstres règnent en maître, l'Ignorance et la Négligence sont souvent les mères de la Tragédie.

Chapitre I


C'était une belle et chaude nuit du début de l'automne, quelque part dans les vastes plaines qui composent la majeure partie du plus grand continent de Yaghan. Yahneequena [Aigle Heureux] dormait profondément, enveloppé dans les lourdes fourrures d'un jeune Kʉtsʉtoya, non loin de l'un des petits foyers creusé dans le sol sec des steppes par sa tribu, les Quenashano [War Eagles]. Il ronflait béatement et rêvait des histoires étranges que leur chaman Tabbaquena [Sun Aigle] leur racontait afin d'essayer de les éduquer sur leur passé.

Il y a longtemps, plusieurs centaines de révolutions leur avait dit Tabbaquena, les derniers membres des Nʉmʉ avaient décidé d'émigrer sur Yaghan. Ils avaient espéré que cette planète vierge, la première planète habitable découverte par les habitants de la Terre, leur permette de vivre une vie plus proche de leurs coutumes ancestrales. Avec cet objectif à l'esprit, ils s'étaient installés dans les grandes plaines, un grand continent semblable à l'endroit où ils avaient historiquement vécu sur Terre. À la surprise de tout le monde, ils y avaient prospéré, grâce à la découverte providentielle des Kʉtsʉtoya, un énorme animal au moins deux fois plus grand et imposant qu'un cheval. Tabbaquena disait qu'ils ressemblaient à d'énormes bisons carnivores, mais Yahnee n'avait jamais été à Gond et il n'avait donc aucune idée de ce à quoi pouvaient ressembler ces animaux antiques. Les imposantes bêtes étaient herbivores, mais comme la plupart des créatures sur Yaghan, ils pouvaient aussi se mettre à manger de la viande lorsque la nourriture se faisait rare. Avec une peau épaisse et une fourrure qui l'était encore plus, c'était un animal dangereux à chasser, mais il fournissait aux tribus tout le nécessaire, de la nourriture aux vêtements en passant par les armes.

Lorsque la Première Guerre contre les Morlocks avait amené l'humanité au bord de l'extinction, les Nʉmʉ avaient été les seuls ayant un minimum de connaissances sur la façon de survivre en pleine nature sans l'aide constante de machines (Tabbaquena avait dit que les machines étaient des choses comme les Trains Eoliens de Gond). La guerre les avait forcé à adopter pleinement l'ancien mode de vie des tribus. En conséquence, durant les jours sombres suivant la guerre, les Nʉmʉ avaient joué un rôle crucial dans la défense des communautés naissantes de survivants. Ils avaient également été les seuls assez courageux pour continuer à vivre en plein air au lieu de se terrer dans des villes fortifiées aussi inexpugnables qu'asservissantes.

Toutes ces légendes semblaient étranges et merveilleuse pour le jeune guerrier, en particulier celles parlant de cette autre planète quelque part dans le ciel, d'où ses ancêtres étaient prétendument originaires. Il rêvait parfois qu'il chevauchait parmi les étoiles avec son cheval Wakaree [Tortue], à la découverte de terrains de chasse vierges de la présence de monstres sanguinaires.

Il était plongé dans un tel rêve lorsque sa mère mis ses mains froides sur ses joues, le réveillant soudainement. C'était une femme forte et encore jeune, mais sa peau était prématurément vieillie par les rayons brûlants des soleils jumeaux qui réchauffaient la planète. Il déposa un baiser sur les mains desséchées.

"Bonjour mère, merci de me réveiller... Comment vas-tu", murmura-t-il.

"Tsaata, tsaata [bien, bien], fils», dit-elle d'une voix douce, afin de ne pas réveiller les autres membres de la tribu. «Il est temps pour toi de prendre ton quart."

"Haa Haa [Oui]. Merci mère» murmura-t-il. "C'est une belle nuit pour chevaucher!" ajouta-t-il joyeusement.

"En effet", dit-elle. Puis: "Yahnee, Pahiitʉ-Saari [Trois Chiens] est malade. Demande à quelqu'un d'autre de venir avec toi."

Il eu l'air surpris. La jeune femme était en parfaite santé à midi, lorsqu'ils avaient pris leur repas.

"Elle a mal au ventre. Tabbaquena lui a donné des herbes, elle a vomi, avec un peu de repos, elle ira bien. Ne t’inquiètes pas, il faut juste que tu trouves quelqu'un d'autre pour t'accompagner."

"Haa, Haa. Je comprends. J'y vais. Pas de soucis, mère. Je serait prudent."

Alors qu'il s'extrayait de son sac de couchage de fortune, elle ouvrit un panier en osier tressé et pris un paquet enveloppé dans les longues feuilles rouges de la plante d'ekapita. Il savait que c'était de la nourriture pour son voyage, probablement un petit morceau de pain, des fruits et des tranches de viande de kʉtsʉtoya séché. Elle lui tendit le paquet ainsi qu'une poche à eau en cuir puis le regarda se préparer. Les Nʉmʉ estimaient qu'il était important d'être bien apprêté quand on allait à la guerre parce que si on mourrait au combat, on devait se présenter devant le Grand Esprit. La tâche des scouts était très dangereuse, par conséquent Yahneequena s'habillait toujours avec beaucoup de soin. Il enfila un pantalon en peau de daim frangé et une magnifique chemise de cuir ornée de perles d'os couleur ivoire. Ensuite, selon la coutume, il enveloppa ses deux tresses dans de douces fourrures.

"Les esprits soient avec toi, mon fils." dit-elle tout simplement quand il eut terminé. «Va trouver quelqu'un pour t'accompagner".

"Merci Mère. J'y vais." dit-il. "Peux-tu marquer une pierre pour moi?".

Elle acquiesça, puis le regarda marcher vers l'autre côté du camp, vers l'endroit où son ami Kʉtsʉteka [Mangeur de Bison] se reposait. Puis elle prit son couteau et grava un signe dans une pierre blanche qu'elle posa à côté du foyer principal. De cette façon, tout le monde pouvait savoir que les scouts avaient quitté le camp pour ce quart. Elle retourna ensuite se calfeutrer dans les fourrures de la couche de Yahneequenah, profitant ainsi de la douce chaleur laissée par son fils.

Elle ne se doutait malheureusement pas qu'il n'avait aucune intention de respecter la "Loi des Plaines".

jeudi 5 mars 2015

Making of de "La loi des plaines".

Je vous ai déjà parlé du fait que pour prendre de la distance avec le livre sur la leucémie (200 pages de texte inédit !), je me suis mis à écrire un livre de fantasy en anglais, situé dans un monde que je développe de toutes pièces, « Les citées assiégées de Yaghan ».

L’idée de base, c’est : « Qu’est-ce qui se passerait si dans le Seigneur des Anneaux, Sauron avait gagné. » Dans mon monde, les humains ont colonisé une planète, puis un jour certains ont muté en sorte de zombies, précipitant la chute de la civilisation. Oui, c’est cliché, mais il y a une bonne raison derrière cette « mutation ». Mon but étant juste de trouver une raison pour que l’humanité soit confinée dans des villes fortifiées, afin de voir ce qui en sort.

Le problème de l’histoire, c’est qu’il faut que les « zombies », que j’appelle Morlocks (la référence est intentionnelle), soient crédibles. Il faut que la menace soit vraiment sérieuse pour justifier cet enfermement. Or, l’une de mes lectrices de test (j’ai quelques lecteurs qui ont lu le roman en connaissant les secrets, et d’autres sans les connaitre, pour vérifier que tout fonctionne) m’a dit un jour : « Je ne comprends pas, tes héros, ils cassent du morlock trop facilement, je ne comprends pas pourquoi les gens en ont peur ».

Ben oui, les héros de mon roman sont des soldats d’élite et c’est pour cela qu’ils sont les seuls à sortir des villes : parce qu’ils sont surentraînés et qu'ils sont tous des Sculpteurs, ils sont capables de modifier la réalité, de faire de la magie quoi. J’aime bien les histoires avec des héros qui décoiffent, c’est plus rigolo de suivre Luke Skywalker que Jar Jar Binks. Donc mes héros, ils sont capables de tenir tête à une horde à juste cinq, parce que ce sont des Héros. Le narrateur est un escrimeur qui se bat en modifiant la réalité autour de lui pour que ses lames incroyablement acérées. Mais le péquin moyen, il se fait bouffer. Aparté: pourquoi est-ce que mon héros, s'il peut modifier la réalité, n'efface pas juste ses ennemis? Simplement parce que plus l'effet est proche de la réalité, plus il est facile à exécuter, et que donc "affûter" magiquement une épée qui coupe déjà très bien c'est plus facile que de faire disparaitre un être vivant non consentant (la magie de mon monde est limitée par la fatigue, potentiellement mortelle, qu'elle induit, d'où l'obligation d'être créatif pour économiser son énergie).

Je me suis donc dit qu’il fallait que je montre un peu la situation du point de vue d’un humain moyen, pour que l'on ai vraiment peur de ces satanées bestioles. Or, parallèlement, un ami m’a recommandé de publier des textes sur un blog, pour faire découvrir mon monde et avoir des retours. Je me suis alors dit que j’allais écrire une nouvelle, et que cela me permettrait en plus de finir une histoire complète (un bouquin, c'est long et frustrant, on en voit pas la fin). Le sujet était tout trouvé, une nuit dans la vie des Nʉmʉ! Ce peuple est le seul de la planète à vivre en dehors des villes. Ce sont des tribus de nomades, ce qui leur permet d’en permanence fuir devant les hordes de morlocks. Des sacrés durs à cuir donc, largement plus compétents et aguerri qu’un habitant des Citées, mais tout de même pas aussi balèzes que des moines guerriers qui s'amusent à trifouiller la structure même de la réalité.

Ceux qui ont lu la nouvelle se doutent que les Tribus sont inspirées des Indiens d’Amérique, avec justesse : les Nʉmʉ sont en fait les Comanches de la Terre, que je n’ai jamais nommés explicitement parce que l’on m’a fait le retour que cela cassait un peu l’immersion. On m'a entre autre dit que l’on ne comprenait pas comment des indiens avaient pu se retrouver sur une autre planète, ce qui est une question légitime. Il se trouve qu’il y a une excellente raison, que je ne peux pas expliquer pour le moment, mais elle existe. Il n'empêche que j’ai pris en compte la remarque, et juste utilisant leur vrai nom, qui est largement inconnu, j’ai évité d’avoir à expliquer cette raison en les rendant largement étrangers.

Ce sont pourtant bien des Comanches dont il s’agit dans cette nouvelle, et je peux vous dire que j’ai fait beaucoup de recherches pour coller autant que je pouvais aux Comanches historiques. Vous aurez par exemple remarqué une certaine cohérence dans les noms : c’est normal, ce sont tous des vrais noms. J’ai passé pas mal de temps à potasser des dicos, j’ai même trouvé des sites avec des exemples de Comanche parlé (la plupart des noms avec des u barrés sont imprononçables d’ailleurs : p). Je connais un certain nombre de mots Comanche maintenant, d'ailleurs parfois, les noms des personnages, que j'ai assemblé à partir soit de noms existants, soit de mots du dico, ont influencé l'histoire. Mon personnage principale s'appele Yahneequena, de "yahnee", "heureux" et "quena", "aigle". De fil en aiguille, j'ai rajouté d'autres noms contenant "quena", jusqu'à nommer la tribu les "quenashano", "le peuple de l'aigle", ce qui m'a donné ensuite l'idée de leur pouvoir magique inné d'une vision aussi perçante que celle d'un aigle, leur permettant ainsi de voir les morlocks de loin dans les plaines. Oui, l'inspiration, parfois, cela ne tient pas à grand chose.  Cela va plus loin : la manière de s’habiller, l’armement, l’organisation sociale que je décris, tout est historiquement exact. Il n’y a qu’une différence, l’égalité homme femme (historiquement, les femmes étaient au foyer, et c’est tout), différence que je peux aussi expliquer.

Et la conclusion de la nouvelle, la chute si vous voulez, est un clin d’œil au dernier chef historique de la Nation Comanche. Ah, je vous assure, j'ai potassé!

Si vous lisez la nouvelle donc, vous verrez un peu comment les Comanches, les meilleurs cavaliers des Grandes Plaines (qu’elles soient de la Terre ou de Yaghan), survivent face à une horde gigantesque de prédateurs assoiffés de sang. Je ne vous cache pas que tout ne se passe pas super bien... Cependant, il y a de l’espoir, toujours!

Je serais ravi que vous lisiez cette nouvelle maintenant que tout est publié, et que vous me fassiez un retour: ce qui vous a plu, ce qui vous a accroché, ce qui vous a rebuté, comment j'aurais pu faire pour vous captiver plus si vous avez laché l'affaire, etc. Je suis preneur du bon (c'est toujours important de savoir ce qui marche) comme du mauvais (c'est encore plus important de savoir ce qui ne marche pas).

Dernière remarque, je suis en train de traduire la nouvelle en français. Je traduis entre 2 et 4 chapitre par semaine, j'aurais surement fini fin Mars. Et oui, comme on m'a déjà fait remarquer, c'est à marcher sur la tête: un français, qui écrit en anglais qui se traduit lui même en français....

La nouvelle se trouve ici : "La loi des plaines".

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